20. Psychostasie

1.4K 149 19
                                        

Piers nous fit traverser un long corridor sans fenêtres au bout duquel se trouvait une lourde porte à deux battants. Celle-ci débouchait sur un immense hall. La première chose qui me sauta aux yeux fut la présence de gigantesques fenêtres et la lumière qu'elles laissaient passer.

— C'est du vitrage anti solaire, précisa Piers. Il contient un film spécial qui nous protège des rayons du soleil.

C'était bon à savoir. À notre gauche et à notre droite, deux escaliers de marbre et d'onyx s'élevaient pour rallier l'étage supérieur du bâtiment. Mais Piers m'enjoignit à le rejoindre au centre du hall. Tout en marchant, je détaillai l'endroit : huit colonnes dont l'allure m'évoquait la renaissance grecque soutenaient l'édifice central. De style dorique au rez-de-chaussée, corinthien à l'étage, elles avaient été rénovées, et le marbre blanc qui les constituaient les rendaient aussi majestueuses qu'imposantes.

Je m'arrêtai près du vampire qui me fit signe d'attendre. En levant la tête, j'aperçus le dôme central qui nous dominait. C'était une coupole sur laquelle on avait apposé une fresque murale. Je pouvais la détailler sans trop d'efforts de là où je me trouvais. La peinture était saisissante. Je n'avais jamais été une amatrice d'art, et pourtant... La fresque évoquait en moi des sensations que je ne m'expliquais pas.

Elle était constituée d'une prédominance de bleu qui s'étalait de part et d'autre de la coupole. Si je m'imaginais qu'il représentait le ciel, je n'étais toutefois pas en mesure de définir quel aspect de celui-ci la peinture était supposée représenter : il y avait d'abord la lune, en forme de croissant et d'éclipse à la fois. Elle était entourée d'étoiles et de la mention des saisons. Près d'elle, des animaux que j'imaginais provenir du zodiaque et qui semblaient suivre un chemin particulier.

À leur suite, il y avait le soleil, au sein duquel un homme menait un char tiré par quatre chevaux. Venaient ensuite la constellation des étoiles. Les astres se suivaient, bordant les contours sphériques du dôme. Les différentes teintes de bleu me donnaient une étrange impression de confusion. Comme si le jour et la nuit se mélangeaient.

Je continuai mon petit examen de la fresque murale. Entre la lune et les étoiles, il y avait deux femmes, séparées par un blason. Sur le blason étaient peints deux voiliers naviguant à la faveur du soleil sur le lit du fleuve Hudson. Le blason était surmonté de la Terre sur laquelle trônait un rapace, le pygargue à tête blanche. Moi, j'étais étrangement captivée par les deux femmes.

Si j'avais évidemment reconnu le sceau de l'État de New York, son intégration au sein de la fresque m'ébranlait. Je n'y avais jamais réellement fait attention auparavant. Pourquoi faire ? Plus jeune, je n'avais que mollement écouté les longues tirades professorales de mes enseignants d'histoire. Mais ces deux femmes dans le ciel du dôme... Elles étaient toutes les deux vêtues d'une tunique parée d'une ceinture ainsi que d'une draperie rouge. Chacune portait une tunique de couleur différente.

Mes leçons d'histoire s'éclaircirent dans ma mémoire. La première, vêtue de bleu et d'une ceinture verte, portait une lance au bout de laquelle était suspendu le bonnet phrygien. Elle était le symbole de l'indépendance. Celle qui devait primer sur le reste. La seconde, qui portait une tunique jaune doublée d'une ceinture bleue, portait une balance à la main, ainsi qu'une épée dans l'autre. Elle avait les yeux bandés. Elle était la déesse de la justice. Les deux femmes étaient séparées par le monde.

— C'est La Romance des Cieux, murmura Piers en se rapprochant de moi.
— Non. C'est le sceau de l'État de New York.
— Oui. Mais la fresque que tu vois s'appelle La Romance des Cieux. Elle a été peinte par Eugene Savage en 1959, précisa le vampire.
— Beaucoup de choses se sont passées en 1959, non ? relevai-je avec un regard en coin.

Undying #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant