Chapitre 26 - James

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- Salut, marmonné-je, le regard bas.

- James ! Ça va ?

- Ouais, comme d'hab ! répondis-je. Et toi ?

- Nickel. Mais les repas sont dégueulasses, ici. Je ne te souhaite pas de rester y manger.

- Je n'en avais pas l'intention, rétorqué-je.

- Ah, lâche-t-il, sûrement déçu. Tu sais, j'ai envie que l'on reparte sur de bonnes bases, ajoute-t-il.

- Je sais. Moi aussi.

- Si je pouvais te prendre dans mes bras, je le ferai sans aucune hésitation, dit-il, et son regard me duperait presque, mais je ne suis pas de cette partie-là.

- Ouais... Et sinon, les mecs sont sympa, ici ? demandé-je, pour changer de sujet.

Un sourire pour lui en guise de réponse, et un hochement de tête de ma part pour me dire qu'il doit aimer vivre dans cette prison.

Il se rassoit correctement, et reprend un air faussement sérieux.

- Tu as trouvé une fille ? me questionne-t-il.

Un court flash d'une nuit passée avec Emy hante mon esprit pendant quelques secondes. Mais même si c'est mon père, jamais je ne lui dirais un truc pareil. Et en aucun cas je n'aime Emy en termes d'amour. Ce n'est qu'une amie de la nuit.

- Non, déclaré-je.

Un sourire fend son visage.

- Menteur ! Allez, raconte-moi.

- Je n'ai rencontré personne, parlé-je d'un ton sec.

- Très bien. Ce n'est pas comme cela que nous allons reconstruire notre relation, James, pas en refusant de te confier, dit-il.

- Il n'y a rien à reconstruire. Parce qu'il n'y a jamais rien eu.

Un éclair de tristesse passe dans ses yeux, et il me regarde avec incompréhension.

- Tu es peut-être mon père, mais j'ai pas l'impression que tu l'es réellement, m'expliqué-je. En ce moment, il y a une assistante sociale qui veut me foutre en famille d'accueil ! Et l'autre jour, elle m'a même dit que ton emprisonnement était prolongé ! Et tu sais quoi ? Le pire, dans tout ça, c'est que je ne sais même pas pourquoi. Je ne sais rien, et ça me rend complètement dingue, putain ! m'écrié-je. Je ne connais pas la raison du "pourquoi tu es ici ? Qu'as-tu fait de si grave pour finir en taule ?" Et encore moins pourquoi ta prison va durer plus longtemps que prévu ! Pourquoi cette assistante sociale ?! Je suis paumé, merde ! Alors, explique-moi. S'il te plaît, le supplié-je presque.

Ses cheveux grisonnants sur les côtés me rappellent son âge et sa maturité, malgré le fait qu'il continue d'agir comme un gamin. Mes yeux sont un peu plus clairs que les siens, et son visage est déjà marqué par plusieurs rides.

- Je...

Le ventre et la tête remplis d'espoir, j'attends avec impatience la fin de sa phrase. Vais-je enfin savoir la vérité ? Pouvoir assembler le bout du puzzle qu'il me manque ?

- Je suis désolé. Mais je ne peux pas, souffle-t-il, et lorsqu'il relève la tête, de grosses larmes perlent sur ses cils. Si tu le sais, tu souffriras. Ce n'est pas ce que je veux pour mon fils.

- La vérité finit toujours par arriver. Tôt ou tard. Et plus il est tard, plus il est difficile de s'en remettre, insisté-je. Dis-moi.

- Non. C'est terminé. À bientôt, James.

Je ne le vois pas partir, aveuglé par mes propres larmes. Je suis incapable de produire le moindre mouvement. Pourquoi ne cesse-t-il pas de lutter ? Pourquoi n'a-t-il rien dit quand je lui ai parlé de l'assistante sociale ? Était-il au courant ?

Toutes ces questions sans réponse se baladent dans ma tête, et leur point d'interrogation flotte en continu dans mon esprit.

- Je dénicherai la putain de réponse, chuchoté-je, pour que personne ne puisse m'entendre.

Après avoir récupéré mes affaires, et être sorti des portes de la prison, je décide de rentrer chez moi. Lorsque j'aperçois le post-il sur ma porte d'entrée, je ne peux empêcher la colère de me maîtriser.

<< Je reviendrai encore et encore. Ici le numéro de la famille qui veut bien t'accepter.
Maria Hugo, services sociaux. >>

Je lui avais pourtant dit de ne pas remettre les pieds sur ma propriété ! Furieux, et voyant que la nuit est presque tombée, j'attrape le papier, le mets à la poubelle, et vais au parc.

Le cœur en miettes, je m'effondre contre Emy, qui je crois, est à peine surprise de me voir dans cet état. Elle me laisse craquer durant quelques minutes, et reprend le contrôle du silence.

- Hé, James, c'est moi. Respire, murmure-t-elle à mon oreille.

Mes mains se perdent dans ses cheveux, s'y réfugient, et je voudrais rester comme ça, accroché à elle pour toujours. Mais le destin est un connard et il ne changera pas.

Les bras d'Emy autour de mon corps me rassurent bien plus que la propre présence de mon père. A-t-il raison à propos d'Emy ? Suis-je vraiment amoureux ?

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Quand elle me pose cette question, je déballe mon sac, la boule au ventre, et l'angoisse me bouffant la gorge. Je lui raconte la prison de mon père sous son regard concentré, les allées et venues de l'assistante sociale, et la souffrance que je ressens à chaque fois que ma mère se place dans mes pensées. Et tout ce que je vois dans son regard, c'est exactement la même douleur que je ressens.

- Je crois que je suis déjà mort, soufflé-je dans sa chevelure, et je ne suis pas sûr qu'elle m'entende.

- Je suis là, d'accord ? Je suis toujours là.

- Emy ?

- Oui ?

- Comment tu fais ? lui demandé-je doucement.

- Je fais avec, James. J'ai pas le choix, tu sais.

Les étoiles brillent au-dessus de nous, reflétant toute leur beauté. La voie lactée est même présente, parce que le ciel est plutôt dégagé. Et je me rends compte qu'il n'y a qu'ici, dans ses bras, que je me sens vraiment bien. Mes larmes cessent de se reproduire.

- Tu penses qu'on aura plus envie de pleurer, un jour ? m'interroge Emy.

- Ça viendra sûrement avec le temps, lui répondis-je, complètement douteux sur le sens de cette phrase.

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vous allez bien ?

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