Undying #1

19. Glas

Je toussotais à quatre pattes sur le sol, éclaboussant le gravier de mon sang. Je ne sentais plus mon bras gauche. Une main se tendit vers moi, je la pris sans réfléchir et son propriétaire m'aida à me relever. C'était Piers. De son éternelle voix monotone, il me demanda si j'allais bien.

— C'est l'extase, répondis-je en m'essuyant la bouche du revers de la main.

Piers esquissa ce qui devait être un sourire pour lui. J'étais contente de le voir car avec lui, nous étions désormais trois contre deux. Derrière lui, Rain faisait face à Derval. Nathaniel tenait toujours la petite fille en otage. Ce dernier s'attarda particulièrement sur Rain lorsqu'il la vit. Un sourire naquit sur ses lèvres juvéniles.

— Alors c'est toi... murmura-t-il avec un calme déconcertant.

Piers se positionna devant moi. Je détestais cette sensation d'être inutile. Je ne voulais pas qu'on me protège. Je voulais égorger ce petit merdeux toute seule.

— Ne bouge pas, m'avertit Rain sans quitter le petit garçon des yeux.

Le sourire de Nathaniel s'élargit encore plus.

— C'est bien elle... Je pense que nous avons tout ce qu'il nous faut, ajouta-t-il à l'attention de Derval.

Le Français acquiesça d'un signe de tête. Nathaniel resserra sa poigne sur le cou de la petite fille.

— Attention. Si vous essayez de nous suivre, je la tue. Et vous avec.

Le loup en moi se débattit furieusement. Mais je ne pouvais faire appel à lui en présence de Piers. Le sourire de Nathaniel s'élargit une fois de plus.

— Tu peux bien grogner comme ça te chante, ça ne changera absolument rien. Tout se passera exactement comme je l'ai décidé, répondit l'enfant avec une assurance agaçante.
— Blake... On ne peut pas le laisser partir, prévint Rain.
— Il a la gamine, répliquai-je avec difficulté tandis que la douleur se diffusait à nouveau dans mon corps.
— Dans la vie, il faut parfois faire des sacrifices et...
— Pas la gamine ! répétai-je malgré la douleur.

À contrecœur, Rain baissa les épaules. Impassible, Piers restait concentré sur Nathaniel. Les prunelles du vampire taciturne étaient rouges, elles aussi. Le petit garçon eut un sourire triomphal.

— Ne sois pas si triste, Rain. Maintenant que je sais que tu es sa maîtresse, je compte bien te revoir. Très bientôt.
— Sa maîtresse ? répéta Piers, interloqué.
— C'est mal de cafter, tu sais ? déplora Rain en fixant Nathaniel avec un flegme déconcertant.
— Rain... Qu'est-ce que tu as fait ? insista Piers, soudainement concentré sur elle.
— Si tu avais été une Essentielle, personne ne t'en aurait tenu rigueur, bien entendu. Mais là, je crains bien que ce petit écart ne passe pas... commenta Nathaniel d'un air faussement contrit.

Il fit mine de tendre l'oreille, et son sourire détestable s'accentua.

— Ah. Je crois bien que le glas a sonné.

Il recula, protégé par Derval, maintenant sa prise mortelle sur le cou de Lena.

— J'allais oublier Saya. Et mon invitation ? Tu ne veux pas venir avec moi ?

Ce gamin était complètement taré. Il haussa les épaules avec une moue enfantine.

— Tant pis. J'imagine que je vais devoir les tuer. Mais quand tu seras au pied du mur, j'aimerais que tu te souviennes de cette question : est-ce que ça en valait vraiment la peine ?

Tuer qui ? J'avais envie de tabasser ce gosse jusqu'à ce que mort s'en suive.

— Moi je pense que non, continua Nathaniel.