Une fois encore, on pense que je suis dans la lune ou tout simplement sourd. Mes amis parlent et rient de moi tel qu'on pourrait facilement croire que je ne suis pas là. Ce n'est absolument pas nouveau, s'en est même devenue une habitude. Et moi, comme à chaque fois, je fais mine de ne rien entendre. J'augmente d'un mouvement à peine perceptible le volume de la musique qui résonne dans mes oreilles. Voilà, désormais, je ne les entends plus.
Je suis avec mes amis au local D, local réservé aux 4ème secondaire pour étudier, s'amuser ou simplement tuer le temps. Les cours ne commencent cependant que dans une vingtaine de minutes. Je profite donc de ce délais afin de détailler le local, qui jusque-là, n'avais jamais capté mon attention. Les murs de la salle circulaire sont en briques grises, deux portes face l'une à l'autre permettent l'accès à la pièce. Celles-ci sont rouges et en un style plutôt moderne. Je compte au total quatorze tables, toutes occupées par des élèves que je connais plus ou moins. Soudain, je reconnais Sofia à l'une de celle-ci. J'ai souvent l'occasion de la voir au local de musique ou aux abords des studios. La voir me fais réaliser que, ce matin, je n'ai pas pratiqué. Mes yeux s'écarquillent, dix-sept minutes... j'ai le temps ! Je m'apprête à me lever lorsqu'on me retire brusquement mes écouteurs sans fils.
- Oh non, tu ne vas nul part Kai, m'ordonne Loïc tenant fermement mes écouteurs.
Je me contente de le dévisager.
- On a tous reconnu ta mimique habituelle. Tes yeux écarquillés voulant dire « Je viens de réaliser que je n'ai pas pratiqué pour la millième fois cette semaine. Je devrais abandonner mes amis et y aller », me dit Stella replaçant une mèche de ses cheveux blonds.
Je me renfrogne et me cal dans mon siège. Tant pis, je pratiquerai ce midi, cependant mes écouteurs, eux, je voudrais vraiment que l'on me les redonne.
- Aller Lo, redonne-lui ces écouteurs, soupire Déreck, mon sauveur, en me les redonnant.
Je le gratifie d'ailleurs d'un regard reconnaissant en mettant ceux-ci. Loïc semble soupirer et argumenter avec Déreck. Stella, elle, continue de se jouer dans les cheveux. Je soupire lourdement, puis en un geste brusque et résolu, je me lève et quitte la salle en quelques enjambés. Je longe le mur du corridor principal.
Pour l'instant, il est vide, mais dans peu de temps, lorsque la sonnerie retentira, il sera inondé de personnes. J'ai déjà mes cahiers d'histoire, je me dirige donc vers ma classe qui doit présentement être vide.
Lorsque j'entre, j'y découvre le directeur ainsi qu'un garçon de mon âge curieusement habillé en civil. Probablement un futur élève qui s'est fait renvoyer de son école. Après tout, notre établissement scolaire ne possède pas particulièrement une bonne réputation. On n'y vient généralement pas par choix...
Je fais un discret signe de tête au proviseur qui me sourit en retour, puis je vais m'assoir. Toutes les tables sont conçues pour deux, mais étant donné que nous sommes impaires, j'ai une grosse table à moi seul. Je vide le contenue de mon sac, puis dirige mon regard vers la fenêtre à ma gauche.
Dehors, le temps est gris, mais il ne pleut pas encore... mon temps préféré. Cela peut sembler étrange, mais ce temps me réconforte et en même temps me rend triste, nostalgique. Souvent, par ce temps-là, je repense à ma mère. Voit-elle aussi un ciel gris tous les jours ?
J'observe les élèves, probablement des secondaires 1 encore perdus après une semaine de cours, ils pressent le pas, sans doute vont-ils être en retard.
Soudain, je sens un regard, comme une chaleur dans mon dos. Je me retourne et aperçois le directeur qui semble parler au nouveau qui lui, me fixe. Mon regard croise inopinément le sien et je ne peux passer outre ses singulières iris. Ceux-ci sont effectivement d'un profond vert s'apparentant aux émeraudes. Nous nous regardons ainsi une fraction de seconde, puis je me détourne en un fluide mouvement, ne souhaitant point trahir mon malaise grandissant.
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Emerald eyes 💚
RomanceMa vie est banale et monotone. Cependant, tout a changé lorsque son regard émeraude s'est posé sur moi. À la première vue de ce beau gosse fils de riche, je n'aurais guère pu concevoir que celui-ci allait devenir mon meilleur ami et même plus... Néa...