Chapitre 8

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Parler avec elle. Il devait absolument parler avec elle.

Voilà ce que pensait François en se brossant les dents. Parler avec Dorémi. Ils s'étaient vraiment quitter dans de mauvaises circonstances, et vraiment pour un rien. Il aurait dû la laisser parler au lieu de sortir les premières choses qui lui venaient en tête. Peut-être le secret de sa petite amie – si elle l'était encore – n'avait aucun lien avec leur couple ? Douter de Dorémi a été la pire erreur de sa vie.

Il se rinça la bouche, puis enfila son sac, et sortit de chez lui. Il devait maintenant prendre le bus, puis marcher pendant quinze bonnes minutes jusqu'au lycée. Il avait tout son temps pour préparer un discours afin que Dorémi lui accorde un pardon. En attendant le bus, il pourrait toujours réfléchir à ce discours, dont il n'avait aucune idée.
Par où commencer ? Ô, Dorémi, j'ai été le pire des hommes, pardonne moi ! Non, ça ressemble vraiment à ces stéréotypes de films de romance. Si jamais il disait ça, peut-être le prendrait-elle pour un manipulateur qui reprend les beaux discours pour la récupérer. Il devait trouver mieux, et quelque chose d'original.

Pas de chance, il n'avait aucune inspiration, et le bus arriva à l'avance, aujourd’hui. Il monta dans le bus, déçu par son arrivé inattendue, d'habitude il tardait. Il s'installa sur un siège, puis se cala pour être le plus prés de la fenêtre. Peut-être les paysages allaient-ils l'inspirer ? Au contraire, cela ne faisait qu'empirer les choses. Les paysages étaient banals, comment pouvait-t-il trouver les bons mots avec une route qui sillonnait la ville, jusqu'au bout de celle-ci, c'est-à-dire le lycée. Il n'avait vraiment aucune chance.

Mais s'il essayait d'être naturel plutôt que de préparer un discours bidon ?Mais peut-être Dorémi n’apprécierait pas ça, peut-être ressemblerait-il plus à un dégonflé qu'autre chose...
Il sentit soudain une présence lui brouiller les esprits. C’était étrange, une odeur qui l'attirait, qui ne cessait de passer par ses narines. Il regarda autour de lui, mais ne trouva rien de troublant. Il remarqua alors que le bus s'était arrêté à un arrêt. Cela ne pouvait être qu'un nouveau passager. Rien de très particulier : une fille ou un garçon qui a mit un parfum à l'odeur plaisante au nez de François.

Le bus s'arrêta ensuite à l'arrêt où le jeune garçon devait s'arrêter. Il sortit du bus lentement, réfléchissant encore à ce qu'il pourrait dire à Dorémi. Mais cette odeur gêna encore son odorat. Soudain, une idée lui vint en tête : trouver la personne qui avait cette fichue odeur !Il tourna sur lui-même bêtement, et un groupe de jeunes filles gloussa, se moquant de lui. Pourtant, étrangement, il s'en fichait éperdument. Trouver le ou la propriétaire du parfum restait la chose la plus capitale.

Plus que de renouer avec Dorémi.
Il se retourna et se trouva nez à nez avec une jeune fille. Elle avait un visage aux traits magnifiques, un sourire simple et hypnotisant, une chevelure soyeuse et unique, le corps parfait, dont il avait rêvé depuis sa tendre enfance. Et mieux encore, elle portait ce parfum envoûtant.

« Qui êtes... » Dit François, hébété.

Mais l'adolescente le stoppa net en posant un doigt sur les lèvres du garçon. C’était la goutte qui fit déborder le vase. Il tomba sous son charme.

"Mya..."

Elle se retourna ensuite, et, sans aucun regard en arrière, Mya continua son chemin. En emportant le coeur de François. Le groupe de fille près d'elle ne rigolait plus, elles fixaient Mya d'un oeil accusateur. Mais l'adolescent s'en fichait. Sans réfléchir, il cria le nom de la jeune fille, puis la suivit en courant.

Mya, Mya, Mya...


*    *
  *

Il l'avait frôlé sans même lui adresser ne serait-ce qu'un seul mot. Comment avait-il osé ? Dorémi en était furieuse. Elle voulait renouer avec lui, enfin finir cette dispute sans grande importance, et tout ce qu'il avait à faire, lui, cet espèce de gros boulet qui n'a jamais eu d'autres petites amies à part elle, c'était de la laisser de côté. Mais ce n'était pas qu'à elle qu'arriva cet événement.

Elle l'avait remarqué depuis ce matin ; tous les garçons convergeaient dans la même direction, en ne se souciant de rien de ce qui les entourait, pas même leurs bien aimées ou leurs amis. Pire encore, ils avaient l'air de tous se détester, et même les meilleurs amis d'enfance se lançaient des injures sans aucune raison particulière. Qu'est-ce qui les poussait à devenir aussi bestiaux ? Autant d'animosité n'était pas normal, alors que les garçons de la classe de Dorémi étaient les plus soudés de tout le lycée, peut-être...

« Aujourd'hui, une nouvelle élève rejoint la classe...Entrez, mademoiselle, je vous en prie... »

La voix de sa professeur de Japonais la sortit de ses pensées. Une nouvelle élève ? Elle se tourna vers les autres élèves de sa classe. Catherine avait l'air aussi intriguée qu'elle, les autres filles parlaient entre elles, certaines de cette élève, disant l'avoir croisé, et d'autres se fichaient complètement de la pauvre « demoiselle ». Quant aux garçons, ils devenaient de plus en plus nerveux, et se jetaient des regards noirs, tout en fixant la porte de la salle de cours avec enthousiasme. On aurait dit des groupies attendant leur belle célébrité.

La porte s'ouvrit alors sur une belle jeune fille aux yeux d'un vert hypnotisant, marchant d'une démarche gracieuse, sans aucun défaut apparent. Elle avait des traits que l'on ne trouverait jamais au Japon, ni ailleurs, certainement. Elle se dirigea vers le tableau et tourna le dos aux élèves pour écrire son nom. Dorémi s'énerva davantage en voyant les garçons, et surtout François, se penchaient sur leurs bureaux pour se rapprocher d'elle, tous bouche bée.

« Je m'appelle Mya Akira... » Commença la jeune fille.

Elle se déplaça de deux pas pour écrire à côté, et les garçons suivirent le mouvement avec admiration, portés dans les nues par la jeune fille. Dorémi tapa l'épaule de François devant elle, en lui lançant discrètement une injure. Il ne s'en soucia même pas, l'ignorant en jetant le bras en arrière tout en grommelant des mots incompréhensibles.

« J'habite, enfin... J'habitais à Fukushima, avant la catastrophe nucléaire. Je... Je n'aie plus de nouvelles de mes amies, et... »

Sa voix se brisa en plein milieu de sa phrase. La professeur tapota, compatissante, l'épaule de Mya en lui murmurant des mots inaudibles de là où elle était.

« Elle est une très bonne actrice... Je la déteste déjà. »

Dorémi sursauta en entendant la voix de Catherine, juste à côté d'elle. Cela ne lui ressemblait pas du tout de dire des choses pareilles. Son amie essayait toujours de déceler les plus belles qualités aux autres, même aux pires personnes. Pour une fois, Dorémi était bien d'accord avec elle.

La sonnerie de la fin des cours retentit dans la salle de classe. Dorémi, plus lente que les autres, sortit la dernière. La jeune fille aux cheveux rose sursauta quand elle vit face à elle le visage de Mya qui l'avait attendu devant la salle.

« Dorémi...C'est ça ? Je voudrais parler avec toi. »

La jeune sorcière resta perplexe, puis se décida à suivre la jeune fille. Elle était étrange, elle attirait un peu trop les garçons. C'est vrai, certaines filles étaient belles à charmer tous ceux qui passaient sur son chemin malgré elles, mais cette attirance éprouvée était...Artificielle.

« Mya, tu es une fille très bizarre... Pourquoi est-ce que les garçons sont-ils aussi attirés par toi ? Que leur as-tu fait ? » Demanda-t-elle soudainement, n'arrivant plus à tenir sa langue.

Ce fut une grave erreur. Sans comprendre ce qui se passait, ses pieds furent dans le vide et elle se fit plaquer le dos contre un casier. Les mains de la belle Mya étaient devenues crochues et accrochées violemment les épaules de Dorémi.

« Est-ce que je t'aie posée des questions, Harukaze ? Est-ce que je t'aie dit que ton odeur me répugne, ou que je n'appréciais pas la manière dont tu me regardes ? Je te déteste, toi et ta petite race... » Dit la nouvelle élève d'un ton sec, cassant, menaçant.

Dorémi en eut des frissons partout. Elle trembla de peur, d'angoisse; le pire, c'était que Mya avait l'air d'y prendre plaisir.
Mais la jeune fille la lâcha soudainement, la laissant tomber lourdement sur le sol.

« Oh mon Dieu, Dorémi ! Est-ce que ça  va ?! Monsieur, regardez, Dorémi n'a pas l'air d'aller bien. »

La jeune fille aux cheveux longs tourna la tête vers le proviseur, le regard vague, ayant l'air soudainement mal à l'aise. L'homme s'avança vers les deux élèves et observa Dorémi.

« Tout va bien ? » Questionna-t-il.

« Oui, ne vous inquiétez pas, juste un petit mal aise... » Répliqua Dorémi en faisant mine de poser la main sur sa tête, comme étant prise de douleur.

« Ne vous inquiétez pas, monsieur ! Je l'amène tout de suite à l'infirmerie ! »

Elle se sentit soulever par Miya avec beaucoup plus de douceur, un doux sourire réconfortant plaquée sur ses lèvres. Elles avancèrent lentement, dépassant doucement le proviseur qui finit par s'en aller.

« Si tu racontes la vérité à qui que ce soit, je te promets que tu auras de gros problèmes, Harukaze. »

Dorémi acquiesça, muette d'effroi.

Magical Doremi : Le peuple oubliéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant