Chapitre 11- Svetlana

1K 155 60
                                    

Je suis de parfaitement mauvaise foi.

Mais si je l'admets, même intérieurement, je peux être pardonnée, non ?

Cela fait plusieurs jours que je sais au fond de moi que la grande classe serait de revenir spontanément vers Tadzio Steadman. D'autant que cela témoignerait de mon indifférence réelle à son encontre.

Kelly m'a appelée pour me féliciter d'avoir aussi bien géré la défection des Maroon 5, informée qu'elle était par l'agent des KA-9 de leur présence au Shed la semaine prochaine. Ses chargés de communication se sont évidemment occupés de prévenir les invités que cela n'a pas dû beaucoup perturber.

Je n'ai donc aucun doute à avoir sur la force de la promesse de Tadzio. Or, si je n'ai aucun doute, la moindre des choses serait donc que je me comporte correctement. En honorant ma parole par exemple.

Eh bien... non !

Non seulement je fais la morte. Mais en plus je l'accueille aussi sèchement que possible.

Comme s'il était un simple importun et pas un des artistes les plus connus au monde qui a accepté de me tirer de la merde dans laquelle je m'étais mise comme une grande.

Je ne sais pas à quoi je joue, ni ce que cela dit de moi, mais pas besoin d'en rajouter : je sais que je n'ai pas à me vanter de mon comportement. Peut-être est-ce parce que j'ai été agacée qu'il se soit joué de moi, en me laissant patauger pour obtenir son concert, alors qu'il savait déjà qu'il allait dire oui.

Peut-être aussi qu'il y a autre chose, une chose sur laquelle je n'ai pas envie de m'interroger et qui me fait appréhender les moments que je vais devoir lui consacrer.

Pas du tout envie, même.

— Bonjour Miss Serbie. Content de voir que vous n'avez pas encore succombé sous la masse de travail.

Tadzio a refermé la porte de mon bureau derrière lui et s'y appuie désormais. Les pouces dans les passants de son jean, une cheville croisée par-dessus l'autre, il affiche une décontraction amusée qui me fait me sentir encore plus stupide.

Surtout que je vais l'honorer, cet engagement.

Je m'efforce de ne pas soupirer.

— Bonsoir Tadzio. J'essaie de ne pas succomber. Et, comme vous le voyez, j'essayais surtout de terminer.

En face de moi, les prunelles Mer de Chine continuent de me fixer tandis qu'un pli amusé se forme au coin de sa bouche virile.

— Vous me prenez vraiment pour un énorme branleur, pas vrai ?

Je lui adresse un regard sans doute un peu interloqué, alors il poursuit.

— Vous, la bosseuse, celle qui sauve des vies. Et moi, le saltimbanque, tout juste bon à me coucher quand vous vous levez, et à tapoter sur mon tambourin pour amuser les foules. Et, bien entendu, juste bon à vous empêcher de poursuivre vos nobles et admirables activités.

Il s'avance jusque devant mon bureau. Pose ses longues mains brunes sur la plaque de verre et se penche vers moi comme s'il voulait que nous partagions un secret.

Son parfum, aussi discret que Steadman est envahissant, me chatouille les narines.

J'aime bien.

— C'est comme ça que vous me voyez, pas vrai Miss Serbie ? Un énorme branleur avec lequel l'idée de passer quelques instants de votre temps trop précieux vous ennuie terriblement, pas vrai ?

Je me sens un peu minable sur ce coup. Ça se voit tant que ça ?

Il souffle un rire léger, presque désabusé, par le nez.

TRY BABYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant