La fraîcheur de la tombée de la nuit me caresse le visage, alors que je bascule soudain dans le monde des morts, dans le monde des milliers d'étoiles. Il fait de plus en plus sombre, et je peine à regarder où je marche, parmi les gravillons des allées.
Quand j'aperçois la tombe de mon meilleur ami, je m'assois devant elle. L'herbe humide effleure mes cuisses, et tout devient silencieux.
- Nath'... soufflé-je, et un petit nuage sort de ma bouche, lorsque je prononce son nom.
Mon poing se serre, alors qu'une vague de chagrin me ronge de nouveau.
- C'est bizarre sans toi, tu sais, murmuré-je. Je voudrais dire que c'est de ta faute, tout ça, mais ce serait mentir, parce que c'est de la mienne. J'aurai dû être là, j'aurai dû savoir que tu n'allais pas mieux, que t'allais forcément recommencer. Je suis désolé, Nath'.
Une brusque envie de frapper dans quelque chose m'oppresse et mes yeux louchent sur l'arbre, situé non-loin d'où je me trouve. Mais je me ravise.
- Dans une autre vie, je te dirais sûrement que tu n'es plus qu'une sombre image du passé, que je vais t'oublier et tourner la page. Peut-être même que je regretterai de t'avoir rencontré, qui sait, lancé-je, le regard tout à coup flou. Mais dans cette vie, jamais je ne te dirais ça. Je ne regrette rien, Nath'. Aucun de nos délires, de nos fou-rires, de nos conneries...
Un rire m'échappe à ses souvenirs.
- Aujourd'hui, il n'y aura plus tout ça. Et tu sais pourquoi je ne peux pas passer au-dessus de cette barrière ? Parce que tous ces putain de souvenirs, tu les as emportés avec toi ! hurlé-je. Tu te rends compte du mal que tu m'as fait ? Je t'aimais comme un frère, Nath', comme un putain de frère ! Tu étais ma deuxième moitié ! Et tu me l'as enlevée ! Et moi, je fais quoi, maintenant ? Hein ?
Ce jour-là, j'étais à la boxe, tu le savais, en plus, je t'avais prévenu. Quand je suis arrivé, tu... étais au sol, et... j'ai eu peur de te perdre une bonne fois pour toute.
Ce que tu n'as jamais compris, c'est que j'ai besoin de toi pour vivre, j'ai besoin de toi pour m'aimer. Tu m'avais promis qu'on ferait le tour du monde, et tout un tas d'autres trucs. Et où sont ces promesses, maintenant ? Envolées. Volatilisées. Parties avec toi.Je me remémore son enterrement, auquel je n'ai pas pu tenir, où je suis sortie alors que le prête n'avait pas commencé à parler. La douleur me broie les côtes, et ma main se brise dans les gravillons du chemin. Les étoiles me sourient, me disent que tout ira bien, et c'est bien la première fois que je ne suis pas d'accord avec elles.
- C'est toujours le même bordel dans ma vie, tu sais. Je crois que c'est même encore pire aujourd'hui, sans toi. Mon père qui est en prison, ma mère qui... Tomy, mes cauchemars, et cette putain d'assistante sociale qui veut me caser en famille d'accueil, puis toi...
Je ne sais pas si je m'en sortirai, Nath'. C'est vraiment dur, de vivre sans quelqu'un que tu aimes plus qu'un ami. Un frère. Si tu étais encore là, je n'aurai eu aucune hésitation. J'ai pensé plusieurs fois à faire comme toi, mais je me suis dit que ce serait beaucoup trop simple, déclaré-je. Tu étais trop jeune pour mourir. Excuse-moi.J'essuie mes larmes avec la manche de mon sweat, alors que la lune pose sa lumière sur nous.
- J'ai rencontré une fille. Enfin, on ne se connaît pas vraiment. C'est peut-être bizarre, mais quand je l'ai vue, j'ai tout de suite remarqué qu'elle avait un tas de problèmes. Elle m'intrigue, j'ai envie de l'aider. J'espère la revoir. Tu l'aurais bien aimée, je pense. Elle te ressemble beaucoup, j'ai l'impression. Je n'ai pas envie que... qu'elle se suicide. Personne ne mérite ça, Nath'. Pas toi. Tu aurais dû vivre.
Des nuages passent devant la lune, me plongeant dans l'obscurité nocturne.
- Tu me manques.
Un frisson me parcourt l'échine, et je sens un poids se poser sur mes épaules.
- James ? Que fais-tu ici, si tard ?
Je ferme les yeux en reconnaissant Tomy, mon coach de boxe.
- J'avais besoin de parler, répondis-je.
- Donc tu te tapes la discut' avec un inconnu ? me demande-t-il.
La main de Tomy se pose sur mon épaule, mais j'ai plus la sensation qu'elle m'écrase, et se resserre autour, tel un serpent avec sa proie.
- Exactement, dis-je, en me levant. Je vais rentrer.
- Hé. Je suis là si tu as besoin.
- Oui, je sais. Merci Tomy, le remercié-je en souriant.
Après lui avoir rendu sa veste, je quitte Nath' et le cimetière. La colère me prend soudain à la gorge, et j'ai une envie meurtrière de crier sur mon meilleur ami, de lâcher toutes les bombes que je n'ai pas encore larguées.
La première chose qui se retrouve dans ma main, quand j'entre chez moi, c'est un verre de Whiskey. J'espère que ce dernier pourra vite m'endormir, et noyer mes douleurs. Quelques minutes plus tard, je m'écroule dans mon lit.
- Maman ?
Une forme blanche apparaît devant moi, et je me demande, pendant quelques secondes, si ce n'est pas la dame blanche. Mais serait-ce vraiment elle, si elle avait les traits du visage de ma mère ? Non, impossible.
- Mon chéri... je t'aime.
Elle se rapproche de moi, en souriant, et tend sa main vers la mienne.
- Maman... soufflé-je, les yeux brillants de larmes, parce que ceci ne peut pas être réel.
Et alors que nos mains vont se toucher, un brusque vent frais s'empare de sa silhouette, et elle disparaît parmi les nuages, le visage effrayé.
- Maman ! m'écrié-je.
J'ouvre les yeux d'un coup, dans un retour à la réalité.
Ce n'était qu'un cauchemar de plus, rien d'autre, me dis-je, et pourtant, je sais très bien que cela va me trotter dans la tête pendant plusieurs jours.
Parce que les cauchemars sont le reflet de nos peurs. Et j'ai toujours eu peur que ma mère disparaisse. Même lorsqu'elle était encore présente auprès de moi.
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Prends ma main
Roman pour AdolescentsUne déchirure. Des cicatrices. Des blessures. Une fille. Un garçon. Une rencontre. Une amitié. Des pleurs. De la peur. Un sourire. Un clin d'œil. Un baiser. "Prends ma main. Et ne la lâche plus." ⚠ Présence de scènes pouvant heurter la sen...