Chapitre 38 - James

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Mes gants rembourrés me protègent les poignets, qui s'enfoncent brusquement à chaque coup dans le sac. Cette fois est différente des autres. Je ne ressens pas de colère, je ne me sens pas contrôlé par mes émotions, mais plutôt par une envie de faire de la boxe. Comme si ça avait toujours été ma passion, mais que je ne m'en étais jamais rendu compte.

Tomy explique comment me placer, et comment me défendre contre mon faux-adversaire. D'un point de vue extérieur, ce coaching aurait pu être perçu comme un simple entraînement, mais ce n'en était pas un. Parce que la boxe, c'est se défendre physiquement contre la personne qui te veut du mal. Mais moi, je me bats juste contre mes émotions, car ce sont les seules qui sont capables de me nuire. Alors, je dois apprendre à les contrer.

Chaque force de poing envoyée dans le sac est mesurée, et c'est étrange de frapper sans être happé par des sentiments qui ne demandent que ma mort.

- Plus fort ! Allez, n'aie pas peur ! m'encourage Tomy, et je le regarde du coin de l'œil, lorsqu'il s'apprête à frapper des mains pour accompagner ses paroles.

Ce n'est pas de la peur, que je ressens, oh que non, loin de là. C'est une appréhension. Et si je faisais réellement mal à la personne qui se tiendrait en face de moi ? Saurait-elle me pardonner ? Saurais-je ne pas culpabiliser ?

- James ! Tu réfléchis trop ! s'exclame mon coach.

- Désolé, soufflé-je entre deux inspirations, et en reprenant mes coups, un peu plus fortement.

Devant moi, le sac tremble. Est-ce dû à la force que j'emmène avec mon poing, ou simplement grâce à la propulsion de tout mon corps ? Stop ! Tomy m'a dit d'arrêter de réfléchir, ne plus penser à rien, et surtout vider mon esprit. Tais-toi, foutue conscience !

Mon bras se propulse, sans faire une seule pause, et aucune douleur ne se fait ressentir. Tomy me crie quelque chose que je n'entends pas, mais je crois que ce sont des recommandations.

- Ton poing droit, penche-le un peu plus vers la gauche, ajoute-t-il, et j'applique aussitôt son conseil.

J'enchaîne les coups, tous aussi différents les uns que les autres, et on me prend par les hanches pour me tirer en arrière.

- C'est fini. C'est cool. T'as bien aimé ? me demande Tomy.

Essoufflé, je tente de reprendre ma respiration, penché en avant et les mains posées sur les genoux. Une fois que mon corps s'est quelque peu refroidi, je me redresse, regarde autour de moi. D'autres jeunes aussi trempés de sueur que moi déchaînent tout ce qu'ils ont dans les sacs mis à disposition. Une quinzaine, je dirais.

- Ouais. C'était carrément super. Merci, Tomy, dis-je. Je peux rester encore un peu ?

- Bien. Tu es chez toi. Mais ne tarde pas trop. Tu vas avoir mal demain, si tu rentres tard.

- Ouais. Cool, lâché-je, sans vraiment prendre en compte la dernière phrase qu'il prononce.

Il me sourit, et la seconde d'après, son téléphone se met à sonner. Ne souhaitant pas écouter aux portes, mes yeux se tournent à nouveau vers la boule lourde qui n'attend que d'être frappée.

- James ? m'appelle le coach.

- Ouais ?

- Il y a quelqu'un pour toi à l'accueil... enfin, je crois qu'elle arrive, se corrige-t-il tout aussi vite, et j'aperçois une fine silhouette passer les portes de la salle de sport.

Mon regard s'illumine, et mon cœur gonfle dans ma poitrine, lorsqu'elle se dirige vers moi.

- Emy ! m'écrié-je, en marchant vers elle. Ça va ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu as eu un problème ? la questionné-je, en la prenant dans mes bras.

Je me retire quelques minutes plus tard, et elle me sourit timidement.

- En fait... je voulais te parler, lance-t-elle. Mais je vois que tu es occupé, alors on peut remettre ça à plus tard, il n'y a pas de problème, propose-t-elle, mais je refuse immédiatement.

- C'est donc toi la fameuse Emy ! s'exclame Tomy dans mon dos, et je lève les yeux au ciel en me disant que j'aurai dû emmener mon amie loin de lui, avant qu'il ne lui raconte toute ma vie. J'ai tellement entendu parler de toi ! J'ai l'impression de te connaître, c'est bizarre, lui dit-il.
Tu sais, James est un mec vraiment bien, et j'attendais le moment où il te présenterait à moi ! Maintenant, je comprends pourquoi. Tu es une belle jeune fille, ajoute-t-il, et le sourire qu'arborait ses lèvres auparavant s'agrandit.

Je retire mes gants, les pose à côté du sac, et mes doigts glissent le long du bras d'Emy, pour venir s'accrocher à son seul poignet lisse.

- Merci, Tomy. J'ai vraiment apprécié. On se revoit plus tard, déclaré-je, en en entraînant Emy vers la sortie.

Une fois arrivés dans le hall, près des vestiaires, je l'interroge sur ce qu'elle voulait me faire part.

- Je... promets-moi de pas t'énerver, ok ?

Je fronce les sourcils, et devine qu'elle a fait quelque chose que je n'aurai pas aimé qu'elle fasse. Ses yeux sont un peu plus verts que d'habitude, parce que le soleil s'y reflète.

- Ton père l'a réellement tuée. C'est lui qui a demandé aux services sociaux de te prendre en charge. Il ne voulait pas que tu vives seul, m'explique-t-elle.

Abasourdi, je ne sais que dire. Est-ce vraiment lui qui a fait venir cette fichue Maria Hugo ? Et comment Emy pourrait-elle être au courant ?

- Comment tu le sais ? lui demandé-je.

- Je... disons que j'ai rendu visite à ton père... murmure-t-elle en se mordant la lèvre inférieure, comme si elle avait peur de se faire engueuler.

- Quoi ? Tu as rendu visite à mon père ? répété-je. Comment t'as fait ? T'avais pas de permis !

- Je... la dame de l'accueil n'était pas très compliquée à persuader. Bref, ce n'est pas de ça que je voulais te parler. Ton père n'a pas fait exprès, James. Il aimait ta mère beaucoup plus que tu ne le penses. Il ne savait pas que ce serait sa femme qui se retrouverait en face de lui.

Mon sourire se décroche de ma mâchoire, se transforme en grimace.

- Ça ne change rien ! C'est de sa faute ! Tout est de sa putain de faute ! hurlé-je violemment, et cette fois, ce sont les émotions qui prennent le dessus.

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