Chapitre 26

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Les expressions faciales des deux voyageurs reflètent à merveille leurs pensées. Un triste tourbillon d'incompréhension, de colère, de peur, de haine, de dégoût. Sans même s'en rendre compte, ils avaient sorti d'un geste rapide leur arme, et s'étaient mis en posture de combat.

- Pardon ? s'étrangle Ban. Dites-moi que je rêve ?!

- Non, mon jeune ami, tu n'es pas dans l'état d'inconscience que les humains appellent "sommeil".

Avant que l'immortel ne réplique sur le célèbre débat arbre-hommes du sommeil, Akemi le coupe :

- Pourquoi avez-vous fait cela, Arbre-Père ?

- Il fallait que je vous attire ici. J'avais senti votre aura, prêtresse.

Une branche magique force les deux pèlerins à s'assoir. Le visage du pinède se détend soudainement. Ses yeux fixent le vide, comme s'il était plongé dans le passé.

- Au commencement du monde, il n'y avait que de l'eau. A part si vous êtes purement stupide, vous devez connaître à peu près la suite de l'évolution de la Terre. Bref, toujours est-il que nous, la race sacré des Arbres-Pères, étions apparus quand les forêts ont commencé à se répandre sur le sol meuble. Notre mission était claire : nous devions protéger notre parcelle de forêt envers et contre tout. Cela signifiait de faire respecter l'équilibre naturel qui règne. Mais également de se débarrasser de quiconque menace ce cycle et ne prône que la destruction et la domination. Malheureusement, malgré nos valeurs et notre bienveillance, certains d'entre nous n'étaient pas assez puissant, se faisaient abattre et mourraient, ou bien voulaient simplement prendre le pouvoir.

- C'est-à-dire, prendre le pouvoir ?

- Contrôler la Terre, se faire obéir de tous les autres Arbres-Pères, des trucs comme ça...

- Aaaaaaaaaaah, ok.

- Alors qu'une guerre civile parmi nous menaçaient de se répandre, une jeune femme est apparu. Nul ne sait d'où, ni comment elle s'est retrouvée parmi le Conseil des Sages, qui s'étaient réunis pour tenter de résoudre ce problème, à l'époque. C'était un signe. C'était elle qui allait rétablir l'équilibre. Nous lui avons enseigner nos coutumes, notre magie. Tout semblait inné pour elle. C'était, et cela n'a pas changé, notre prêtresse. Elle possédait un savoir ancestral que personne d'entre nous ne connaissaient. Elle a commencé sa mission. Elle protégeait les plus fragiles Arbres-Pères et tuait sans pitié les mauvais, ainsi que les intrus. Mais bientôt, elle se fit une ennemie mortelle. Qui ne comprenait pas sa vocation. Qui jalousait ses savoirs et sa magie. Un combat à mort s'engagea entre ces deux. Nous ignorons qui a vaincu. Notre prêtresse s'est volatilisée, tandis que son ennemie s'est réfugié chez les siens. Par plusieurs fois, notre médiatrice est revenue. Mais, un siècle auparavant sa disparition, elle nous confia un terrible secret. "Elle m'a lancé une malédiction. Tous les 50 ans, je meurs et me réincarne. Mais, mes prochaines incarnations doivent se battre pour retrouver la mémoire. Certaines échouent et c'est comme une seconde mort pour moi. C'est particulièrement horrible de se retrouver coincée dans un corps sans savoir pourquoi on ne parvient à se souvenir de qui on est réellement." 100 ans se sont écoulés depuis, et plus aucune trace d'elle. Pourtant, nous avons ratissés chaque parcelle possible. Mais c'est inutile. Elle doit réussir cette épreuve seule.

Il laisse sa phrase en suspens. Ban regarde Akemi, abasourdi. Le visage de cette dernière semble mélancolique, et pas vraiment étonné. Comme si elle s'en doutait depuis quelques temps.

- Et comment m'as-tu trouvé ? demande-t-elle en levant la tête vers le pinède.

- Ta magie. Et le rituel. J'ai dirigé les dragons vers vous, sachant que tu serais consciente que vous n'auriez aucune chance contre eux.

- Euh... faux ! On aurait pu se les faire !!

- Impossible. Ils se nourrissent de ta magie. Contre un, les meilleurs mages ont une chance. Contre une tribu, ils meurent. Et leur pouvoir collectif te paralyse.

Préférant ne pas remettre en question les connaissances de sa jeune amie sur le plan faune, il se contente de hocher la tête. Après tous les démons qu'il a affronté, il a du mal à imaginer qu'une simple dizaine de dragons peut le mettre à terre. Pourtant, la fée l'a avertit que l'Arbre-Père connaît plus que n'importe qui toutes les créatures vivant sur son territoire.

- Vous vouliez me montrer qui j'étais dans le passé, murmure Akemi.

- Tu n'en as vu qu'une parcelle, mais je pense que cela peut suffire à débloquer ta mémoire. Il faut juste que tu cesses de lutter contre toi-même.

- Je sais et vous me l'avez déjà dit, signale-t-elle d'une voix monocorde et résignée.

Ce trop-plein d'informations lui donne la migraine. D'autant plus qu'elle a l'impression que certains de ses souvenirs font écho à l'histoire, et se secoue dans tous les sens pour sortir du voile d'amnésie déposé par la malédiction. Ban, de son côté, réfléchit.

- Bon, telle que je connais Akemi, elle aurait sûrement pas laissé sa pire ennemie lui jeter un sort sans rien faire. Non ?

Pour toute réponse, un étrange bruit qu'on pourrait associer à celui d'un gloussement. L'immortel, mécontent que l'Arbre-Père se foute de sa gueule, montre ses crocs dans un geste qu'il voulait menaçant.

- Effectivement, mon jeune ami.

- Déjà, j'suis pas ton pote. T'as faillit nous faire passer à la casserole donc c'est pas trop ce qu'on appelle "l'amitié".

- Notre prêtresse a lancé également un malheur sur elle et toute sa race, continue le conifère en l'ignorant superbement.

- Ah ouais, t'y es pas allé dans la demie-mesure Akemi-chou, s'esclaffe le Seven Deadly Sins. Au fait, c'était quoi comme "malheur" ?

- Toute sa race est devenue condamnée à avoir l'apparence d'un enfant toute leur vie. Ôtant ainsi la moitié de leurs pouvoirs.

Cette fois-ci, c'est la jeune femme qui a parlé. Son regard est marquée par la peur. Elle sait que Ban va tout deviner. La race maudite. Ou plutôt, la race elfique.


My last loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant