Chapitre 7- Svetlana

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Je n'ai pas kiffé la caresse de Tadzio Steadman.

Et les quelques frissons ressentis sont juste une réaction physique normale. Celle du dégoût.

A force de le répéter en boucle, je vais bien finir par m'en persuader.

Imaginer le contraire ne serait pas normal. En tout cas, pas normal pour moi. Je n'ai jamais été sexuellement ni émotionnellement attirée par un garçon. J'ai toujours été tellement certaine de ma sexualité et de mon attirance pour les filles que je n'ai même eu aucune difficulté à m'en ouvrir très vite à ma famille ou à mes amis et que je l'ai assumée sans problème.

J'imagine que l'état dans lequel je me suis retrouvée dans cet ascenseur n'est que la conséquence du cumul de tout un tas d'éléments perturbants : la défection des Maroon 5, ma nuit blanche, mon cafard matinal, la présence tellement horripilante de Glue... Du coup, j'ai surréagi. Rien de plus.

Je fais ma visite, encore plus préoccupée que pendant mon bloc. Certes, j'ai réussi à me débarrasser d'un problème de taille : Glue, statufiée, n'a même pas réussi à sortir de l'ascenseur pour me suivre et j'ai vu la porte se refermer sur elle sans qu'elle ne soit capable de faire un pas pour en sortir. Mais j'ai réussi la prouesse d'ajouter au problème Maroon 5 la confusion des émotions cataclysmiques suscitées par une simple main de ce crétin de Tadzio Steadman.

Je croyais que c'était Jésus qui faisait des miracles par imposition des mains.

J'aimerais oublier ce qui s'est passé mais dans la mesure où mon dernier patient est son grand-père, ça me semble difficile.

Je prends une grande bouffée d'air aromatisé aux produits aseptisant typiques des établissements de santé, frappe doucement, ouvre lorsque Monsieur Steadman me répond d'entrer. Et ne sais pas si je suis aussi soulagée que je me plais à le croire en constatant que la pièce est vide et que son petit-fils n'est pas là.

— Vous avez manqué Tadzio, Docteur ! Il a dû partir à l'instant pour répéter. Quel dommage, il aurait été ravi de vous revoir.

Je me retiens de répliquer que je ne doute pas une seule seconde qu'il aurait été ravi de me revoir mais que la réciproque n'est pas vraie. Mieux, que je n'ai qu'une seule hâte : que la convalescence de Monsieur Steadman soit terminée pour que tous les Steadman du monde puissent enfin débarrasser le plancher de mon service.

Et permettre à ma vie de reprendre son cours contrôlé.

J'échange quelques banalités avec Papi Steadman et examine les notes et consignes de l'équipe de soins qui s'en est occupée aujourd'hui. Je lui confirme qu'il pourra bientôt nous quitter samedi, comme prévu, pour commencer la rééducation en centre qu'il a privilégiée à partir de lundi prochain.

Encore trois jours et Tadzio Steadman ira s'agiter ailleurs.

Je m'apprête à saluer mon patient pour retourner dans mon bureau, - et m'y arracher les cheveux un à un, faute de trouver une solution pour éviter que cette soirée caritative ne devienne le fiasco de l'année-, lorsque Monsieur Steadman me devance.

— Sans vouloir inverser les rôles, Docteur, vous me semblez préoccupée. Rien de grave, j'espère ?

Mon gentil patient est adossé contre le dossier redressé de son lit médicalisé. Avec son abondante chevelure grise et son haut de pyjama anthracite, il parvient à être très élégant, alors même qu'il est convalescent, et s'exprime avec un peu de difficulté encore. On dirait un de ces séduisants acteurs de Hollywood vieillissants dont toutes les rides sont bien placées, de la veine des Newman et Redford lorsqu'ils avaient son âge.

TRY BABYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant