16. Ennemis naturels

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Les mains derrière la tête, allongée sur le dos, je contemplais le plafond de ma chambre, confortablement installée dans mon lit. Les draps conservaient son odeur, ainsi que celles issues de nos nombreuses confrontations physiques. Il faudrait songer à les changer... J'avais quitté le commissariat très tard dans la nuit, bloquée par ce putain de rapport que Carlsen m'avait fait rédiger. Évidemment, Parker ne s'était pas proposé pour m'aider. Une soirée cinéma avec son fils, c'est ça...

Je me tournai sur le flanc, pile lorsque l'inscription digitale du réveil se modifia pour afficher deux heures du matin. Je repassai les éléments de la journée dans ma tête. Sebastian Lane était le dernier témoin à avoir vu Kelly Tanner en vie. Il était également celui qui nous avait poursuivies, Rain et moi, dans les égoûts l'autre soir. Pour que je la tue. Selon elle, les vampires et les lycanthropes avaient toujours été ennemis, la balance penchant finalement en faveur des premiers au fil des siècles. Et voilà que je me révélais être l'un d'entre eux.

Un animal. Tout comme Sebastian Lane. Je fronçai les sourcils. Ce connard avait réussi à stopper l'interrogatoire, aidé de son avocat qui valait des millions. De toutes façons, son alibi était solide, appuyé par les déclarations du videur et de deux barmans du San Ferno, ainsi qu'une conquête temporaire : tous avaient affirmé que Sebastian Lane et Kelly Tanner avaient quitté le club séparément. De plus, un autre témoin avait confirmé la présence de Sebastian à plusieurs kilomètres de la victime au moment du meurtre. Je me couchai sur le ventre, la tête enfouie dans l'oreiller. Elle l'avait souvent utilisé celui-là. Son parfum y persistait davantage qu'à d'autres endroits.

Je respirai lentement contre l'oreiller. Autre point qu'ils ignoraient tous. Notre lien du sang. Nous en avions parlé durant les rares moments où je l'avais laissée s'exprimer, dévorées par le besoin vital de nous nourrir l'une de l'autre. L'entretenir n'était pas une bonne idée. Je le savais, mais je m'en foutais. Elle aussi, au vu de nos nombreuses sessions de morsures communes. Sur la table de la cuisine, lorsque Rain avait exprimé le besoin de reprendre son souffle, je lui avais demandé si la règle n'était pas devenue caduque, vu qu'on ne pouvait plus me considérer comme étant humaine.

La réponse avait été claire : c'était pire. Entretenir un lien, d'une forme quelconque, avec une lycanthrope revenait à pactiser avec l'ennemi. Et de mémoire, jamais un vampire et un lycanthrope n'avaient pu ni souhaité établir un lien du sang auparavant. Nous étions donc une première dans l'histoire de nos deux races. Rain, d'habitude si désinvolte, avait tressailli lorsque j'avais évoqué la possibilité de le révéler à son clan. Elle avait fini par avouer que si par malheur notre lien du sang venait à être révélé au grand jour, la mort serait très probablement la seule issue. Pour nous deux.

Je serrai l'oreiller, fixant un point invisible. Je ne percevais pas le lien entre les azalées du Saint et celles de Sebastian. Rain m'avait affirmé que le Saint était un Essentiel, impossible qu'il s'agisse de Sebastian. Elle l'aurait reconnu, ou reniflé avec son truc de vampire... Et pourtant, il y avait ces putains d'azalées que je ne m'expliquais pas. Je fermai les yeux tandis qu'une très légère pression sur le matelas m'informait que je n'étais plus seule. Rain se faufila doucement à travers les draps.

— Tu sais, il paraît que l'orgasme est un bon remède contre l'insomnie. Tu veux vérifier ?

Sa voix n'avait pas le timbre persifleur auquel j'étais habituée. Sans réfléchir, je posai la main sur sa joue et l'embrassai. Sans violence. Surprise, elle me laissa faire toutefois et prolongea même notre baiser qui n'avait désormais plus rien de mortel. Pas d'effusion de sang. Pas de morsure. Pas de montée fiévreuse de désir. Juste la satisfaction de la savoir ici avec moi. Depuis quand pouvais-je ressentir ce genre de choses ? Et depuis quand les ressentais-je pour Rain ? À contrecœur, le vampire brisa le contact.

Undying #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant