43. La vérité se trouve dans l'abîme

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Selon la légende orale, la déesse Orval aurait parcouru les océans de Stella Rems. Elle y aurait aperçu les géants endormis qui ne se réveilleront que lorsque le monde sera de nouveau en péril.

Certaines retranscriptions ont omis « de nouveau », car il ne fait pas sens. La légende ne mentionne ces géants nulle part ailleurs et ne raconte pas leur premier combat.

Caelus


Ek'tan n'avait pas peur de l'eau.

Elle ne craignait pas d'être ensevelie sous des montagnes aqueuses ; c'est une peur courante chez l'homme, que les habitants des îles les plus sauvages de l'archipel austral chassent à force d'habitude.

Ek'tan n'avait pas peur de l'obscurité. Elle y avait survécu dans sa jeunesse, et même si elle devait croiser de nouveaux monstres dans les profondeurs, ils réfléchiraient à deux fois avant de tendre leurs griffes vers elle, car elle appartenait déjà, depuis son enfance, à un autre seigneur de la nuit.

Au final, Ek'tan ne craignait rien d'autre que le jugement dudit seigneur, et pensait encore qu'elle ne craindrait rien d'autre de son vivant.

Elle occupait le compartiment étroit avec Tuyn et Robé, habitués des explorations sous-marines. Ils regardaient fixement dans le vide, l'esprit ailleurs. Devant eux, des poussières flottaient dans un halo lumineux épais de quelques mètres au plus, une maigre étincelle dans les abysses.

« Est-ce que vous avez déjà eu des accidents ? demanda Ek'tan.

— De toute l'histoire du centre océanographique, un accident sérieux, dit Tuyn.

— Des victimes ?

— Deux morts. C'était un prototype d'exploration habité. C'est pour ça qu'on est passé au téléguidage par onde sonar. Beaucoup plus facile à mettre en œuvre. »

La porte de l'habitacle s'ouvrit ; un chercheur distribua des boissons chaudes. Hormis ce contact avec le reste du centre, avec la fidélité de l'image sur l'écran, le poste de commande de Robé bardé de données de navigation, on se serait cru plongé dans l'océan. Cette impression participait sans doute à l'apaisement d'Eptal, bercée par les grésillements d'un groupe de cétacés qui retentissaient dans les capteurs sonores.

« Nous sommes à trois mille cinq cent mètres, annonça Robé. Presque arrivés. On devrait voir bientôt les lumières. Commandante, prenez les commandes.

— Pourquoi ?

— Ne craignez rien, vous n'allez pas casser le robot. Cet engin résiste à des pressions de six mille atmosphères. Vous pourriez le jeter du haut d'un immeuble et il serait encore intact. Et puis, à la vitesse où il progresse, vous ne risquez pas de cogner les cailloux.

— C'est important, indiqua Tuyn. Vous devez vous convaincre que ceci n'est pas une simulation, et que ce sont bien des images qui nous parviennent en temps réel du fond.

— Que voulez-vous me montrer ? demanda-t-elle en prenant la place de Robé.

— On trouve beaucoup de choses dans les abysses. »

La scientifique prit le rôle de copilote ; elle lui expliquait les données du sonar, vérifiait l'altimètre et comparait aux cartes topographiques.

« Le sol est à dix mètres, lâcha-t-elle soudain. Arrêtez la descente. »

Ek'tan remit un levier en place. Il ne fallait pas se presser. Le robot réagissait avec une seconde de décalage et ses mouvements étaient très lents.

Nolim I : l'Océan des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant