Chapitre 19 - Svetlana

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— Pourquoi vous avez fait ça, putain ?

Je viens de faire irruption d'une façon probablement un peu fracassante dans la loge des K-A9.

Mais après tout, il semblerait que leur crétin de bassiste guitariste, - ou guitariste bassiste, peu m'importe-, aime bien se montrer théâtral alors je ne compte pas me priver ni bien me tenir.

Le crétin en question lève une tête aux cheveux encore humides dans ma direction, depuis l'encadrement de la porte fenêtre qui mène probablement à une terrasse ou un balcon. Il a quitté son t-shirt et son jean sombres pour un jean gris plus clair et une chemise en jean ajustée et largement entrouverte sur sa peau encrée.

Cliché-cliché-cliché.

Appuyé contre l'encadrement de la porte fenêtre, une jambe repliée contre le mur, il porte à ses lèvres une cigarette à l'extrémité incandescente, aspire voluptueusement une bouffée, souffle doucement la fumée comme si je ne venais pas de lui poser une question et que je ne me tenais pas debout au milieu de la loge, à ne plus savoir quelle contenance adopter.

Un sourire barre lentement son visage lorsque, enfin, il s'adresse à Simon Lauren, Mike Fiennes et deux autres gars que je ne reconnais pas, qui sont affalés dans les canapés, un verre à la main.

— Les mecs, excusez-moi mais je vais vous demander de nous laisser.

Il prend le temps d'écraser tranquillement sa cigarette dans un cendrier posé sur la table basse proche avant de poursuivre, en pivotant un peu plus vers moi.

— Le docteur Lujic a tellement envie de moi que j'ai peur qu'elle ne puisse plus résister à ses pulsions sexuelles primitives.

Rendue muette par l'agacement (fureur serait plus juste, j'imagine), je regarde les mecs en question obtempérer en se marrant, non sans m'avoir saluée en passant.

Dans quelle dimension je suis tombée pour que je passe de numéro surprise du spectacle des K-A9 à tarée capricieuse qui les fout hors de leur propre loge ?

Enfin... Presque tous dehors. Puisque celui que j'ai eu le tort de trouver agréable le temps d'une soirée informelle à Battery Park est toujours debout et me contemple comme si de rien n'était.

— Vous avez l'air contrariée, Svetlana ? Un souci, peut-être ?

« Un souci, peut-être » ???? Il est sérieux, là ?

Mon corps entier est en train de se transformer en arme de destruction massive dont l'unique but est de fermer le clapet de Tazdzio Steadman.

— A votre avis, Steadman ? A quel moment vous avez pu penser que j'avais envie de devenir une bête de cirque exhibitionniste ? je crache en réponse. Ça vous a amusé de me rendre ridicule en vous donnant en spectacle ? C'était pour montrer que vous n'aviez pas peur de sauter de la scène ni de chantonner a capella, votre petit cinéma ? Vous êtes content ? On va parler de vous dans les journaux ?

Face à moi, Tadzio porte une nouvelle clope à ses lèvres et se courbe pour la protéger de l'air du dehors de sa longue main tatouée, lorsqu'il l'allume avec un briquet argenté hors d'âge. Je ne suis même pas certaine qu'il m'écoute et ça me rend dingue.

Je franchis les quelques mètres qui nous séparent jusqu'à me tenir devant lui, visage furieusement levé vers ses prunelles grises pour qu'il ne puisse plus détourner le regard.

— Je suis médecin, putain. Je soigne les gens et j'essaie de faire ça avec compétence et discrétion. Je ne veux pas qu'on puisse s'imaginer que je suis arrivée à mon poste pour d'autres raisons que mon travail. C'est déjà assez difficile d'être la copine du boss, même si j'ai largement contribué à faire mes preuves. Non seulement je n'ai pas besoin de vos petits shows mais je refuse d'en faire partie : je ne veux pas qu'on me confonde avec une de vos poufiasses.

TRY BABYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant