Chapitre 30

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Félix observait toujours intensément le dispositif de sécurité établi par Magdeleine elle-même certainement, tandis que Jérémy regardait les marches d'escaliers, un peu plus loin, songeant à Bibi qui était partie il y a maintenant quelques minutes. Avaient-elles réussies à se rejoindre ? Si oui, s'en sortaient-elles ? Réussiront-elles à faire ce cercle magique décisif ? Il ne put pas non plus s'empêcher de penser à Dorémi. C'était une fille maladroite mais courageuse, et il savait qu'elle y parviendra. Stéphane l'arracha loin de ses pensés lorsqu'il se rapprocha de lui et murmura dans son oreille des absurdités.

« Ô, Dorémi ! Pourquoi es-tu Dorémi ?! La sorcellerie nous donne tant de problèmes, partons loin d'ici et oublions ce système ! » Lâcha-t-il d'un ton musical.
« Tais toi ! Et puis, pourquoi tu dis ça ? » Rétorqua le magicien aux cheveux violets.
« Avoues le… Tu pensais à elle ! » Renchérit-il en riant.
« Tu dis vraiment n'impor… »

Jérémy ne put terminer sa phrase, pris d'une soudaine envie d'éternuer. Il se mit à éternuer bruyamment, à plusieurs reprises, et ceci durant quelques minutes, criant des "atchooum !" qui se firent entendre à des kilomètres, certainement. Stéphane rit en le regardant, et Léon croisa les bras en patientant. Félix finit par stopper ses observations pour reporter son attention sur son ami. Bon, maintenant, ça devenait vraiment pitoyable pour Jérémy, il ne manquait plus qu'ils ne le sortent des cachots en attendant qu'il se calme.

« Il paraît que lorsqu'on éternue, cela veut dire que quelqu'un pense fort à toi, en ce moment », dit Léon d'un ton faussement détaché.
« Serait-ce sa bien aimée ?! » Railla Stéphane avant de rire de plus belle.
« Arrêtez, maintenant », coupa Félix. « Nous reparlerons des tourments sentimentaux de Jérémy plus tard. Ça va mieux ? » S'enquit-il ensuite auprès de lui.

Jérémy hocha la tête, visiblement il avait arrêté d'éternuer.

Le silence était maintenant revenu, et durant quelques autres instants Félix réexamina le sceau qui barrait l'entrée au cachot. Jérémy hésita à couper le silence pour lui demander ce qu'il avait remarqué de plus, mais les plis de plus en plus creusé sur le front de son ami l'ordonnèrent de ne pas dire ne serait-ce qu'un mot. Finalement, le jeune homme écarta son regard du sceau pour revenir vers ses amis, la mine inquiète.

« C'est bien pire que je ne l'avais pensé. »  lâcha Félix en secouant lentement la tête.
« Quoi ? Qu'est-ce que tu as découvert ? » Lui demanda Léon.
« Le système est vraiment, terriblement complexe. Cette femme n'a rien laissé de côté. Elle a superposé plusieurs sceaux les uns sur les autres, mais de sorte à les associer tout en les laissant indépendants. Vous comprenez ? »
« Franchement… Je comprendrais tout ce que tu as dit ces cinq dernières secondes si je venais de la même planète que toi ! » Commenta Stéphane, tentant de plaisanter même si la situation était angoissante.
« Bon, je vais essayer d'y aller le plus simplement possible. Imagines une rosace géante, elle-même composée de plusieurs petites rosaces. Est-ce que vous visualisez le dessin ? »
« Oui, oui, je vois. Quel est le rapport avec le sceau ? » Questionna Jérémy, mal à l'aise.
« Je vais y venir. Les petites rosaces sont visibles dans la grande rosace que je viens de vous décrire. La grande rosace, c'est le verrou du cachot, et les petites rosaces sont les sceaux qui le composent. Et, pour parvenir à débloquer le verrou, il faut effacer les sceaux avec minutie, commencer d'un bout, jusqu'à l'autre bout. Si jamais on se trompait de rosace, ou si on arrêtait notre entreprise en plein milieu du chemin, le dispositif de sécurité se déclenchera irrévocablement, et ferait sauter tout le cachot. »

Il y eut un grand vide après cette explication. Des vies reposaient entre leurs mains, et le moindre faux pas allait tous les tuer. Ce n'était plus un jeu, ce n'était plus comme cinq ans en arrière, l'avenir de leur monde reposait entre leurs mains. Il ne put réprimer un frisson de peur et d'inquiétude en y songeant. Et si jamais le verrou explosait… Cela n'allait pas exploser hors du cachot, ou si ? Il tourna la tête vers Félix et lui demanda :

« Est-ce que tu sais comment pourrait être l'ampleur des dégâts ? Est-ce que le palais tout entier va partir en morceaux si on se rate ? »
« Je ne sais pas, » avoua-t-il. « Ce serait tout à fait possible si Magdeleine est complètement folle. Mais elle est orgueilleuse et narcissique, elle ne supporterait pas de voir sa demeure de reine éclater. Ce qui est sûr, c'est que la salle du trône sera protégée des dégâts. Les filles se dirigent vers là bas. Elles seront en sécurité, du moins protégées de l'explosion, si les choses tournent mal. Elles auront encore des chances de déjouer les plans de cette femme. »
« Ha, ça me rassure, elles ne seront pas trop décoiffées j'espère ? » Lâcha Léon en riant. « J'espère quand même que le destin sera avec nous. Je tiens un tout petit peu à la vie, vous savez, les mecs ? »

Félix hocha la tête en signe d'approbation. Les garçons avaient peur de ce qui allait leur arriver si les choses tournaient mal. C'était peut-être égoïste de privilégier l'instinct de survie au sauvetage d'innocents… Du moins, si ces succubes et incubes, à l'intérieur du cachot, étaient bien innocents. Ils avaient certes l'air d'être des citoyens, mais… Et si cela était un leurre ? Et si Bibi avait été trop sensible, à leur accorder de l'importance, tout à l'heure ? Jérémy aurait bien voulu débattre de cela encore un peu seul dans ses pensées, ou même en parler à ses amis, mais il savait que le doute planait dans toute la salle. Les prisonniers non plus n'avaient pas confiance en ces magiciens qu'ils étaient, il pouvait parfois apercevoir de la méfiance, de la suspicion ou de la haine dans leurs yeux. La tension était toujours électrique, quand des toussotements coupèrent ce silence de morts.

« Grand père ! Arrête de bouger comme ça ! Tu gaspilles tes forces pour rien ! » Lâcha une voix féminine.

C'était encore la jeune succube et le vieil incube qui leur avait adressé la parole avant. Le vieux était maintenant tout proche des barreaux, et la jeune fille le tenait tant bien que mal. Elle le soutenait alors qu'elle-même était faible. C'était à la limite de voir cette succube crouler sous le poids de son aïeul. Mais elle gardait courage malgré la fatigue bien visible sur son visage.

« Grand père, tu vas être bien plus malade… »
« Oh, arrête de chouiner, un peu ! Tu sais très bien que tôt ou tard je quitterai ce monde. Et toi, ou les jeunes là bas, sont bien plus importants qu'un vieillard sénile ! Vous, les gamins, laissez moi maintenant vous parler. »

Le FLAT4 tourna la tête de conserve vers le vieil homme. Il était proche de tomber à genoux au sol, et Jérémy avait presque peur de voir ses membres se disloquer s’il tombait vraiment.

« Je pense pouvoir vous aider à ouvrir le verrou. Je m'y connais un peu en magie, bien que je ne sois pas un magicien. Me permettrez-vous de vous donner un coup de main ? » Leur dit-il calmement.
« Moi, je suis d'accord, tant qu'il n'utilise pas ses mains pour porter quelque chose ! Parce qu'elles sont bien fragiles, ce n'est pas très sûr. » Dit Stéphane en usant de la plaisanterie, une nouvelle fois.
« Je n'en ai pas beaucoup dans la tête, mais j'ai confiance en vous », dit Léon. « Et puis, ce ne sont pas nous les prisonniers, c'est vous. C'est à vous de gagner votre liberté, en partie. »
« Je n'y vois pas d'inconvénient, et puis, l'union fait la force. Et toi, Félix ? »
« Nous n'avons pas vraiment le choix. Nous sommes donc tous d'accord. »

Le vieil homme acquiesça d'un signe de tête, visiblement, il était plutôt content de la décision qu'avait prise les quatre garçons. Il pencha la tête pour voir le verrou de plus prés, et à nouveau Jérémy put apercevoir des plis d'interrogation et d'inquiétude sortir des rides de son front.

« Les enfants. Vous devez d'abord faire un sort pour pouvoir distinguer les deux bouts, les sceaux composant le verrou. Vous devriez envoyer un sort permettant de suivre le fil du scellement. » Conclut-t-il.
« Vous voulez dire, jeter un sort qui permettrait de savoir par où commencer ? » Simplifia Jérémy. « Et qui vous dit que ce sort ne fera pas déclencher le système de sécurité ? »
« Tout simplement parce que ce sort est bien trop léger pour vous gêner. Faites moi confiance, je suis un vieil homme bourré d'expériences. Je sais quoi faire. »
« Papi a fait des tas de choses lorsqu'il avait votre âge. Et quand Magdeleine a voulu prendre le pouvoir, il était de la garde de l'ancien roi ! Il est doué avec magie ! » Renchérit sa petite fille, non sans fierté.
« Alors faisons le ! » Lâcha Léon en se plaçant devant le verrou.

Ses amis firent de même, et, alliant leurs forces, ils élaborèrent le sort conseillé par le vieil homme. Ce fut un soulagement lorsqu’aucune réaction ne revint de la part du verrou. Le vieux avait raison, ils pouvaient compter sur lui. Maintenant, le sceau avait pris une nouvelle couleur, et un flux continuait inlassablement d'émaner de son début jusqu'à la fin, pour pouvoir guider les magiciens.

« Bien, vous êtes de très bons magiciens, comme je l'avais espéré », dit le vieux incube. « Maintenant, il va falloir procéder avec minutie, et lenteur. Vous allez user d'un sort toujours léger, très simple, pour petit à petit effacer le sceau. C'est maintenant une question d'endurance. »
« Quel genre de sort devrait-on faire ? » Demanda Stéphane.
« Des petites étincelles de feu seraient le mieux. Comme la mèche d'un pétard, c'est léger, mais cela brûle petit à petit la mèche. Vous savez, cela va prendre énormément de temps, peut-être cela épuisera-t-il toutes nos forces. » Dit Félix.
« Bon, on va galérer, mais c'est pour la bonne cause ! On y va maintenant ? » S'écria Léon.
« Non, non, pas comme ça ! Nous allons nous diviser en deux équipes: l'une générera le feu, et l'autre la guidera jusqu'à la fin. Stéphane et Léon, vous générez le feu. Jérémy et moi guiderons la flamme. »

Jérémy hocha la tête, en se raclant la gorge. On pouvait dire que maintenant, leurs destins étaient scellés. Le FLAT4 s'approcha ainsi du verrou, et comme un seul homme, tendirent les mains en même temps.

« A mon signal, vous y allez, mes petits » dit le vieillard. « Trois… deux… un… C'est parti ! »

Aussitôt que le décompte fut terminé, chacun lança le sort qui leur était attribué. Jérémy donna toutes ses forces à ce sort.
Ils étaient partis pour un travail de longue haleine.

Magical Doremi : Le peuple oubliéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant