Chapitre 7 - Emy

32 9 30
                                    

Mon crayon à papier effleure à peine la feuille sur laquelle je dessine, et une fleur fait surface. Une rose, je dirais. Seul le bruit du crayon frottant la page plus aussi blanche que tout à l'heure, résonne dans ma petite chambre.

- Paul !

Je soupire brusquement, en posant mon crayon sur mon bureau. Une dispute flotte dans l'air. J'entends les pas de mon père se rapprocher de la salle de bain, où ma mère l'a appelé, et je descends doucement les marches, pour écouter leur conversation.

- Tu ne pouvais pas laver la douche ? Tu vois bien qu'elle est sale, non ?

- Je préparais la lessive, je ne peux pas tout faire en même temps ! répond mon paternel à ma génitrice.

- Ah oui ? Et quand tu es au téléphone et que tu prépares à manger, ce n'est pas pareil, c'est ça ? réplique ma mère, et je pourrais presque la voir le fusiller du regard.

- Exactement. Mais tu ne peux pas comprendre, puisque tu ne fais jamais rien, ici, lâche mon père.

- Mais, tu t'entends parler ? Je ne fais jamais rien ? Vraiment ? Tu es...

- C'est qui, qui travaille le soir, pour finir au milieu de la nuit ? T'es jamais là pour les enfants, jamais ! la coupe mon père. Tu ne peux rien faire puisque tu n'es pas là. Quand tu reviens, c'est pour regarder la télévision, ou pour dormir. Tu travailles même le dimanche, putain ! Tu t'en rends compte, j'espère !?

Je suis surprise que ma mère ne trouve rien à répondre, elle qui est toujours sur la défensive.

- Oui. Je sais. Mais c'est moi qui ramène l'argent, ici. Sans ça, vous ne mangeriez rien, lance doucement ma mère, parce que je sais très bien qu'elle a peur que mon frère ne descende.

- Dis que j'ai un salaire de merde, tant que tu y es, marmonne mon père dans sa barbe.

Je tente un regard dans la pièce où ils se disputent, et croise malencontreusement le regard de ma mère.

- Que fais-tu ici ? me demande-t-elle.

- Je venais chercher un paquet de mouchoirs, répondis-je, trouvant ce mensonge à la dernière minute.

- Dépêche-toi, me presse-t-elle, et un silence prend place entre nos trois corps.

Le paquet de mouchoirs dans la main, je quitte la pièce, sans un regard pour eux, et monte les escaliers, pour m'enfermer dans ma chambre.

Assise à mon bureau, le crayon dans la main, et la feuille sur un carton protégeant le bureau, j'essaie de calmer ma colère. Pourquoi faut-il toujours qu'ils se cherchent ?

Les traits de crayon se font de plus en plus appuyés, de plus en plus foncés, et de plus en plus précis. Pourtant, dans ma tête, tout est en bazar, comme si la guerre entre mes parents avait déteinte entre mes pensées.

Je prends sur moi, pour ne pas que les multiples émotions qui se sont emparées de mon esprit ne me fassent perdre pied, mais je n'y arrive pas. Elles me font souffrir, elles me prennent entre leurs griffes, et me font plus de mal que mes propres parents ne pourraient le faire.

Les larmes brouillent ma vue, et bientôt, je ne pense plus qu'à une seule chose.

Où est mon cutter ?

Coincé dans mon pot de crayon de couleurs, il atterrit entre mes doigts, et quand je dégage la lame de sa protection, une sensation de douleur me traverse. Mais la douleur que je ressens, n'est rien, comparée à celle qui me tranche le cœur en deux.

J'ai tellement mal, que je ne suis même plus complètement consciente de ce que je fais. La lame de cutter passe sur mon poignet, encore abîmé par les anciennes coupures, et des larmes de sang se mélangent avec les larmes salées qui coulent le long de mes joues.

J'ai mal. Vraiment mal. Au poignet comme au cœur. Personne ne pourrait me faire encore plus de mal. J'appuie la lame de plus en plus fortement, sur mon poignet, voulant noyer la douleur qui me rend folle. Et ça empire. Le sang ne fait que couler, et je tente d'étouffer mes sanglots, pour que personne ne se rende compte à quel point je me sens mal.

Je rouvre les anciennes cicatrices, laissant place à des nouvelles, qui ne se refermeront pas tout de suite. Encore trop fraîches, pour pouvoir se fermer à jamais.

La lame tranche ma peau, laissant apparaître le sang rouge, qui rend ma vue encore plus floue.

Trop de sang, trop de larmes, trop de douleur...

J'essuie brusquement mes larmes à l'aide de ma manche, mais je vois le sang tâcher cette dernière.

Après m'être légèrement calmée, je retire la bande blanche qui recouvre le haut de mon bras, et me réfugie dans les toilettes, pour nettoyer mon poignet.

Josh.

Je noie les pleurs qui menacent de recommencer, quand je pense à mon ancien meilleur ami. Lui aurait su quoi me dire, où me trouver, quoi faire, tout simplement. Mais il n'est plus là.

L'eau qui coule sur mon bras me pique un peu, où les récentes cicatrices font déjà surface, mais pourtant, je ne ressens même pas cette souffrance.

J'ai beau continuer de nettoyer, en attendant que les plaies se referment, le sang continue de naître.

Un soupir quitte mes lèvres, et je m'assoie sur la cuvette des toilettes, laissant l'eau glisser sur mon bras, qui se tâche à nouveau de sang frais.

Au loin, j'entends la dispute de mes parents s'amplifier, mon frère les rejoindre. Je sens encore mon meilleur ami me toucher la cuisse, se rapprocher de moi pour m'embrasser. J'écoute encore la voix de mon père m'annoncer le décès de ma grand-mère.

Quand je me sens perdre la tête, tout devient brouillé devant moi. Je comprends trop tard, que je perds trop de sang, et je me dépêche maladroitement, d'enrouler la bande blanche autour de mon poignet rouge.

Je cache ce dernier dans la poche de mon sweat, et retourne rapidement dans ma chambre.

Et ce n'est que plus tard, dans la soirée, que le sang s'arrête enfin.

---

j'avais envie de dire un truc mais je sais plus
bref, merci infiniment, j'espère que cette histoire vous plaît ^^

Prends ma mainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant