Undying #1

11. Rush

La petite fille semblait terrifiée. En même temps, avec nos dégaines et nos relents d'égoût, pas étonnant qu'on paraisse intimidantes aux yeux d'une enfant. Alors que je m'arrêtais juste devant elle, la petite fille se blottit davantage contre le mur. Elle tenta de se dissimuler derrière la benne à ordures.

— Hé ! Attends, je vais pas te faire de mal. Regarde.

Je lui montrai mon badge d'inspecteur de police. Il faisait toujours son petit effet sur les enfants.

— Tu vois ? Je fais partie des gentils, continuai-je en tentant d'adoucir ma voix au maximum.

Celle-ci contrastait totalement avec l'espèce de grimace qu'affichait ma figure, dans ma tentative de paraître rassurante à défaut d'être douce. Rain s'agenouilla près de l'enfant. Elle, par contre, n'avait aucun mal à sourire avec ses lèvres écarlates.

— Et moi aussi !
— Rain... commençai-je sur un ton d'avertissement tout en fermant les yeux.
— Quoi ? Tu peux faire partie des gentils mais pas moi ? protesta le vampire.

Je secouai la tête. Emmerder les autres. Elle avait un don inné pour ça. L'enfant serra la poupée contre elle. Je posai les mains sur ses petites épaules. Elle tremblait comme une feuille.

— Écoute, petite. Mon... commençai-je avec un regard en coin pour Rain. Mon amie doit te parler, et je veux que tu l'écoutes parce que c'est important. Tu peux faire ça pour moi ?

L'enfant nous regarda successivement puis hocha timidement la tête en signe d'acceptation. De toutes façons, elle n'avait pas vraiment le choix. Je me relevai.

— Fais ton truc. Mais attention avec la gamine, ne lui grille pas le cerveau.
— Tu as si peu confiance en moi que ça en deviendrait presque insultant, répliqua le vampire aux yeux noisette d'une voix plaintive.

Rain prit l'enfant par les épaules à son tour. Ses yeux noisette se teintèrent de cette lueur luminescente qui en devenait presque irréelle à la lumière du jour malgré l'ombre environnante.

— Tu n'as rien vu. Tu jouais dans l'allée et tu n'as rien vu. Tu es partie, parce qu'ici ça pue. Et c'est très moche. Et tu ne reviendras jamais ici. Parce que c'est moche... murmura Rain en fixant l'enfant de ses prunelles rouges.

La petite fille répéta chaque mot d'un air absent, comme hypnotisée. Puis Rain se redressa. Ses yeux avaient repris leur couleur usuelle. Ce phénomène était étrange. Mon cerveau rationnel ne pouvait s'empêcher d'y chercher une forme de logique. Le sang devait s'accumuler au niveau de leurs yeux lorsque les vampires utilisaient leurs aptitudes. Ils avaient peut-être une fine membrane au niveau de la rétine qui laissait transparaître l'afflux massif de sang qui s'y concentre de manière très intense. Je me fis la promesse de vérifier ma théorie en disséquant Rain si le vampire venait à mourir un jour. L'enfant s'éloigna en traînant sa poupée par la jambe. Elle disparut à l'angle de la rue, aussi hagarde qu'un petit fantôme.

— Et voilà. Toute en subtilité, déclara Rain.
— C'est moche et ça pue ? répétai-je d'un air blasé.
— Exactement. Deux raisons pour lesquelles une enfant n'aurait pas envie de venir ici, répondit-elle avec satisfaction. Tu aimes ma spontanéité, avoue-le. Et puis, sans vouloir te vexer, il faut admettre que ton quartier est laid et ne sent pas exactement la rose.
— Parce que ton quatre étoiles désaffecté, c'est mieux ?
— Mais je n'ai pas réellement le choix, se défendit-elle. Les options ne foisonnent pas pour les vampires. Alors que toi, tu pourrais habiter où tu veux mais c'est là que tu préfères vivre.
— Qu'est-ce que ça peut te foutre ?
— Ne te vexe pas. Je me doute que tes raisons sont financières. Quand nous vivrons ensemble, je te garantis que nous serons très bien. Je connais de jolis coins dans l'Upper East Side. Une grand-mère va bientôt mourir, je surveille son appartement depuis quelques années. Le stade terminal n'est plus très loin et, cerise sur le gâteau, elle n'a pas d'héritiers. Il faudra moderniser la décoration mais je pense que tu aimeras le style global.