TRY BABY

Chapitre 14- Tadzio

Svetlana Lujic est érotique même en mangeant un hot dog.

C'est ce que j'essaie désespérément d'oublier, alors que je suis en train de slalomer à moto dans la circulation démentielle pour nous ramener chez elle.

Autour de nous, New York. Dense, bruyante, survoltée qui brille de tous ses lumières, du panneaux publicitaires fixés sur les façades des gratte-ciels aux lampes des bureaux qui ne s'éteignent jamais.

Autour de moi, ses bras fermement arrimés contre mon blouson en cuir.

Et, enserrant mes cuisses, ses jambes incroyables.

Comme elle pourrait le faire si elle était nue dans mon lit.

Je suis sensible à chaque centimètre de son corps qui touche le mien. Et à cet instant précis, croyez-moi, ils sont nombreux.

J'essaie de chasser les idées pas raisonnables du tout qui me viennent à l'esprit en repensant à la soirée qu'on vient de passer. Un peu hors du temps et qui m'a donné l'impression d'être un touriste dans ma propre ville. Bizarrement normale surtout, si l'on considère comme normal pour moi le fait que je l'ai passée avec une fille brillante, que je n'intéresse pas et qui semble peu informée de mon histoire.

Je négocie un virage en remontant vers NoLiTa et ses rues plus aérées, ses mains se serrent sur mon torse. Et je souris sous mon casque en repensant à cet échange, nous deux assis côte à côte sur le dossier du banc, nos pieds reposant sur son assise, contemplant sans mot dire le trafic sur l'Hudson en goûtant nos hot-dogs.

Je me tourne vers Svetlana qui n'a plus bronché depuis que je lui ai remis le sien et qu'elle s'est jetée dessus comme si elle était véritablement affamée.

— C'est physique votre job, alors ?

— Plutôt, oui. Pas le vôtre ?

Un peu de sauce stagne au coin de sa lèvre pendant qu'elle recommence à dévorer son sandwich.

Ça devrait l'enlaidir. Eh bien non. Echec sur toute la ligne. Je focalise davantage sur la commissure de ses jolies lèvres.

— Sur scène, oui. Enormément. Enfin... Plus pour Simon et moi, parce que même si Mike s'agite beaucoup, il reste assis derrière sa batterie. Et sinon, le reste du temps, on bosse plutôt de manière assez statique.

Je lève la main vers son visage, bizarrement ultra-désireux de faire disparaitre la goutte de sauce de la pulpe de mon pouce.

— Vous faites quoi, là ?

Ma main reste en suspens.

— Rien. Enfin, vous aviez un peu de sauce et...

— Merci répond-elle simplement en s'essuyant du coin de sa serviette en papier. Ça vous plaît d'être célèbre ?

— Ça me plaît de jouer notre musique et qu'elle plaise autant, oui.

J'hésite à m'arrêter là mais, je ne sais pas si c'est le calme de l'instant, malgré la foule des touristes qui nous environnent, je continue :

— Je n'aime pas particulièrement être célèbre mais je vis avec depuis trop longtemps pour savoir ce que ça fait de ne pas l'être.

— Vous jouez depuis si longtemps que ça ?

— Vous ne saviez vraiment pas qui je suis, alors ?

— Je devrais ?

— Pas particulièrement...Mais je dirais qu'en général les filles de notre génération le savent.