Chapitre 38: Moi-même

144 14 0
                                    

Une respiration essoufflée s'approche, puis Miss Platine entre dans mon champ de vision vacillant.

- Evan ! s'écria-t-elle.

Elle se précipite vers son Alpha pour l'aider à se relever, tandis que Maël continue de presser sur sa plaie. Le félin gémit douloureusement lorsqu'il se met finalement sur ses pattes, soutenu du mieux possible par Miss Platine.

C'est alors qu'un soubresaut me parcourt et qu'une vive décharge glisse sur toute ma peau. Je grince des dents pour retenir la douleur, mais les tremblements reprennent. Les mains sur mes biceps se resserrent indépendamment de ma volonté, provoquant des milliers de petits picotements sur tous mes bras. Quelque chose de liquide et chaud s'échappe d'entre mes doigts, et lorsque je baisse les yeux dessus, je réalise que mes entailles se sont réouvertes. Non, il ne faut pas qu'ils voient ma faiblesse, il ne faut pas qu'ils s'occupent de moi.

Puisant dans mes forces, je prends appui sur mes paumes afin de me redresser tant bien que mal.

- Eli ?

Mon frère tourne la tête vers moi, mais pour qu'il ne laisse pas tomber le Tigre, je m'avance d'un pas qui se veut confiant. Toutefois, de désagréables frissons ne cessent de courir mes bras, tandis que mon coeur me serre douloureusement.

- Eli, tu saignes.

J'ignore son commentaire et continue mon chemin, les mains toujours serrées autour de mes bras.

- Attends, Elisabeth, je vais t'aider.

Gabin s'approche de moi et me prend par le bras pour me soutenir. J'ai un brusque mouvement de recul, mais soupir tristement lorsque je réalise mon comportement.

- Pardon...

- Ce n'est rien, me rassura le Beta.

Avec l'aide de Gabin, je retourne au village. Mais durant tout le trajet, d'horribles sensations me font vivre un retour difficile. J'essaie au mieux de ne pas le montrer, cependant mes bras me lancent, mon coeur me pince, et ma gorge me serre.

Une fois arrivée au village, je ne suis pas pour autant libérée de mes terreurs.

- Je te ramène chez moi pour qu'on puisse nettoyer tes bras et pour que tu te reposes un peu.

Je ne dis rien, et me laisse guider jusqu'au chalet appartenant à Gabin.

Enfin dans la chambre qui m'a été attribuée, je m'assieds lourdement sur le lit pour contempler l'étendue des dégâts. Presque toutes les griffures sur mes bras se sont rouvertes, et mes bleus sont réapparus. Je me pince les lèvres pour retenir mes larmes face à une douleur que je tente d'étouffer en moi, une douleur qui essaie de remonter à chaque seconde. Je prends une profonde inspiration, bien que saccadée, et alors que j'allais me réfugier dans la salle de bain pour nettoyer mes bras ensanglantés, quelqu'un toque à la porte.

- C'est moi, s'annonça le maître de maison derrière la porte. J'ai de quoi soigner tes blessures.

- Entre.

Ma voix est aussi brisée par mes émotions qu'affaiblie par mon état, mais bien qu'elle me semble être un murmure, Gabin l'entend et entre. Dans ses bras; une panoplie de bandages et de compresses, ainsi qu'un flacon. Il dépose tout sur le lit, puis ouvre la bouteille en me souriant.

- Tu permets ?

- Hum...

Je baisse les yeux, hésite un instant, puis me ramasse sur moi-même pour faiblement secouer la tête.

- Je ne préfère pas. Je... Désolée...

- Ce n'est pas grave, je comprends. N'hésite pas à m'appeler si tu veux quoi que ce soit. Et repose-toi autant que tu le souhaites. A tout à l'heure, finit-il par dire en souriant.

Sur ce, Gabin me laisse tranquille dans ma chambre. Je commence donc à me soigner moi-même. Je nettoie mes plaies avec le désinfectant qui dégage une forte odeur mais qui est agréablement frais sur ma peau, puis pose des compresses sur mes bras avant d'essayer de les bander. Ce n'est pas chose facile, mais ça fera l'affaire le temps que je me repose.

Une fois cela fait, je m'allonge sur le lit et ferme les yeux dans le but de trouver le sommeil. La fatigue est présente, mais des images tourbillonnent dans mon esprit. Je le vois, je vois son sourire, je vois ses yeux... Ils me hantent. Mon coeur s'accélère avec ma respiration. Prise par la panique, j'ouvre brusquement les paupières, mais impossible de bouger. Mon corps est figé contre le matelas, et... tout ce que je vois, tout ce que je sens, c'est lui. J'essaie de me dégager. Cependant, plus je lutte, plus la douleur remonte, une douleur contenue depuis bien trop longtemps. J'ouvre la bouche pour pousse un gémissement, mais un étau invisible enserre ma gorge et seul un faible son étouffé parvient à s'échapper. Tout me revient, absolument tout. Tout ce que j'aurais voulu oublier, tout ce que je me suis efforcée à cacher. Sa voix... elle est partout autour de moi, jusque dans ma tête. Il n'y a que lui. Non ! Je ne veux pas, pas encore... Pas une fois de plus... Je continue de lutter contre moi-même, jusqu'à ce que mon corps cède soudainement et que je me redresse d'un coup. Je passe mes mains tremblantes sur mon visage, et sens les larmes couler sur mes joues. Mes bras me lancent et ma gorge me serre, pourtant j'ai encore plus mal, bien plus mal. Je souffre intérieurement, mais je ne parviens pas à clairement identifier la douleur, bien trop diffuse dans mon corps. Toute ce que je sais, c'est qu'il n'y a qu'une personne qui en est à l'origine. Cette douleur... je veux qu'elle cesse de se tapir en moi et de ressurgir quand bon lui semble. Je veux m'en débarrasser une bonne fois pour toutes, oui. Je veux avoir chaud au coeur, comme lorsque je suis avec mon frère. Et par-dessus tout... je veux savoir, je veux connaître ce que ressent Maël, ce qui semble l'habiter jour après jour. Oui, je veux moi aussi le ressentir égoïstement.

Sans PrétentionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant