Magical Doremi : Le peuple oublié

Chapitre 25

Leur moral était bien bas, et pourtant il fallait continuer la route, reprendre le chemin pour libérer Flora. Elle en avait une boule dans le ventre. Elle ne voulait pas qu'il y ait plus de morts, elle n'avait fait que trop pleurer ces derniers temps. Emilie tourna la tête et aperçut les visages de ses amies, aussi mornes que le sien. Sur leur balai magique, elles reprenaient le chemin après une nuit agitée par le sacrifice de Floflo. Emilie leva la tête, et remarqua des formes qui s'apparentaient à des bâtiments, loin devant elles. Les autres sorcières l'avaient aussi vues, et leur visage s'endurcit face à cette vision.

« Ne leur faisons pas de cadeau, les filles. » Lâcha Sophie en resserrant sa prise sur le manche de son balai.

Elles volèrent encore un peu, jusqu'à se poser dans un endroit éloigné de la cité des zombies. Il fallait trouver un plan pour entrer dans la ville. Après tout ce qui était arrivé, les succubes et incubes devaient connaître parfaitement les identités des filles, et leurs tenues de sorcières les trahissaient. Emilie vit à ce moment là les yeux de Loulou s'éclairer. C'était la première fois depuis une éternité, selon la sorcière orange.

« Nous n'avons qu'à nous déguiser ! En utilisant la magie, ce sera très simple ! »
« Quoi ? Nous allons nous transformer en horribles zombies ?! Ca me donne envie de gerber ! » Répliqua Dorémi en s'étranglant de dégoût.
« Une partie de nous le devra, hélas. Dorémi, toi, tu ne seras pas transformée, tu resteras ainsi. »
« Mais… Mais pourquoi ? »
« Il faut un appât. Quoi de mieux qu'une, ou même plusieurs prisonnières ? »
« QUOOOOI ?! »
« Ha ha ha ha ! Dorémi va jouer le rôle du steak ! » Blagua Bibi.
« Arrêtez, il faut garder notre sérieux. » Coupa Sophie. « Quelle est la suite, Loulou ? »
« Bibi et moi nous déguiserons en succubes. Nous sommes de bonnes actrices, nous réussirons à passer la garde. » Répondit Loulou. « Mindy, Dorémi, vous serez les prisonnières. Emilie, Sophie, vous serez des zombies. »
« Aah ! J'ai le mauvais rôle… » Grogna Mindy en croisant les bras. « Vous allez nous saucissonner avec des cordes ? »
« Non, ce n'est pas assez crédible. Un sort d'immobilisation serait plus approprié. Nous ne sommes ni des sorcières, ni des jeunes filles, nous sommes des succubes. »

La voix de Loulou commençait déjà à changer. Cela donna des frissons à Emilie. Quelle bonne actrice elle était !

« Pululu prune fami famifa ! Je vais être aussi lugubre qu'une succube ! »

« Piripili poupaloura poupalou ! Je veux être un zombie au point que mon reflet me terrifie ! »

« Pamékilap larilori palou ! Ma peau sera aussi pourrie que celle d'un zombie ! »

« Pipito Purito Pépérouto ! Que ma luxure soit égale à celle d'une succube ! »

Les yeux de Dorémi s'écarquillèrent à la vue des apparences des filles. Emilie, honteuse, cacha son visage.

« Vous êtes vraiment flippantes… » Commenta Mindy, le sourire moqueur.
« Je crois que nous sommes prêtes. » Conclut Loulou, arrangeant sa tenue noire qui faisait gothique et rock. « Allons voir les gardes de la ville. »

Après avoir jeté un sort pour emprisonner Dorémi et Mindy, les filles prirent le chemin vers l'entrée de la ville. Les gardes – des zombies – les observèrent avec méfiance. Le premier s'adressa tout de suite à Loulou et Bibi :

« Bonne prise », dit-il en apercevant Dorémi et Mindy.
« Attends, Marvin », lâcha le second zombi garde, « D'où sortent-ils, les autres ? »
« Comment osez-vous vous adresser de la sorte à votre supérieure ? » Répliqua Loulou d'un ton sévère.
« Agatha, calme toi, ils ne sont pas au courant. » Dit Bibi d'un ton posé.
« Au courant de quoi ? » Demanda Marvin, le premier zombi.
« Vous vous adressez à Agatha, la nouvelle disciple de Mya. »

Les deux zombis poussèrent des cris de surprise. Emilie frissonna de peur. Le plan avait l'air de bien marché, mais le moindre faux pas et elles seront capturées.

« Exactement. » Dit Bibi. « Quant à moi, je suis la sœur d'Agatha, Kristie. Et, voyez-vous, nous avons eu de très bonnes prises, aujourd'hui. »
« Ha ha ha ! » Ricanna Loulou en regardant de haut Dorémi et Mindy. « Ces deux vermines de sorcières vont passer de sales moments, je vous le garantie. Particulièrement la rose bonbon. Mya rêve de l'éliminer. »
« Wouah ! Wouah ! T'as entendu ça, Roy ? »
« La ferme, Marvin. » Le second zombi regarda les filles à tour de rôle, suspicieux, puis ouvrit la grande porte. « Entrez, Agatha… »

Les filles entrèrent dans la cité. Cette dernière était sombre, les murs des bâtiments étaient bien plus vieux que ceux des palais du Royaume des Sorcières, ou même celui des Magiciens. Elles traversèrent la ville d'une démarche calme, pourtant Emilie n'avait qu'une seule envie, courir, courir, et fuir d'ici, ou alors se cacher. Les habitants les regardaient avec le même air que ce Roy. Soudain, une alarme retentit dans toutes les rues.

« A toutes les unités, je répète, à toutes les unités ! » Cria une voix dans des hauts parleurs magiques situés aux angles des bâtiments. « Des intrus sont dans l'enceintes de la cité. Quatre d'entre eux seraient des sorcières : Segawa Loulou, Harukaze Dorémi, Harukaze Bibi, et Asuka Mindy. Je répète, à toutes les unités... »

Les regards devinrent plus furieux. Affolés, de nombreux habitants quittèrent les rues en courant. Et puis, il y en avaient certains, parmi les habitants, qui ne fuirent pas. Au contraire, ils se dirigèrent vers Emilie et ses amies.

« Fuyons ! » Cria Loulou en tirant Bibi avec elle.

Les filles coururent à travers les rues, une fois à gauche, une fois à droite, une fois à droite, une fois un demi tour, une fois un retour sur leurs pas. C'était un vrai labyrinthe, l'alarme assourdissante résonnait dans les rues, et Emilie était paniquée. Bientôt, les gardes encerclèrent les filles.

« Excusez moi », lâcha Loulou. « J'aurais du me rendre compte que le plan ne marcherait pas… »

Soudain, deux loups surgirent de l'ombre, et encadrèrent les filles. Ils grognèrent en direction des soldats zombis, comme enragés. Les zombis se jetèrent sur eux. Emilie prit peur pour les deux animaux, mais ces derniers se débrouillèrent facilement, envoyant bouler leurs adversaires sans grande difficulté. Dorémi poussa un nouveau cri de surprise :

« Depuis quand je dois vous écouter ?! Je vous connais même pas ! »
« A qui parles-tu, Dorémi ? » Questionna Emilie.
« Bah, aux loups ! »

Minute de blanc. Dorémi poussa un cri désespéré, se rendant compte qu'elle faisait une boulette.

« Partons d'ici, vite ! » Cria Sophie.

Les filles reprirent leurs courses, haletantes, puis furent forcées de s'arrêter. En face d'elles, une succubes aux cheveux bruns leur bloquait le passage. Emilie, prenant son courage à deux mains, sortit sa baguette magique :

« Je vous préviens, je vous ferai du mal si vous en faites à une de mes amies ! »
« Tu es bien courageuse, petite. » L'inconnue fixa le groupe de ses yeux rouges. « Soit vous crevez bêtement en attendant les zombis ici, soit vous me suivez. »
« Pour que l'on devienne votre prochain repas ? » Cracha Mindy avec furie.
« Si vous m'énervez trop, je vous abandonne ici, et je rappellerai mes deux camarades. »
« Les loups ? » Demanda Dorémi.

La succube aux cheveux longs ne répondit pas. A la place, elle se retourna, ses cheveux traînants au sol suivirent son mouvement, puis elle avança lentement, prenant une direction qu'elle avait l'air de bien connaître.

« Suivons la. C'est mieux que d'attendre les zombis. » Suggéra Emilie en tremblant de peur.

Les filles suivirent alors l'inconnue, sans savoir vers quel avenir elles se dirigeaient.


***


Elle ne savait pas vraiment comment elles avaient fait pour se retrouver là. Elles étaient dans une espèce de grotte aménagée comme une maison. Des chandelles éclairaient la pièce, et des meubles étaient posées. Les filles étaient maintenant autour d'une table, et la succube leur avait servis « du thé ». Comme Emilie avait toujours des doutes concernant le breuvage, malgré les indications apportées par les questions de ses amies tel que « ce n'est pas du poison », ou « il n'y a pas de scorpions ou de zombis affamés dedans ». Elle avait soigneusement repoussé la tasse et regardé la succube aux longs cheveux soigner les deux loups, le premier noir, le second blanc, avec de l'argile.

« Mon nom est Oxana », dit la succube en rangeant son pot d'argile dans une étagère. « Je vous attendais depuis un certain moment. Vous avez été lentes. »
« Qu'est-ce que ça veut dire ? » Questionna Loulou.
« Que je suis de votre côté. »
« Ça, je n'y crois pas une seconde ! » S'écria Sophie en croisant les bras.
« Laissez moi vous dire ce qu'il se passe de notre côté. Il y a longtemps, nos terres n'étaient pas aussi sèches et sombres. C'était fleuri, et magnifique, tout comme chez les sorcières, les magiciens ou les humains. »
« Que s'est-il passé ? » Demanda Bibi.
« Lorsque le roi Incube Rorik mourut de vieillesse, ce fut sa fille, qui reprit le trône. »
« Magdaleine ! » Dit Emilie. « Vous vous en souvenez ? La reine nous en avait parlé ! »
« C'est bien elle », dit Oxana. « Elle ne songea qu'à elle, qu'à sa beauté, et au pouvoir. Alors, pour satisfaire ses désirs, elle fit goûter à bon nombre d'entre nous la pire des drogues : le sang humain. »
« Le sang humain est une drogue, chez vous ? » S'écria Mindy.
« Oui. Les habitants, ainsi que moi même, nous en devinrent vite accroc. Je finis par arrêter de tuer les humains, et par aider quelques de mes compagnons à s'en sortir. Mais Magdaleine se rendit compte que la drogue ne marchait plus. Alors, elle usa de ses pouvoirs, et transforma les plus désobéissants des incubes et succubes en zombis. »
« Quelle horrible reine ! » Cria Dorémi. « Cette femme n'a pas de coeur ! »
« Alors je quittai la ville. Et avec d'autres succubes et incubes, nous avons crée une organisation rebelle. Nous tentons d'aider les habitants capables de s'en sortir, et aussi un moyen de sauver les zombis. Nous avons besoin de gens comme vous. »
« Pourquoi nous ? » Questionna Dorémi. « Vous connaissez bien mieux que les sorcières ou les magiciens la reine Magdaleine. Vous savez quoi faire. »
« Mais nous sommes ses sujets », répliqua Oxana. « Elle aussi nous connaît. Mais vous, elle ne vous connaît pas. Nous pouvons nous arranger, échanger ce que nous savons, nous allier, et la renverser. »

Les filles se regardèrent une par une. Que faire ? Oxana, suivie de ses deux loups, quitta la pièce pour laisser les filles se concerter. Elles pesèrent le pour, le contre, les bénéfices comme les risques de cette alliance. Finalement, elles prirent une décision.

« Et donc… » Dit doucement Emilie à la succube. « Nous acceptons votre proposition. A condition que nous vous prenons en otage, vous et vos loups. »
« Comment ça ? » Questionna Oxana. « Vous voulez nous garder avec vous, pour ne pas que moi ou mes compagnons vous trahissent ? »
« C'est ça » dit Sophie. « Alors ? Marché conclu ? »
« Marché conclu. » Sourit la succube aux yeux de sang.

Les filles, une par une, serrèrent la main d'Oxana pour sceller le pacte. Maintenant, elles avaient deux loups et une succube rebelle en guise d'otage.