Chapitre 24 - James

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Le direct que je viens de lancer au sac le fait trembler. Mon poing avant me fait mal, mais j'ignore la douleur. Comme si ce coup ne suffit pas, ma souffrance déclenche un direct court dans celui qui me sert d'adversaire imaginaire. Mon coude se place, et violemment, mon poing se propulse en face de moi. Ma douleur ne cesse jamais, et je crois que je pourrais passer toutes mes journées dans la salle de sport.

Je me prépare à lâcher un crochet, mais quelqu'un se place devant moi, et je reconnais immédiatement mon coach.

- T'es fou ?! m'écrié-je, furieux qu'il m'interrompe.

Son regard se durcit soudainement, et une lueur colérique y fait son passage.

- Arrête-toi, James. Fais une pause. Respire, juste deux minutes. Remets tes gants à leur place, déclare-t-il doucement, presque avec un ton paternel.

Alors que je m'attends à ce que mon envie de frapper double de volume, je me retrouve deux minutes plus tard, parfaitement calme, les gants à moitié détachés dans les mains.

Merde, je deviens complètement dingue, je déraille carrément, pensé-je.

- Tu vas bien ? me demande Tomy en plissant les yeux.

Je hoche la tête, ayant tout à coup les larmes aux yeux, et un besoin d'évacuer mes émotions autrement que par la boxe.

Après un rapide au revoir d'un mouvement de tête à Tomy, je quitte la salle de sport, sous la pluie tambourinante. Je marche plus vite que d'habitude, la sueur sur mon visage et dans mon cou qui se mélangent à l'eau de pluie.

Il n'y a aucune étoile, ce soir, lorsque je regarde le ciel nuageux. Je me demande bien ce que peut faire Emy. Est-elle quand même allée au parc ? M'attend-elle ? J'espère que la réponse aux deux questions est négative.

J'ai à peine refermé la porte ouvrant ma maison, que la sonnette retentit, et me fait sursauter de surprise. Je fronce les sourcils. Qui peut bien sonner si tard que cela ? Je n'ai pourtant invité personne.

Ma main abaisse la poignée une nouvelle fois, et je souffle brusquement en reconnaissant cette chieuse de Maria Hugo.

- Maria Hugo, des services sociaux, se présente-t-elle, et j'ai envie de lui envoyer mon poing dans sa putain de tronche.

- Je sais. Vous avez toujours la même tête, répliqué-je en la fusillant du regard.

- Pourquoi es-tu dans un si mauvais état ? me questionne-t-elle, les bras croisés sur sa petite poitrine.

- Mais qu'est-ce que ça peut bien vous foutre ? Laissez-moi vivre tranquille, merde, alors !

Je repasse mon état physique dans ma tête pendant quelques secondes : en tee-shirt et short de sport, trempé par la pluie et dégoulinant de sueur. Je ne fais pas une très bonne impression, c'est vrai. Mais de quoi se mêle-t-elle ?

- Je dois savoir quelles sont vos activités extérieures, déclare-t-elle, comme si cela justifiait le fait qu'elle s'impose dans ma vie privée.

- Vous rêvez trop, Maria, soupiré-je.

- Au contraire, tu ferais mieux de me le dire. Parce que si je ne parviens pas à obtenir toutes les informations nécessaires, une autre personne de mon service te sera attribuée. Et crois-moi, je suis celle qui est la plus patiente, explique-t-elle en souriant.

- Dans ce cas, j'attendrais que votre patience soit à bout, grogné-je.

Elle souffle, et je vois qu'elle fait tout pour ne pas laisser la colère parler à sa place.

- Écoute, James. Tu étais à la boxe, c'est ça ? Tu n'avais pas de veste, alors qu'il pleut. Es-tu inconscient à ce point ? Il fait nuit, en plus. Je sais que ce n'est pas simple, de vivre comme tu l'es. Je sais que tu as des excès de colère que tu ne maîtrises pas...

- Vous ne savez rien du tout ! hurlé-je en la coupant.

Comment a-t-elle pu deviner tout ça ? Soudain, je la détaille. Son carré brun renferme son visage aux traits fins, qui lui donnent un air sévère. Dans ses yeux, je lis...

- Vous m'avez espionné, murmuré-je. Vous êtes une stalkeuse, en fait ! Je ne savais pas que les services sociaux fonctionnaient comme ça, ironisé-je d'un ton qui a pour effet de faire grimper la température de ma colère.

- Je n'ai pas eu le choix, James. Tu ne voulais rien me dire, m'avoue-t-elle, et je m'insulte de tous les noms pour n'avoir rien vu.

- Partez, lancé-je, en baissant les yeux pour m'empêcher d'exploser.

Comme elle ne bouge pas d'un poil, et n'articule pas une seule parole, je me sens bouillir de plus en plus à l'intérieur de moi.

- Cassez-vous, putain ! m'exclamé-je violemment.

- Je n'ai pas terminé. En réalité, je suis venue t'annoncer une mauvaise nouvelle. La détention de ton père est prolongée, me dit-elle comme si c'était grave.

- Pourquoi ? l'interrogé-je, la voix tremblante.

- Je l'ignore, lâche-t-elle, et pourtant son œil gauche cille.

- Vous mentez ! crié-je, puis je me reprends doucement. Dites-moi la vérité, ajouté-je, presque en la suppliant du regard.

- Non. Je suis désolée. Ce n'est pas mon rôle, s'excuse-t-elle.

- Mais votre rôle de quoi !? La vie n'est pas un putain de jeu ! m'écrié-je, quand je la vois pincer les lèvres et secouer la tête.

- Calme-toi, c'est inutile, ce que tu fais. Bon, un dernier point. Concernant ta prochaine famille d'accueil. Il y en a deux qui seraient prêtes à t'accorder leur confiance.

- Vous n'avez rien compris, soufflé-je. Je ne veux pas aller en famille d'accueil. J'ai bientôt dix-huit ans ! Ça ne sert à rien !

- Je t'ai déjà expliqué les raisons. Ne m'oblige pas à me répéter. Donc, je te donne le numéro de la première famille, pour organiser la rencontre. Ensuite, s'ils refusent de te garder en tant qu'enfant, une autre rencontre aura lieu. Par contre s'ils acceptent, il faudra faire un mois d'essai, et après, tu nous donneras tes impressions, m'annonce-t-elle.

- Je vous arrête, marmonné-je. Je ne vivrai rien de tout ça.

Le papier qu'elle m'a tendu avec le numéro de la famille termine en miettes à la poubelle.

- Pour la dernière fois, ne venez plus jamais mettre les pieds ici. Sinon, j'appelle les flics, la menacé-je.

Un petit sourire narquois sur les lèvres, elle fait volte-face. Et je m'effondre le long de ma porte, en me demandant quand est-ce que les larmes en auront marre de moi.

Prends ma mainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant