Chapitre 5: Les mystères de la forêt

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Je n'ai pas souvent eu l'occasion d'aller me balader en forêt, parce que ceux qui le faisaient y aller sous leur forme animale. Mais je n'en apprécie pas moins sa beauté, même aux abords du village. Seulement, à l'intérieur même de la forêt, au-delà du village, c'est... fascinant, éblouissant, réconfortant, rassurant. Le soleil perce les feuillages, déversant des ombres dansantes sur le sol. Les arbres s'étalent à perte de vue et sur plusieurs mètres de haut. Il n'y a rien, à part de la végétation et des rochers. Il fait frais mais c'est agréable, aussi agréable que le bruissement des feuilles sous nos pieds.

Je prends une grande bouffée d'air forestier et un sourire étire mes lèvres, puis Zack prend la parole, brisant le silence des lieux:

- Je ne te vois jamais partir en forêt, d'ailleurs tu ne venais jamais avec nous lorsque Marraine nous emmenait. Pourquoi ?

- C'est personnel...

- As-tu déjà fait ta Transformation ou moins ?

- Oui, mais... je ne veux pas en parler.

- En tant que ton futur Alpha tu pourrais m'en donner la raison, tu ne penses pas ?

- Je... Excuse-moi, vraiment... Je... Je ne peux pas...

- Bon, tant pis, je finirai bien par découvrir quel est ton animal totem entre un ours à lunettes comme ta mère ou un lion comme Père.

Je baisse la tête sur les racines et continue de suivre Zack à travers l'infini de la forêt.

- Allons-nous seulement pouvoir retrouver notre chemin ?

- Bien entendu, et si nous ne parvenons pas à la retrouver sous notre forme humaine je me transformerai pour remonter l'odeur du Clan. Mais peut-être ne vois-tu pas de quoi je parle ?

Il baisse son regard sur moi, mais je ne l'intercepte pas et me contente de bafouiller une réponse. Maman nous a toujours dit que ne pas répondre était « malpoli », mais je ne voulais pas répondre à cette question.

- Surement...

En réalité, je n'avais aucune idée de quoi il parlait puisque je me transformais toujours dans les mêmes conditions: à la maison seule ou avec mon petit frère. Certes je connais l'odeur de notre maison, du bois qui brûle dans le feu, de la cuisine, de ma chambre, et même de Maël mais... Je n'avais jamais perfectionné mes sens, on ne m'avait jamais réellement appris. Je ne sais pas vraiment de quelle odeur parle Zack en faisant référence à celle du Clan Rubis, notre clan, mon clan. Un trou se creuse dans ma poitrine, je ne sais expliquer pourquoi, mais il m'oppresse.

Soudain, Zack me barre la route de son bras. Intriguée, je relève la tête vers lui. Sa mâchoire est contractée, un léger sourire retrousse ses lèvres, ses yeux percent l'horizon avec intensité. Il déglutit sans quitter son attitude plus que concentrée, puis me montre l'horizon du menton.

- Regarde, me chuchota Zack.

Je me détourne de lui et cherche ce qui semble tant le fasciner. Après plusieurs secondes à scruter les arbres, j'aperçois, au loin, une biche relevée la tête, à l'affût de bruits que je ne perçois pas. Un faible mais impressionnant grognement retentit juste à côté de moi. En voyant d'où il provient je fais un bond en arrière, surprise de voir ce qui se trouve à mes côtés. Peut-être ne devrais-je pas être si surprise puisque je l'ai vu il n'y a pas si longtemps et qu'il fait partie de mon clan, mais... Le lion qui se tient dangereusement proche est vraiment impressionnant, encore plus que lors du tournoi. Il s'aplatit, ses omoplates roulant à chaque infime mouvement, tandis qu'il fixe la biche au regard rivé sur nous.

- Zack ? Qu'est-ce que—

Sans m'y attendre, le lion se déplie puissamment et part à toute vitesse vers la biche. Celle-ci s'enfuit à toute allure, mais le lion la poursuit. Les deux animaux s'éloignent entre les arbres, l'un chassant, l'autre étant chassé. Le bruit des feuilles qui bruissent me parvient de moins en moins, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que le silence qui règne. Pas un oiseau qui chante, pas un écureuil qui grimpe les troncs, pas une petite souris qui se faufile entre les feuilles, rien. Le soleil commence à doucement tomber, étalant sa lumière sur un tapis végétal.

- Zack ?

Rien, évidemment. Sans lui, impossible pour moi de retrouver mon chemin, il n'y a que des arbres tous parfaitement identiques pour moi. Je m'avance dans la direction que les deux animaux ont emprunté, entre deux arbres, entre un arbre et un rocher, entre deux rochers, entre un rocher et un arbre, entre un petit et un grand arbre, entre un rocher couvert de mousse et un rocher couvert de feuilles. Si maman savait que je me suis complètement perdue... Plus jamais je n'aurais le droit de sortir en forêt.

Finalement, j'arrive devant un cours d'eau qui clapote contre les pierres se trouvant sur son chemin

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Finalement, j'arrive devant un cours d'eau qui clapote contre les pierres se trouvant sur son chemin. Je m'approche de lui et m'accroupis sur la berge pour mouiller mes mains. Pourquoi ? Aucune idée, il faut que je m'occupe l'esprit autrement je vais céder à la paniquer. Maman nous a toujours dit que lorsqu'on panique, il faut se raccrocher à quelque chose. Alors je me raccroche à l'eau, au bruit qu'elle produit, aux formes qu'elle dessine. Quelques fois, des feuilles tombent sur la surface aux mille reflets et ça m'apaise. Et une question naît dans mon esprit: « de l'autre côté, qui y'a-t-il ? ». Je scrute le cours d'eau à la rechercher de quelques pierres qui me permettraient de le traverser sans me mouiller les pieds.

C'est alors que j'aperçois deux yeux bruns et un petit nez rose de l'autre côté, entre le feuillage des buissons. Ils me regardent, je les regarde. Qui que ce soit, Métamorphe ou non, il ne bouge pas, moi non plus. Si je bouge, il s'enfuira dans le meilleur des cas et me sautera dessus dans le pire. Alors personne ne bouge.

Soudain un rugissement retentit, et deux grosses pattes tombent au bord de l'eau en m'éclaboussant. La créature en face feule, dévoilant de petites dents aussi brillantes qu'acérées. Le lion grogne dangereusement et s'avance d'un pas dans le cours d'eau. Aussitôt, les buissons frémissent et la créature disparaît. Je tourne la tête vers le lion avant de me figer. Son museau, ses babines, et son poitrail sont couverts de sang frais.

- Za... Zack ?

Le lion rapetisse, se module, se transforme, et l'apparence humaine de Zack se distingue.

- Ne crains rien, me dit-il.

Il s'accroupit à côté de moi pour nettoyer son visage et sa chemise.

- Ne reviens pas ici, ce ruisseau est la limite de notre territoire. C'est toujours aux limites qu'ont lieu les pires horreurs.

Zack secoue ses mains trempées et prend mon avant-bras pour me relever.

- Rentrons, nous sommes trop éloignés de l'endroit dont je te parlais, nous ne pouvons pas être rentrés avant la lune autrement.

Soulagée d'avoir retrouvé Zack, mon guide à travers cet immense étendu forestier, je le suis sagement.

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