Chapitre 21

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Durant un fol instant de spontanéité, il a cru que c'était Elaine qui avait pris possession du corps de sa charmante compagne de voyage. Persuadé qu'il pouvait la faire se manifester, il avait embrassé Akemi. Presque immédiatement, une fois la surprise passée, une petite main douce mais ferme le repousse. Deux grands yeux émeraudes intenses le fixent. Avec une étincelle de cet humour acide et cinglant qui caractérise si bien la chasseuse, ternie par une tristesse naissante. Des petites perles se forment au bas de ses cils. Au prix d'un immense effort, elles disparaissent.

- Je ne suis pas elle, souffle-t-elle en lui tournant le dos.

Plus aucune émotion n'est perceptible chez elle. Seulement une froide détermination. Conscient de l'avoir blessé, Ban se mord la lèvre. Il sait qu'elle ne supporte pas qu'on la prenne pour une autre. Elle est elle. Qui se fiche des réincarnations. Qui se contente de vivre. Jamais elle n'accepterais que l'image d'une défunte ternisse le regard que les autres lui portent. Lui fasse perdre ce qu'elle est réellement. De plus, la personnalité douce et calme d'Elaine fait barrière au comportement impulsif et ironique d'Akemi.

- Akemi, je...

- Épargne ta salive, renard de l'avarice.

A peine la dernière syllabe de cette phrase si sèche résonne-t-elle dans l'air, l'énergique jeune femme s'engage dans la sombre cavité. L'obscurité la happe. Une fraction de seconde plus tard, elle disparaît entièrement au regard de l'immortel. Ce dernier, encore abasourdi par les derniers évènements, ne bouge pas. Son masque impassilbe ne parvient plus à cacher la tempête grandissant sous son cuir chevelu. Sa gaffe l'anéantit. En plus d'avoir trahi Elaine, il vient de blesser mortellement dans son ego et dans sa manière d'être, de penser, une amie. Bon sang ! Pourquoi Gowther tient à ce point d'avoir un cœur ?!

- Ban, avance-toi, retentit une voix sèche mais d'un timbre hypnotique.

L'Arbre-Père. Qui s'impatiente sûrement. Après tout, qu'est-ce que les arbres peuvent comprendre à la nature humaine ? Le Bandit s'exécute, n'ayant pas d'autre choix. Presque aussitôt, la puissance magique que dégage ce lieu le frappe de plein fouet. La cavité se met à trembler. Il continue à avancer. Une secousse le précipite en avant. Sa tête heurte une racine, et il sombre peu à peu dans l'inconscience.

Une agaçante lumière lui fait ouvrir les yeux. Une petite créature ressemblant étrangement à un croisement entre une fée et une luciole le contemple avec un sourire niais. Beaucoup trop niais au goût de l'immortel. Il lui signifie d'un geste vulgaire de la main de dégager. Un petit air triste apparaît sur la bouille de la créature magique.

- Bordel ! T'as un estomac à la place du cœur ou quoi ?!

L'interpellée penche la tête sur le côté en signe d'incompréhension. Le Seven Deadly Sins se redresse lentement. Son crâne le lance douloureusement. Il grimace, et ses souvenirs lui reviennent en mémoire. Décidant de s'inquiéter d'abord pour sa survie, il se résout à questionner la bestiole bizarre.

- On est où ?

- Dans l'Arbre-Père, révèle-t-elle dans un filet de voix.

- Génial ! Et on va sortir d'ici par son trou de balle ?

Elle pince les lèvres pour réprimer un rire, vite remplacée par une lueur de peur. Elle pose un doigt sur sa bouche. Un sourire amusé fleurit sur le visage de Ban. Il a de sacrées créatures, le conifère ! Elles sont juste un peu coincées mais bon... Peut-être qu'il avait fait exprès de leur inspirer une telle frayeur qu'elles se faisaient très discrètes ? Mais bon, être timide ne signifie pas être coincé.

- Chut ! Il ne faut pas parler se moquer ! C'est l'un des plus puissants de la forêt.

- De toute la forêt ?

Un hochement de tête le lui confirma. Un haussement de sourcil de Ban lui fait comprendre qu'elle peut continuer.

- Il est le Père et le protecteur de tout ce qui vit dans cette partie de la forêt. C'est grâce à lui que nous sommes encore ici. Sinon, les cupides humains auraient déjà brûler notre maison et nous auraient tous capturer ou tuer.

Elle n'avait pas totalement tort sur le comportement des hommes. Leur Arbre-Machinchouette doit avoir un minimum de puissance pour les repousser et leur inspirer une sombre réputation.

- Donc, grâce à lui, on devrait être un minimum tranquille pendant un bout de chemin ?

- Il n'empêchera ses enfants de chasser pour survivre, mais personne ne viendra pour vous tuer afin de protéger la grotte.

La minuscule fée voit une lueur intéressée traverser le regard du géant aux cheveux couleur de ciel. Ainsi donc, il cherche lui aussi la fontaine. Comme tant d'autres. Une vague de colère la traverse. Elle pose brutalement une main sur le front du Bandit. Celui-ci, paralysé, ne réussit qu'à émettre un faible cri contenant toute sa souffrance.

My last loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant