18. Paradoxe

1.5K 161 32
                                    

La pluie tombait à verse sur le pavé du trottoir. J'avançais parmi la foule, les mains dans les poches de mon sweat-shirt trempé. Étrange pour une nuit de fin d'été. Et la semaine qui avait été si chaude... Je réajustai l'un des cordons plats du sweat-shirt dont l'élastique commençait à lâcher. Je n'aimais pas être trop serrée au niveau du cou.

Quant à mon dos, il ne me faisait plus aussi mal, mais je pris soin de noter que contrairement aux morsures de Rain, l'hématome de Sebastian avait mis davantage de temps à guérir. Est-ce que le temps de régénération variait en fonction de la blessure ? Je secouai la tête, laissant mes pensées voguer vers des rivages bien plus agréables. Au souvenir de mes derniers instants passés avec Rain, je me réchauffai immédiatement.

Je lui avais tout raconté, omettant volontairement les passages où Sebastian avait clamé qu'elle n'était pas digne de confiance. Rain m'avait d'abord massée, sincèrement inquiète de mon état, et puis... Fatalement, ses attentions avaient fini par prendre un tournant plus sensuel.

Sur le bureau d'Olivia Keen cependant. Car nous étions à peine remises de la décharge électrique que nous nous étions volontairement infligées juste avant. Et ce fut délicieusement long.Elle s'était allongée sur le dos cette fois, et je n'avais pas perdu de temps. Toute à son plaisir, Rain avait éjecté un à un les objets présents sur le bureau de la psychologue. L'agrafeuse, le carnet relié, l'agenda, la lampe de bureau, le calendrier... La petite plaque professionnelle, quant à elle, avait même fini par se fissurer sous mes assauts. Ou les siens, lorsqu'elle m'avait retournée la faveur sur le bureau en acajou.

J'éternuai en passant à l'angle de l'avenue que je contournais toujours lorsque je rentrais chez moi. Trop de monde dans cette artère fréquentée. J'avais attendu la nuit pour quitter le commissariat. Pour qu'elle rentre avec moi, et non comme une « voleuse par les égoûts ». Rain m'avait demandé de l'attendre dans un premier temps, mais suite à un appel de Piers, j'étais finalement partie la première lorsqu'elle m'avait annoncé qu'elle me rejoindrait directement à l'appartement.

En foulant le sol perlé d'eau de pluie, je me demandai ce que nous allions faire ce soir. Je souris bêtement en songeant que je n'avais pourtant pas l'habitude de prévoir mes nuits. En règle générale, je me contentais de suivre mon instinct tout simplement. Une envie de décompresser ? Une pinte pour y remédier. Un besoin de me défouler ? Une séance de sport pour me calmer. Une soif de sexe ? Une relation d'un soir pour me décharger. Mais depuis que Rain avait débarqué dans ma vie...

Je levai la tête pour regarder le ciel. La lune, sans être pleine, était entièrement visible dans le ciel étoilé de New York. Elle l'était aussi, le soir où je l'avais goûtée pour la première fois... Je souris sans m'en rendre compte en repensant à nos premiers échanges. Elle m'avait irritée dès le départ. Que ce soit sous l'identité d'Olivia Keen ou celle de Rain, les premières impressions n'avaient pas été bonnes.

Je secouai la tête. Un adolescent muni d'un casque audio, dont les vibrations sonores m'indiquaient qu'il écoutait de la musique classique, me regarda avec des yeux ronds avant de s'éloigner précipitamment. Quand j'y repensais, ma relation avec Rain me semblait à la fois logique et loufoque. Inattendue et pourtant tellement évidente. Un putain de paradoxe dans toute sa splendeur, voilà ce que nous étions. Moi qui la prenais à l'origine pour une malade mentale... Qui était la plus folle des deux en vérité, elle ou celle qui la suivait ?

Je lançai un soupir méprisant à mes interlocuteurs imaginaires. Qu'ils aillent tous se faire foutre ! J'étais peut-être allumée, Rain était très probablement cinglée, nous étions certainement folles de nous lancer dans l'entreprise qu'était notre relation, mais merde : nous allions le faire quand même. Ensemble. La psychopathe qu'elle était, et la sociopathe que j'étais, resteraient ensemble quoi qu'il arrive. C'était ce que nous avions décidé lorsque nous nous étions quittées au pied de l'ascenseur.

Undying #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant