XXVI

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  Je me sens atterrir violemment à plat ventre, le poignet écrasé par une masse lourde. J'ai fermé les yeux pendant que le Portoloin nous transportait Harry et moi et les ouvre précipitamment dès que j'entends un torrent de sons assourdissants. Un mélange d'hurlements de joie et de cris qui viennent de partout, m'envahissant les oreilles. Quand bien même je me sens épuisée, que je n'ai plus envie de faire un seul geste, il m'est impossible d'attendre que quelqu'un s'occupe de moi. Je n'ai jamais eu besoin de cela et ça ne changera pas aujourd'hui.
  Grimaçant par l'effort, je dégage la masse nommée Cedric et me redresse difficilement sur les genoux, le souffle coupé, la main portée à mes abdominaux qui me donnent l'impression d'être traversés de couteau à la lame tranchante. 
  Mon regard déchiré par la douleur ignore la foule ; ma seule attention est portée sur Harry qui, encore sous le choc, est penché au-dessus de Cedric, la main crispée sur son tee-shirt. Il croise mon regard un instant mais cela est suffisant pour me faire avoir les larmes aux yeux. Je vois sans réellement voir le ciel étoilé, les torches enflammées qui éclairent les gradins. J'entends sans écouter la foule s'y trouvant qui hurle de joie et nous acclament comme si que nous sommes des vainqueurs. Or c'est là toute l'illusion : Harry est peut-être un champion, un héro, mais ce n'est pas mon cas... J'ai vu la mort de Cedric Diggory dans mes rêves, j'aurai pu l'éviter. Et je ne l'ai pas sauvé parce que je me suis laissée faire par Kristine. Si elle ne m'avait pas menotté au sol, j'aurai réussi à secourir Cedric, et pourtant, ce n'est pas à elle que j'en veux mais à moi. J'avais mon don, je l'ai utilisé pour combattre Voldemort et mon père biologique ! Alors pourquoi n'ai-je pas réussi à en faire autant pour Cedric ?
  C'est Fleur Delacour hurlant d'horreur qui me ramène à la réalité. Elle vient de se rendre compte de ce qui s'est passé.
  Dumbledore accoure vers nous, et principalement vers mon meilleur ami qui est bien plus sous le choc que moi.

- Harry ! Harry ! 

  Le regard embué de larmes dans le vide, je n'entends que des bourdonnements dans mes oreilles, percevant de loin Harry dire entre deux sanglots qu'il est revenu - que Voldemort est revenu plus particulièrement. Mais ça, seul Dumbledore semble le comprendre.

- Bon sang, Dumbledore, que s'est-il passé ? s'exclame Cornelius Fudge en arrivant à son tour, me jetant un regard suspicieux.

- C... Cedric nous a demandé de ramener son corps... répond Harry en sanglotant.

  Ma mâchoire tremble de fureur en entendant ça, n'accentuant que ma culpabilité déjà présente. Je serre les poings avec force, les ongles rentrant presque dans ma peau, énervée contre moi-même. J'aurai pu le sauver. J'aurais pu. Mais je ne l'ai pas fait. C'est comme un trou béant dans mon cœur, une impuissance que je n'ai ressenti que rarement jusque là mais qui maintenant me hante comme un diable.
  Deux bras puissants m'entourent pour me remettre délicatement debout mais je n'entends pas ce que George me dit, et encore moins la foule qui a arrêté de parler, même si plusieurs filles crient, sanglotent... Tout me parait dérisoire, vacillant, peu important... Mon regard est porté sur le corps sans vie de Cedric qui me semble soudain flou, comme entouré de brume, car la seule chose qui me donne du remord et me ronge de culpabilité c'est ce qu'il advenu de lui...

- J'ai été incapable de le sauver... murmurai-je. Incapable... Je n'ai pas pu éviter ça...

  Mes doigts se recouvrent de givre alors que je sens la chaleur de l'étreinte de George me serrer intérieurement le cœur. Sa main me caresse les cheveux pour me calmer et il tente de me retourner pour que je ne vois plus ce sinistre spectacle, mais je reste immobile, pétrifiée. Ma seule émotion qui traduit ma vitalité est la culpabilité. Encore, et encore...
  Harry sanglote tout en parlant à Dumbledore qui a l'air de lui dire que tout va aller mieux maintenant. Mais je ne les écoute pas. Je suis simplement là, le regard dans le vide, à murmurer les mêmes paroles qui m'aident à trouver un point de stabilité.

Elementum  {Tome 4}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant