31. Conversation à cœur ouvert

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- La chambre de Matsumi Shiroe, s'il vous plaît ?

- La 306, réponds la secrétaire de l'accueil de l'hôpital. Troisième étage, à gauche.

Je la remercie brièvement d'un signe de tête et me dirige vers les ascenseurs.
Je sais que j'ai mieux à faire que venir ici. Mon match contre l'actuelle équipe du Japon est demain et j'ai un dernier entraînement avec les autres dans moins d'une heure. Mais j'ai besoin de lui poser la question, j'ai besoin de savoir. Alors je suis là, à arpenter ces couloirs à l'odeur de désinfectant et aux sols immaculés. Je m'arrête devant la porte en bois clair portant le numéro 306, prends une profonde inspiration et frappe doucement.
J'entends faiblement une voix me dire d'entrée et je m'exécute.
Matsumi, allongé dans son lit, écarquille d'abord les yeux de surprise en me voyant m'avancer vers lui puis fronce les sourcils, sûrement en réalisant que Sawako n'est pas avec moi.

- T'es la dernière personne que je m'attendais à voir à mon chevet...

- J'm'en doute, je lui réplique. Surtout sans elle...

- Qu'est ce que tu es venu faire ici ? demande alors Matsumi en reportant son attention sur l'écran de la télévision accroché au mur en face de lui.

J'y jette un œil moi aussi par réflexe. Il regarde un match de volley se déroulant dans un gymnase que je connais bien. Le Tokyo Métropolitan. Je dois d'ailleurs y jouer demain. Il semblerait que c'est un tournoi important de volley lycéen. Je m'attarde encore quelques secondes sur l'écran avant de secouer la tête pour m'éclaircir les idées. Je suis pas venu ici pour regarder du sport à la télé avec lui.
Je m'assois sur le lit voisin alors qu'un silence pesant s'installe dans la pièce, à peine troublé par les commentaires étouffés du match.

- Pourquoi ? je demande soudain.

- C'est important ? me rétorque Matsumi sans quitter des yeux la télévision. Tu devrais plutôt te réjouir de ne pas être à ma place...

Mon regard glisse sur lui et détaille l'étendu des dégâts qu'il a subi dans le choc. Sa jambe blessée est plâtrée jusqu'au dessus du genoux et repose par dessus les couvertures. Son bras gauche est recouvert de bandages tandis qu'une perfusion est plantée dans son bras droit. L'encolure de sa blouse d'hôpital laisse apparaître d'autres bandages sur son torse, probablement dûs à son opération puisque Sawako m'a dit qu'il avait eu un poumon perforé. Et enfin, le côté droit de son visage est pâle mais le gauche, lui, porte de longues griffures rouges laissées par le frottement contre l'asphalte. Je déglutis. Oui, je me réjouis de ne pas être à sa place mais, je dois savoir pourquoi justement, je n'y suis pas.

- C'est important pour moi, j'insiste, d'un ton troublé. Pourquoi m'as-tu poussé ?

Matsumi garde le silence, si longtemps que je réalise qu'il ne me répondra pas. Je me lève en soupirant et me dirige vers la porte. Visiblement, j'ai perdu mon temps.

- Je l'ai fait pour elle...

Je m'immobilise, la main sur la poignée.

- Des gens aurait été affectés par ton accident... Moi, je n'ai personne qui s'inquiète. Mais surtout, Sawako aurait été dévastée si son précieux chevalier servant avait eu la moindre égratignure, continue t-il alors que je reviens m'asseoir sur le lit. Tu vois, je déteste la voir pleurer, quelqu'en soit la raison. Et puis j'ai vu le regard qu'elle pose sur toi...

- T'as enfin compris que c'était sérieux entre nous, je ne peux m'empêcher de lâcher d'un air satisfait.

- Ce que je comprends, c'est que pour l'instant, Sawako semble amoureuse de toi. Mais ce que je sais, c'est qu'elle est du genre à s'ennuyer et se lasser si on n'y prends pas garde. Alors, un jour, elle réalisera que tu ne lui apportes rien et ce jour là, je serais là pour elle.

Un verre de lait |KnB|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant