Elementum {Tome 4}

IX

  La Grande Salle, éclairée par des chandelles, est quasiment pleine lorsque nous y pénétrons le soir après mon altercation avec Kristine. La Coupe de Feu a été déplacée et se trouve maintenant bien plus au centre de la Grande Salle qu'autre chose. George et Fred, enfin redevenus comme auparavant, avec la mâchoire entièrement rasée et leurs cheveux roux, semblent avoir pris leur déconvenue avec bonne humeur.

- J'espère que ça va être Angelina, dit Fred tandis qu'on s'assoit à la table de Gryffondor.

- Moi aussi, dit Hermione, le souffle court. On va bientôt savoir maintenant.

  Le festin parait plus long que d'habitude. Peut-être parce qu'il s'agit de notre deuxième grand repas à une semaine d'intervalle, ou alors parce que mon mauvais pressentiment ne m'a toujours pas quitté depuis les mots de Kristine, je montre beaucoup moins d'intérêt que d'habitude pour les plats raffinés qui s'offrent à moi. Comparée à tous les autres élèves - à en juger par la façon dont ils tendent le cou, s'agitent avec impatience sur leurs chaises, ou se lèvent par instants pour voir si Dumbledore a fini de manger -, je n'ai qu'une hâte : que tout ça se termine et que je puisse parler à David par le miroir enchanté de Tantine, puis à cette dernière pour l'affaire de Kristine, avant d'aller m'assoupir dans mon lit à baldaquin.

- Qu'est-ce que tu as ? me demande George.

  Je détache mon regard de Kristine pour le regarder dans les yeux, sentant le pouce de sa main qui a pris la mienne sous la table discrètement - me caresser frénétiquement le poignet. Je pourrais rougir à ce contact mais je suis trop préoccupée pour ça.

- Rien. J'ai simplement... un mauvais pressentiment, dis-je vaguement.

- C'est en rapport à cette fille que tu n'arrêtes pas de fixer depuis tout à l'heure ?

  Amy me fait signe de lui dire, et j'hoche de la tête.

- Disons que cette sale garce n'est sûrement pas là par hasard, dis-je simplement en portant mon verre à mes lèvres.

- Elle a pourtant l'air angélique, cette garce, me dit Fred en observant attentivement la concernée rire aux éclats.

  J'avale de travers et manque de recracher mon jus de citrouille, sous les rires des jumeaux. George me tapote doucement le dos tandis que je tousse un peu, et que Amy regarde Fred comme si qu'elle était agacée. Je note ce détail dans un coin de ma mémoire et jette un regard sidéré au concerné.

- Fred, commençai-je, très sérieusement.

- Ce ton ne sonne pas bon, commente George.

- Et tu as raison. Kristine est tout sauf angélique, elle n'est d'ailleurs pas humaine.

- Qu'est-ce que tu veux dire par-là ? Bien sûr que si, qu'elle est humaine, dit-il avec évidence.

- Pas dans ce sens là... chuchotai-je. Cela fait déjà plus d'un millénaire qu'elle devrait être morte.

  Les jumeaux et Amy écarquillent des yeux, et je poursuis :

- À cause de nos ancêtres, ma famille a des liens étroits avec des Sorciers du monde entier et plus particulièrement avec la France. C'est comme cela que j'ai connu Kristine. Déjà lorsqu'on était enfants - enfin, de son côté, elle avait la même apparence qu'aujourd'hui - elle et toute sa lignée d'Astor baignaient dans des histoires glauques de satanisme occulte. C'est aussi pour cela que l'on s'est toujours détestés. Elle se soumet à la facilité et ses condisciples socio-dégénérés, et j'œuvre pour le combat ardent et la bienveillance enveloppée de magie Blanche.

  George et Fred semblent sur ce point-là rassurés, mais on voit bien qu'ils ont un air plus sérieux et grave aux visages.

- Donc ce que disait Papa est vrai, ta famille trame dans la magie Noire, constate George.