13. Fahrenheit

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Vingt-deux heures et trente minutes.   

Perdue dans la contemplation de l'affichage numérique du réveil qui brillait dans l'obscurité de la chambre, je me débattais silencieusement contre moi-même. Je me tournai pour la centième fois dans le lit. À côté de moi, Rain ne dormait pas non plus. Je la sentis bouger dans les draps.

— Blake... Qu'est-ce qui se passe ?
— C'est rien.
— Tu te sens mal ? demanda le vampire d'une voix inquiète.
— J'ai très chaud, finis-je par dire en me redressant.

Je m'attendais à ce qu'elle saisisse la perche que je lui avais tendue. Mais aucun commentaire graveleux ne vint ponctuer notre échange. Au contraire, sa voix s'était faite plus inquiète encore. Elle s'approcha de moi.

— Tu es malade ?
— C'est rien, ça va. Je me sens juste un peu...
— Un peu quoi ? demanda-t-elle doucement.
— Je crois qu'il faut que je mange, répondis-je en me levant à moitié.

La pièce tourna légèrement autour de moi. Je m'appuyai sur le rebord du lit. Je sentis la main de Rain contre mon dos.

— Ça ne va pas ?
— Je vais bien, dis-je en me levant malgré mon état.

Je me dirigeai vers le salon. Boots se dressa sur ses pattes lorsque je passai près de lui. Les oreilles baissées, l'animal me regardait avec des yeux de chien battu. Ne t'y mets pas aussi ! intimai-je au chien dans ma tête. Il gémit et s'éloigna promptement. Je voulus le rattraper, mais il avait déjà détalé derrière le comptoir de la cuisine. Dans l'encadrure de la porte de la chambre, Rain s'en amusa.

— Tu fais même peur au chien.

Les piques verbales m'agaçaient ce soir. J'ignorai le vampire et marchai vers la fenêtre du salon. J'avais besoin d'air frais. Je l'ouvris d'un coup sec et le vent de la nuit me rafraîchit immédiatement. Les ombres du soir, éternelles prisonnières du mur de briques, me regardaient, aussi sobres qu'elles l'étaient en journée. En contrebas, un sac de poubelle vide virevoletait, malmené par le courant d'air nocturne. Je ne bénéficiais pas de la plus belle vue de l'immeuble, c'était certain. Les bras frêles de Rain vinrent m'enlacer. Je frissonnai malgré moi, me décollant légèrement. Son contact me hérissait. Elle le sentit.

— Blake... hésita le vampire.
— C'est rien. Je me sens pas hyper bien, c'est tout ! rétorquai-je plus violemment que je ne l'avais voulu.

Rain demeura silencieuse. Elle finit par demander, les sourcils froncés.

— Mais qu'est-ce que tu as ?
— C'est... je sais pas, je crois que j'ai pas assez mangé.
— C'est ton moment du mois ? hasarda-t-elle.
— Mais non ! Rien à voir avec mes règles, répliquai-je, agacée.

Elle avança légèrement et je me raidis. Mon corps entier était sous tension. Et cette chaleur dévorante qui me rendait dingue... Elle avait peut-être raison. Je devais avoir un accès de fièvre. Pas étonnant, après ces derniers jours... Rain me toucha le front. J'eus un mouvement de recul malgré moi.

— Tu es brûlante... finit-elle d'une voix inquiète.

Elle retira promptement sa main pour empoigner la mienne.

— Viens, je t'emmène à l'hôpital.
— Non, ça va aller, répondis-je en me dégageant.
— Il y a quelque chose qui ne va pas, je...
— Oui, j'ai juste besoin d'air. Je te dis que c'est bon ! coupai-je.
— Non, tu ne comprends pas. Ton cœur, il... Il ne bat pas normalement, insista nerveusement le vampire aux yeux noisette en m'examinant de plus belle.

Je ne comprenais pas, en effet. Et je m'en foutais. L'air vicié de l'appartement m'étouffait. Je mourrais de chaleur. Nous étions restées enfermées trop longtemps, voilà tout. Et ce n'était pas de sa faute. Je me calmai aussitôt.

Undying #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant