Chapitre 26: Plus rien

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Les jours sont redevenus des jours normaux, ce qui m'arrange parfaitement. Je suis si heureuse d'avoir retrouvé ma famille. Bien que Père soit quelque peu distant ces derniers jours... Jamais je ne l'avais vu ainsi. Avant, lorsque nous allions le voir avec maman, il abordait même un grand sourire, mais aujourd'hui... il ne sourit plus. Je n'ai jamais repris ma forme animale en public, je ne veux pas que Père se fâche. Je veux que Père soit heureux. Tout le monde veut que Père soit heureux, mais personne n'arrive à le rendre heureux. Toutefois, c'est de ma faute s'il se trouve dans cet état, alors c'est à moi d'en assumer les conséquences. Maman nous a toujours dit que le bonheur c'est ce qu'il y a de plus importante. Père a le droit au bonheur.

D'un pas un peu incertain, je me dirige vers le grand chalet de Père. Je toque timidement à la porte, et celle-ci s'ouvre sur une imposante carrure de trappeur. La cicatrice qui entaille le sourcil de Père le rend encore plus agacé lorsqu'il les fronce.

- Elisabeth... Que me veux-tu ?

Guidée par mon instinct, je me jette sur lui pour le prendre dans mes bras. Mais d'une main sur mon épaule, Père me repousse.

- Que me veux-tu, Elisabeth ?

- Je... Je veux m'excuser, Père.

- Ne m'appelle plus ainsi, je te l'ai déjà dit. Et tes excuses ne servent à rien, Aya a trompé ma confiance.

- Pardonnez-moi...

- Seul Zack pourra te pardonner à ma place, dit-il après avoir soupirer. Alors dévoue-toi corps et âme à lui, paye la dette d'Aya.

Puis sans m'y attendre, Père me pousse du haut du perron. J'écarquille les yeux en sentant mon corps être irrémédiablement attiré par le sol. Mais Père se détourne et amorce un pas vers son chalet. C'est alors qu'on me rattrape, mon dos collé contre le torse de quelqu'un. Cette personne me redresse, et Père s'arrête pour nous regarder par-dessus son épaule.

- Reste avec Zack, et ne viens plus me déranger, Elisabeth.

Sur ce, Père ferme la porte derrière lui. Je me retourne et aperçois Zack. Il s'approche encore plus pour replacer une mèche derrière mon oreille.

- Ne t'en fais pas, ça finira par lui passer. Mais... toi aussi tu m'as menti, n'est-ce pas ? Tu m'as caché la vérité. Toutefois, contrairement à Père, je n'ai pas d'attache avec ta mère, donc je ne t'en veux pas autant. Après, j'espère que tu ne ferras pas la même erreur que ta mère, j'espère que tu me resteras fidèle. Je peux compter sur toi, Elisabeth ?

- Oui...

- C'est parfait.

Il enfouit sa tête dans mon cou et commence à le mordre. Père... Pourquoi ?

- Mais, je ne ferais pas la même erreur que Père, m'annonça-t-il sans même que je comprenne le sens de ses mots.

Zack m'entraîne à travers le village, puis ouvre une porte, la referme, et je me retrouve sur quelque chose de moelleux. Pourquoi, Père ? Zack me maintient contre un dossier mou et presse fermement ses lèvres sur les miennes. Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Sa main glisse sous mon t-shirt et remonte le long de mes côtes. Est-ce moi qui ai fait quelque chose de mal ? Ou est-ce maman ? L'air passe soudainement sur ma poitrine, avant que Zack se mette à la mordre. Non, maman n'aurait jamais pu faire quelque chose de mal. Maman a toujours fait le bien. Les baisers s'approfondissent, et les caresses deviennent plus avides. Alors peut-être que c'est bien moi qui suis en faute ? Comment ? Qu'ai-je fait de mal ? Les mains se resserrent fermement autour de mon corps, m'empêchant de bouger. Je pensais que Père allait être heureux de me revoir... Je pensais lui faire plaisir en revenant. Les lèvres me froissent à chaque fois qu'elles se collent à ma peau. Et Marraine... elle semblait plus inquiète pour Père que pour moi. Mais qu'ai-je fait ? Les caresses m'irritent, mais je ne réagis pas. Encore aujourd'hui elle m'a parlé de Père, du fait qu'il ne veuille plus l'accueillir. Les baisers me brulent désagréablement la peau, mais je ne réagis pas. A chaque fois que Marraine me parle de Père, un agacement se dissimule dans sa voix. Zack demande toujours plus, mais je ne réagis pas. Heureusement, il y a mon petit frère. Heureusement qu'il est là pour moi. Mais pourquoi Père m'en veut ? Pourquoi Marraine veut voir Père ? Zack veut toujours plus, mais je ne réagis pas. Maman aurait surement su quoi faire, maman a toujours su quoi faire, même quand maman ne savait pas quoi faire. Qu'aurait fait maman ? Zack exige toujours plus, mais je ne réagis pas. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Je fais pourtant tout comme il faut. Ses dents mordent ma peau avec convoitise. Marraine m'a dit d'honorer l'Alpha, j'honore l'Alpha. Ses mains rendent ma peau désagréablement sensible à chacun de leurs passages. Maman m'a dit de respecter les gens, je respecte les gens. Je suis là, allongée sur ce canapé, à contempler je ne sais quoi. Marraine m'a répété qu'elle était fière de moi. Alors pourquoi ? Ses lèvres se pressent sur les miennes et insistent. Maman aurait été fière de moi, j'en suis sûre. Alors pourquoi ? Une désagréable sensation de picotement court sur mes bras. Pourquoi Père me rejette ? Pourquoi Marraine semble m'en vouloir ? Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Ma gorge est douloureusement sensible, mais je n'ai même pas la force de grimacer. Est-ce que je dois partir ? Mon corps chauffe de l'intérieur et m'étouffe. Non, je ne peux pas faire ça, je dois rester pour Zack, pour me faire pardonner. Des dents raclent ma peau déjà suffisamment douloureuse. Pour quoi dois-je me faire pardonner ? J'ai du mal à respirer, je me sens à l'étroit, quelque chose m'oppresse. Maman disait que le bonheur des autres fait le nôtre. Je fixe le plafond, en moi, je ne ressens rien. Alors pourquoi ne suis-je pas heureuse ? Zack se tient au-dessus de moi et me fixe de ses yeux brillants. Aujourd'hui, Maël m'a raconté sa virée dans la forêt avec ses amis, et elle avait l'air bien. Lorsque Zack se penche sur moi, c'est pour mordre mon cou devenu douloureusement sensible. Je fais pourtant tout comme il faut. Les baisers reviennent toujours, à chaque fois plus désireux, plus ardents. Ou peut-être que je suis déjà heureuse. Les caresses deviennent... surement douloureuses, mais je ne sens presque rien. Après tout je suis aux côtés de mon Clan, ma famille. Les baisers, les caresses, les morsures, les griffures, et les pressions, je ne les sens plus, je ne sens plus rien. Oui, je suis heureuse car je rends les autres heureux.

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