Chapitre 19 - Emy

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Je souris, à l'entente des pas nonchalants du garçon avec qui je partage désormais quelques unes de mes insomnies.

- T'es toujours planquée ici, hein ? me murmure son léger timbre de voix.

Dans un élan de réconfort, nos mains se trouvent, alors qu'il se baisse à ma hauteur, et qu'il s'assoit près de moi.

- Je crois bien que oui, rié-je.

Nos dos se retrouvent doucement plaqués dans l'herbe fraîche de soirée, et nos yeux touchent les étoiles. Nous restons quelques minutes comme ça, dans le silence, puis ma voix se décide à briser ce dernier, sans vraiment réfléchir à ce que je dis.

- Si tu voulais mourir, tu voudrais que ce soit de quelle manière ?

Sa respiration régulière parvient à mes oreilles, et je sens qu'il resserre ses doigts autour des miens.

- Je ne suis pas certain de vouloir mettre fin à mes jours, répond-il à voix basse, comme s'il avait peur de réveiller quelqu'un.

Je tourne la tête vers lui, et m'aperçois qu'il a fermé les yeux. Quelques cheveux retombent sur son front, il semble tellement apaisé. Je détourne le regard.

- Je pense que je me jetterai du haut de la falaise, avoué-je, cette fois-ci, en fermant mes paupières.

- Tu ne sais pas nager ? me demande-t-il.

- Non, soupiré-je. Je... j'ai toujours été un peu effrayée par l'eau.

- Pourquoi ?

- Je ne mène pas une vie de princesse, soufflé-je, en me disant qu'elles ne vivent pas parfaitement non plus.

- Non, j'imagine. Mais tu sais, personne n'en vit une. On a qu'une vie, il faut en profiter.

Quand ses pupilles claires plongent dans les miennes, je n'y vois qu'une pointe de tristesse.

- Toi-même, tu n'y crois pas, soupiré-je, en retirant ma main de la sienne.

- On a tous nos problèmes, tu sais. Il faut simplement chercher la bonne solution, déclare-t-il, en soufflant brusquement.

James se redresse, s'appuie sur ses coudes, et je m'accroche au ciel étoilé, comme à une bouée de sauvetage.

- Je vais te dire un truc. Ça peut paraître un peu con, surtout à mon âge, mais... j'ai encore peur du noir, de m'endormir dans le noir complet. Et si je le fais... disons que je fais pas mal de cauchemars.

Il me jette un coup d'œil, et reprend.

- Je n'ai pas encore trouvé la solution de ce problème. Mais je sais que la découvrirai un jour ou l'autre.
Pour l'instant, regarder les étoiles en ta compagnie me convient très bien, me sourit-il, et j'ai la conviction que son sourire est vrai.

- Les étoiles sont le meilleur médicament contre la souffrance, chuchoté-je.

- Je sais bien. T'as vu la Grande Ourse ? Lorsque je la regarde, je me dis qu'elle est vachement grande, quand même.

- Oui, rigolé-je, on voit presque la voie lactée aussi, ajouté-je.

- Ouais, on la voit carrément. L'étoile polaire brille beaucoup.

Je le vois sourire, ce sourire qui lui bouffe le visage, montrant ses petites fossettes, et je crois comprendre l'importance que les étoiles ont pour lui. Parce qu'elles lui redonnent envie de vivre.

Mes yeux retournent se noyer parmi les petits points blancs au-dessus de nos têtes.

- Où ça ? demandé-je, en fronçant les sourcils.

Il se rapproche de moi lentement et tend le doigt vers une étoile qui semble éclairer bien plus que toutes les autres qui ornent le ciel.

- Là. Tu veux du chocolat ?

Ce brusque changement de contexte me fait sourire, et j'accepte avec plaisir. Il sort une tablette de son sac.

- Tiens, me tend-il plusieurs carrés.

Ces derniers fondent sur ma langue, et un goût exquis s'empare de toute ma bouche.

- J'adore le chocolat, me confie-t-il, après avoir terminé de manger ce dernier.

- Je crois que moi aussi, affirmé-je.

Un silence plane entre nous, et je décide de me lever pour aller voir le petit lac du parc de plus près, juste en face de nous. En m'appuyant sur mon bras, je laisse mes jambes se mettre verticalement au sol, et maladroite, je titube, en grimaçant suite aux douleurs que j'ai ressenties sur mon bras. Mes cicatrices se sont sans aucun doute ré-ouvertes.

- Ça va ? me questionne James, et je hoche la tête en lui offrant un sourire forcé.

- Je viens juste de me rappeler de quelque chose, ne t'inquiète pas, mentis-je.

Je le vois plisser les yeux, et je comprends qu'il ne me croie pas.

- Je ne veux pas que tu meures, lancé-je soudain.

Ses yeux s'agrandissent de stupeur, quand je prononce ces mots.

- Je... je n'ai pas prévu de mourir, articule-t-il.

Je secoue la tête et me retourne.

- J'espère.

Les bruissements des feuilles causés par le vent, atteignent mes oreilles, et je respire profondément, profitant de cet instant que seule la nuit peut procurer.

- James ? appellé-je.

- Ouais ?

- Est-ce que ça te ferait quelque chose, si je mourrais ? Je veux dire, on ne se connaît pas trop, lâché-je.

Je l'entends s'approcher dans mon dos.

- Bien sûr. Je n'aurai plus personne avec qui regarder les étoiles, à qui offrir du chocolat, à confier mes peines, mes...

- Tu n'as pas d'amis ? le coupé-je.

Son regard s'assombrit tout à coup.

- Si, mais... c'est différent.

Ne voulant pas insister, je me tais, même si cela m'intrigue. Pourquoi me partage-t-il tout ça, et ne le fait pas avec ses amis, qui doivent sûrement le connaître mieux que moi ?

- Je ne te laisserai pas mourir, Emy.

Je sursaute lorsqu'il prononce cette phrase. A-t-il deviné ? Non, c'est impossible !

Ses doigts se posent sur mon épaule droite, et je me tourne vers lui. Ses iris brillent, et pendant quelques secondes, je me dis qu'il ressemble à un loup. Sauf qu'un loup ne pleure pas.

Quand je vois les larmes dévaler ses joues, comme une cascade sur une montagne le ferait, je me dis que l'on aurait jamais dû se rencontrer. Parce que je lui fais déjà du mal.

J'essuie ses larmes en retenant les miennes. Nos regards brouillés s'accrochent.

- Ne pleure plus, soufflé-je.

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ça va chez vous ? faîtes attention hein

sinon j'suis en train d'écrire une autre histoire :)

bisouuux

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