Undying #1

10. Compromis

Je faisais les cent pas dans la bibliothèque. Rain n'était qu'à neuf rangées de moi, enfermée dans la cage. Mais qu'est-ce qu'une cage foutait dans une bibliothèque pour commencer ? Et qu'est-ce qu'une bibliothèque foutait dans une station de métro abandonnée ? Je secouai la tête, la logique des vampires m'échappait mais ce n'était pas le plus important dans l'immédiat. Je tournais dans ma tête les différents éléments de réponse que j'avais eus. Il y en avait beaucoup trop.

C'était surtout ce putain de lien du sang qui me triturait les méninges. Allais-je mourir ? Allais-je finir à l'asile psychiatrique ? Les paroles de Piers cognaient dans ma tête. Et Rain ? Tant de questions pour si peu de réponses. Impossible de les obtenir ici. C'était chiant au possible de l'avouer, mais Rain avait raison. Mieux valait garder notre lien secret en attendant de savoir où poser les pieds.

Mais en attendant, je ne maîtrisais pas les règles du jeu et ça me foutait en rogne. J'avais songé à l'éventualité de tout révéler à Chase. Le vampire coincé du cul n'avait pas l'air de porter Rain dans son cœur. L'exécuter ne lui poserait aucun problème, c'était quasi certain. Mais après ? Qu'adviendrait-il de moi ? Que devenait un... C'était quoi le terme encore ? pensai-je en serrant la manche de mon sweat-shirt. Ah oui, un famuli ! Je repoussai l'idée. Que devenait l'humain lorsque le vampire à l'origine du lien mourrait ? Est-ce qu'il perdait la raison ? Est-ce qu'il se suicidait ? Je n'avais aucune idée du processus. Piers avait mentionné la douleur... Je fermai les yeux et me massai les tempes.

Okay, Blake. Réfléchis, réfléchis... pensai-je en retraçant les événements. Je me passai la langue sur les lèvres. Le goût de son sang était si fort... Il me rendait folle. C'était ça aussi, qui m'empêchait de réfléchir posément. C'était pourtant pas différent de mes autres enquêtes : à tout problème sa solution. Si je ne la voyais pas, c'est que je manquais de perspective. Pour en avoir, il fallait changer de regard. Il fallait que je sorte de là. Et que je sorte cette psychopathe de vampire de cette cage, Rain ne pouvait de toute façon pas me parler ici.

J'ignorais trop de paramètres. Tout ça n'était peut-être qu'une vaste mascarade. Peut-être qu'ils étaient tous de mèche, et qu'ils ne cherchaient qu'à me maintenir ici via une mise en scène macabre. Après tout, je ne connaissais rien de leurs coutumes ni de leurs modes de vie. Tout ce que j'en savais me venait de Rain, et on ne pouvait pas dire que j'avais bénéficié du meilleur des aperçus de la race vampirique.

Que pouvait être un humain pour eux, hormis un amas de sang frais mobile et disponible à souhait ? Je fronçai les sourcils. S'ils pensaient pouvoir me coincer ici, ils se fourraient le doigt dans l'œil et bien profondément. Je refermai mon sweat-shirt et me dirigeai vers la sortie. La porte s'ouvrit, laissant apparaître Chase, accompagné de Piers et de sa fidèle expression monotone.

— Mademoiselle Blake, je venais justement à votre rencontre.
— Bah ça attendra. Il faut que j'y aille, répliquai-je sans prendre de gants.
— Mais où donc, mademoiselle Blake ? demanda Chase en écarquillant les yeux.

Il commençait à me chauffer avec son « mademoiselle Blake ». Il ne pouvait pas s'exprimer normalement, comme tout le monde ?

— Chez moi. J'ai un boulot, vous savez. Et un chien qui n'a pas mangé depuis hier, lâchai-je platonique.
— Ne vous inquiétez pas pour cela. Mlle Wells a pris les dispositions nécessaires pour que votre absence ne semble pas suspecte. Quant à votre chien, monsieur Piers se fera un plaisir de s'en occuper d'ici à ce que vous puissiez rentrer chez vous, assura Chase.
— D'ici à ce que je rentre chez moi ? répétai-je en haussant les sourcils. On se comprend pas, là. Je rentre. Maintenant. Fin de la discussion.

Le vampire au gilet gris resta stupéfait. La bouche ouverte, il se tourna vers Piers qui se contenta de hausser les épaules pour toute réponse. Il reporta son attention sur moi.