Chapitre 17- Tadzio

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— Tu sais très bien que je chanterai Unexpected en pensant à toi, Lilly.

J'essaie de ne pas entendre les propos de Simon. Mais on est beaucoup trop peu nombreux dans cette loge pour que j'y parvienne et je me prends, une fois de plus, leur amour en plein tronche.

Je n'ai jamais vraiment aspiré à vivre une telle relation. J'ai eu des béguins quand j'étais plus jeune évidemment, des filles avec lesquelles je m'entendais plutôt pas mal. Mais jamais ce besoin vital et fusionnel que Lilly et Simon ont l'un de l'autre.

Il suffit d'être dans la même pièce qu'eux, de la regarder lever ses yeux dorés vers lui comme s'il était son soleil, de l'observer la dévorer du regard comme si elle était la première et la dernière femme sur terre, de les voir rire lorsqu'ils sont avec leur fils ou quand il touche son ventre arrondi pour comprendre qu'ils vivent un truc rare. Quelque chose qui n'est pas offert à tout le monde.

Quelque chose que je n'ai jamais vécu en tout cas.

Quelque chose qui pourrait peut-être me plaire.

— Ça me donne la gerbe, ces roucoulades.

Je viens en vain de m'adresser à Mike qui, casque énorme sur les oreilles, pianote je- ne-sais-quoi-à-je-ne-sais-qui sur son téléphone portable, - sa fille, son ex-garce de compagne, ses avocats ou qui sais-je encore-, sans m'entendre.

Dans le fond de la pièce, Jack notre pote le plus proche et également agent depuis nos débuts discute, tout sourire, avec Liam, un permanent du Shed, plutôt beau mec si on aime le genre beau bébé californien, qui lui retourne ses œillades.

J'en connais deux qui vont passer une bonne fin de soirée...

— Sérieusement, ça pue ici, je marmonne.

Pour moi seul, cela dit, puisque manifestement personne ne se décide à me prêter attention.

—  Vous avez perdu le feu sacré les mecs, on se croirait dans les coulisses d'une sitcom dégoulinante.

— Venant d'un spécialiste comme toi, je savoure le compliment.

Donc Simon est capable de déclarer sa flamme à la blonde de sa vie et de me pourrir ma vanne.

— Très drôle, Simon.

Je me tourne vers Liam.

— Dis-moi, histoire que je me vide la tête de tout ce rose et ces licornes avant de commencer un concert de rock (ce faisant, j'appuie sur le mot en l'articulant exagérément pour que Simon m'entende), tu saurais m'indiquer où est la loge de One Heart par rapport à la nôtre, s'il te plaît ? Je vais aller taquiner le docteur Lujic, ça me changera les idées.

Je n'ai pas de nouvelles de Svetlana depuis notre soirée au Battery Park. Ce n'est pas faute d'avoir envisagé de l'appeler ou de lui écrire mais je n'ai jamais franchi le pas.

Peut-être parce que je savais qu'elle m'enverrait bouler en me rappelant que notre deuxième dîner ne devait avoir lieu qu'après le concert.

Peut-être parce j'espérais qu'elle m'appelle spontanément.

Ce qu'elle n'a pas fait. Et ce que je n'ai pas aimé qu'elle ne fasse pas.

Ce qui commence à rendre la situation un peu emmerdante et perturbante si vous voulez mon point de vue.

Raison de plus pour que j'aille l'emmerder à son tour. Et la perturber, si j'y arrive.

Je traverse le couloir quasi désert, - j'imagine que le cocktail bat son plein en attendant notre prestation-, toque pour la forme à la porte fermée de la loge réservée pour la Fondation, même si je doute qu'il y ait encore quelqu'un puisque, si j'en crois ce que j'entends depuis la salle, sa Présidente, Kelly Meyer-Westley, a commencé son discours de bienvenue.

TRY BABYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant