21. La Devineresse

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Un homme se penche sur son visage. Il a l'air bienveillant au départ, mais rapidement ses traits sont déformés par la colère lorsqu'il s'en détourne.

— Non ! Ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible !

Il s'adresse à un valet qui attend à la porte de l'étude. L'homme tourne et tourne, comme un lion en cage.

— Et il n'y a pas d'erreur, c'est sûr ? demande-t-il au valet qui se terre près de l'encadrure de la porte.
— Oui, Lord Alford. C'est sûr ! bredouille-t-il.

Le malheureux n'ose même pas le regarder en face. L'homme recommence à faire les cent pas dans la pièce. Il marmonne à propos de fantaisies, de contes bons à effrayer les jouvencelles. Le valet tente de lui rappeler la présence de la petite fille dans un coin de la pièce. L'homme rugit, demande à ce que le valet les laisse seuls. Ce dernier rentre la tête dans les épaules et s'enfuit précipitamment après une dernière courbette. Une fois seuls, l'homme se rapproche de l'enfant. Son visage se veut plus rassurant.

— Ne t'en fais pas, ma chérie. Je ne les laisserai pas te retrouver, tu entends ? Je ne les laisserai pas faire.

L'enfant le regarde. Elle lève ses grands yeux bleus vers lui.

— J'ai peur, papa...

~✶~

Je me réveillai en sursaut. J'avais chaud. J'étais en sueur et mes vêtements collaient à ma peau. Je les sentais encore, les flammes qui me léchaient les mains, les coudes, les cuisses et les genoux. Je me crispai à l'image que l'évocation mentale me renvoyait. C'était comme si je pouvais encore entendre le crépitement affreux de ma propre chair en ébullition. Ainsi que celle de Rain.

— Calme-toi.

Je bondis sur le lit et ma peau, fraîchement cicatrisée, m'élança sous l'effort. Une femme se tenait face à moi. Vêtue d'une simple robe pourpre, elle me contemplait, sereine. Elle avait les cheveux châtains, longs, une figure mince et pâle comme l'hiver, les traits fins et délicats. Comme une poupée de porcelaine. Elle semblait jeune et âgée à la fois, aussi éthérée que réelle. C'était perturbant. Mais ce qui l'était encore plus, c'était son regard. Deux prunelles rouges, aussi fascinantes qu'effrayantes. Je ne connaissais qu'une seule autre personne au monde qui possédait de telles pupilles.

— Je vois que tu as rencontré Nathaniel, mentionna le vampire aux prunelles irréelles.

Et elle pouvait lire dans mon esprit. Merde.

— Je lis les âmes et le temps, expliqua-t-elle.

Je n'eus pas le temps d'intégrer ce qu'elle me disait. Mon regard venait de tomber sur le corps qui reposait derrière elle. Rain ! L'inconnue m'arrêta d'un geste impérieux de la main.

— Non. Laisse-la dormir, s'il te plaît.

Je fronçai les sourcils. De quel droit se permettait-elle de m'interdire de l'approcher ? Si je voulais être avec Rain, personne n'avait à y formuler la moindre objection et... Mes pensées cessèrent soudainement de tourbillonner dans le maelstrom de ma colère lorsque je réalisai ce qu'impliquait sa demande. La laisser dormir.

— Oui, elle est en vie, acquiesça le vampire en s'asseyant à côté d'elle.

Mon premier sentiment fut le soulagement de la savoir saine et sauve, pour de bon cette fois. Le second flirtait dangereusement avec une sensation que je n'avais pas l'habitude d'éprouver pour autre chose que des objets : la possessivité. Le vampire aux prunelles irréelles la couvait du regard. Presque amoureusement. J'en ressentis une pointe d'agacement inexplicable que j'eus du mal à dissimuler. Celle-ci s'accentua lorsque le vampire entama une douce caresse sur la joue de Rain. Douce n'était pas le bon terme. Intime.

Undying #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant