Undying #1

3. Un jeu dangereux

Elle persistait. Je l'entendais en dépit de mes yeux bandés par le tissu mouillé qui m'enserrait le crâne. J'avais repris conscience les mains attachées au dos de la chaise à laquelle on m'avait ligotée. J'étais encore engourdie par les événements de la veille. Ou peut-être que le soleil ne s'était pas encore levé. Aucune idée, je n'avais plus la notion du temps.

Privée de mes autres sens, je tendis l'oreille afin de percevoir un détail autre que cette sempiternelle goutte d'eau qui persistait à tomber dans ce que j'imaginais être une bassine. Pas très loin sur ma gauche, à en juger par la proximité du son métallique qui me parvenait aux oreilles. Donc un seau.

Je déglutis afin de soulager mon besoin d'hydratation. J'avais la bouche et la gorge sèches. Mon odorat m'indiqua un endroit humide, ce qui concordait avec le le goutte-à-goutte pénible que j'entendais depuis mon réveil. Ce bruit commençait à me taper sur les nerfs d'ailleurs. Et puis il y avait aussi cette drôle de puanteur qui flottait dans l'air, je supposai que je devais probablement me trouver dans les toilettes d'un bâtiment désaffecté ou quelque chose du genre. Le parfait repaire d'une psychopathe.

Pour penser à autre chose, je tentai de remuer les mains. Les liens avaient entamé ma circulation sanguine et mes poignets étaient endoloris. Depuis combien de temps étais-je attachée ainsi ? Mais la vraie question, c'était Keen : où était cette psychopathe ? Se faire passer pour une sage petite psychologue du dimanche, bien pensé. Comme je l'avais suspecté, le Saint était bien une femme, et très intelligente de surcroît. Capable de se faire passer pour n'importe qui, d'emprunter n'importe quelle identité pour supprimer celle des autres.

J'entendis des bruits de pas sur ma droite et me raidis instantanément, prête à attaquer avec les dents s'il le fallait. Là tout de suite, ma colère était le meilleur moyen de me défendre. Mais pas l'unique, je possédais un seuil de résistance assez élevé à la douleur, une capacité qui allait s'avérer particulièrement utile pour la suite. Je ne devinais que trop bien ce qui m'attendait vu le profil de mon adversaire.

Un son métallique, différent de celui de la goutte d'eau qui s'acharnait contre le seau, s'éleva sur ma droite. C'était le bruit d'un instrument que l'on racle. Je voulus retenir l'exhalation qui s'échappa de mes lèvres, mais elle s'était libérée malgré moi. Une voix différente de celle qu'empruntait habituellement cette greluche d'Olivia Keen m'interpella aussitôt :

— Ah, tu es réveillée !

J'entendis un autre bruit de raclement, cette fois-ci sur le sol. Le bruit s'arrêta juste devant moi. C'était une chaise qu'elle traînait. Elle me parla de nouveau, mais sa voix était beaucoup plus claire. Olivia Keen s'était assise devant moi.

— Alors... Nous avons beaucoup de choses à nous dire. Mais j'imagine que tu as des questions ?
— Juste une. À quoi tu penses ? répondis-je avec détachement.
— J'avoue que ce n'était pas le genre de question auquel je m'attendais. Là, je pense à mon prochain repas. Je crois que...
— Non, coupai-je d'un ton sec. Ce que je veux savoir, c'est à quoi tu pensais quand tu t'es dit que kidnapper une flic était la meilleure des choses à faire ? Tu crois vraiment que personne ne va remonter la piste jusqu'à toi ? Et moi qui te prenais pour quelqu'un d'intelligent.

Je l'entendis rire à quelques pas de moi. Elle s'était levée durant ma tirade. À présent, le bruit de raclement métallique avait repris. C'était elle qui opérait ce mouvement. Il était beaucoup plus agressif qu'au début.

— Oh, tu penses bien que j'ai pris mes précautions, répondit-elle. Toi, tu as une intoxication alimentaire. Les nouilles d'hier soir ne sont vraiment pas passées, tu as vomi toute la nuit et tu ne commanderas plus jamais dans ce restaurant. Ne t'inquiète pas, j'ai déjà prévenu Parker. Au passage, laisse-moi te dire que ton portable n'est pas bien protégé. Tu aurais pu trouver un code plus compliqué. 6741, ce n'était vraiment pas dur à craquer. Enfin, je l'aurais trouvé dans tous les cas.