La cheminé ne brûle pas, peut-être parce qu'il n'y a pas de bois à l'intérieur. Pourtant, je l'imagine. Quelqu'un s'accroupit, là, face à la cheminée. C'est une personne plutôt large d'épaule, homme ou femme impossible de le savoir, c'est juste une silhouette. Elle prend deux bûches impeccablement empilées dans une caisse en bois, puis elle les dispose dans la cheminée. La silhouette tend ensuite le bras dans une corbeille pour attraper une poignée de paille. En fait, un bracelet s'enroule autour du bras de la silhouette, c'est la seule chose que je vois d'elle. Peut-être est-ce parce qu'elle se reconcentre sur la cheminée, ou parce que ce n'est qu'une silhouette ? Elle fait glisser une allumette sur son paquet, et une petite flamme scintille. La silhouette l'approche lentement du feu, comme si elle avait peur que la flamme ne meure à tout moment. La paille s'enflamme gentiment en crépitant. La silhouette saisit un tisonnier en métal soigneusement rangé à côté de la cheminée, et vient attiser les braises. Le feu répond immédiatement et se met à lécher les deux bûches. Une douce chaleur se dégage alors de la cheminée, tandis que le lieu s'éclaire gentiment. Des ombres dansent sur les murs, et la silhouette se redresse méticuleusement. Le feu forme un halo orangé autour d'elle, tandis que le bois craque. La silhouette tourne la tête vers moi, mais... il n'y a pas de feu, il n'y a pas de silhouette. La cheminée est complètement éteinte, et pas une seule trace de cendre la salie.
Je me tourne sur le dos, ignorant le tiraillement de mon corps, et fixe le plafond en bois. Il y a plusieurs petits noeuds et l'aspect brut du bois a été gardé. En fait, vu l'état du plafond, la maison doit avoir plusieurs années, et pourtant... elle est plutôt bien conservée car à part le plafond tout semble très bien entretenu. Alors pourquoi est-ce que je n'arrive pas à trouver ma place dans cette maison ? Qui habite réellement ici, et qui n'y habite pas ? Et moi ? Est-ce que c'est ma maison ? Oui, je suis chez moi. Le Clan c'est chez moi, là où il y a ma famille, là où il y a mon petit frère, Marraine, Zack, et... Père. Père ne veut toujours pas me voir, pourquoi ? J'ai bien tenté de retourner toquer à sa maison, mais il a refusé de m'ouvrir. Marraine est aussi allée voir Père, mais Père ne lui a même pas répondu. Alors Marraine m'a demandé de faire plus, de continuer à me faire pardonner auprès de Zack, et ainsi, Père reviendra. J'ai fait plus, je fais toujours plus, mais Père ne revient pas.
***
J'ouvre brusquement les yeux. Le feu est éteint, les bûches sont méticuleusement empilées, il n'a jamais été question d'allumer le feu. Je me redresse lentement du canapé. Mon corps semble vouloir me dire quelque chose, mais je ne l'écoute pas. D'un pas fatigué, je me dirige vers la cuisine. J'ai du mal à garder les yeux ouverts, pourtant je dors beaucoup. Avec un faible mouvement, je tends le bras vers le placard en hauteur et en sors un paquet de céréales, ainsi qu'un bol. Je pars vers la table à manger en manquant de trébucher. Heureusement, je me rattrape de justesse au rebord, mais le bol et le paquet de céréales s'écrasent sur la table. Je soupire faiblement avant de me laisser retomber sur la chaise et mettre distraitement les céréales dans le bol.
- Eli !!
La voix de mon petit frère réchauffe mon coeur, et un petit sourire étire mes lèvres. Il m'enserre affectueusement les épaules et vient prendre place à mes côtés.
- Tout va bien ? Tu m'as l'air fatigué ? J'espère que Zack ne te mène pas trop la vie dure. Bien sûr y'a tout le tralala sur l'Alpha et l'honneur, mais quand même. Je ne veux pas que ma grande soeur se retrouve six pieds sous terre à cause des consignes de Marraine.
J'enfonce ma tête dans le col de mon gros sweat à capuche, et déclare d'une voix un peu rocailleuse:
- Ça va, la rassurai-je. Je ne dors juste plus très bien...
VOUS LISEZ
Sans Prétention
ParanormalDepuis toute petite, Elisabeth n'a connu que le Clan Rubis, que leurs doctrines, que leurs coutumes, que leurs manières. Etaient-elles normales ? Etaient-elles justes ? Mais au fond, qu'est-ce qui est normal, qu'est-ce qui est juste ? Elisabeth ne s...