Je suis arrivée il y a cinq minutes, je n'ai pas l'envi de descendre. Il va bien falloir, les deux chevaux dans le camion n'ont pas l'air d'accord avec mon choix de rester ici à se cacher.
Je descends et tombe sur un jeune avec une fourche. Je l'interpelle et lui demande où je peux trouver Lubin. Il l'appelle directement et deux minutes après le concerné arrive. Il s'approche de moi et me fait la bise. Je reste stoïque et il s'en rend compte. Il fait abstraction et commence à baisser le pont du camion. Je me dépêche de me mettre à la tête et détache les deux équidés.
- Le cavalier du poney n'est pas là, ça ne te dérange pas de l'emmener au paddock avec Izée et moi?
- Non pas de soucis, répondis-je avec un sourire forcé.
Je reprends la longe du poney et on marche dans le plus grand des silences. On les lâche et que le chemin du retour je regarde autour de moi. L'écurie est magnifique.
- Je te fais visiter ?
Je hoche la tête et il m'emmène dans tous les recoins des écuries. C'est vraiment un super cadre. Je comprends pourquoi il est si bien ici. Le calme règne tout comme la verdure. Il m'explique qu'il aura presque trop de prés par rapport à son nombre de chevaux et de box et que donc il veut faire son propre foin dessus. Il me parle des différents projets qu'il a pour développer les écuries, pour les moderniser et pour ce faire encore un peu plus un nom de ce grand monde qu'est l'équitation.
- J'ai vu que tu as fait la demande pour le CSIO.
- Ouais, on verra bien.
- Vu tes résultats réguliers ça devrait le faire je pense.
Je hausse les épaules. C'est le coach qui parle et je n'aime pas forcément ça. Ce n'est plus son rôle et je pense qu'il a du mal à l'oublier vu certains commentaires qu'il a pu me faire. Il me paie un café et on se pose sur la petite terrasse devant la salle de club.
- Tu vises les JO dans un an?
Je hoche la tête. C'est notre objectif et je ferais tout pour y arriver. Nous avons travaillé dur et nous sommes presque prêt. L'année qu'il nous reste nous permettra de l'être totalement. Il ne restera plus que les sélections.
- Je te souhaite d'y arriver. Maintenant que tu es lancé, ce serait bête d'en rester là.
- Et toi? Tu ne vises pas plus haut?
- Je dois me trouver un cheval.
C'est vrai qu'il n'a jamais vraiment sorti de cheval sur ces hauteurs. Il en a eu un durant six mois mais son propriétaire a trouvé mieux de ce que je comprends. Il m'avoue qu'il n'a jamais vraiment pris le temps de chercher et il me promet d'en trouver un.
- Tu as intérêt à trouver vite, j'aimerai bien te mettre une raclé le plus vite possible.
- Rêve, c'est bien de rêver.
- Je ne rêve pas, je suis réaliste.
- C'est ce qu'on verra.
Pour la première fois depuis notre rupture, la discussion est légère. On ne fait pas de sous-entendus par rapport à avant et aucun de nous deux n'est amer avec l'autre. Ça fait du bien, je ne sais pas si je souhaite que ça reste comme ça puisque j'ai bien conscience ce qu'il reste entre nous; mais c'est vrai que c'est agréable.
Il y aura sûrement toujours un truc entre nous, mais nous allons devoir passer au dessus. Je pense que ce ne sera pas là dernière fois qu'on se verra pour le travail; on se verra forcément en concours et même si j'évite ce genre de soirée; nous avons des amis en commun. Manon souffre pas mal de ça, on ne se voit presque plus en dehors du travail, nos rendez-vous ont bien une teinte amicale, ce n'est définitivement pas la même chose. Nous n'avons même plus le temps de se voir en dehors sauf en soirée. Soirée que bien évidement j'évite puisqu'il y est. Ce manque de soirée où je pouvais me rendre m'a aussi permis de me concentrer à fond sur le cheval. On peut dire qu'est me c'est un mal pour un bien.
- Je vais y aller, soufflais-je.
Il semble surpris que j'annonce mon départ mais il se reprend vite et hoche la tête. Il me raccompagne jusqu'au parking. Je vérifie que tout soit bien fermé et j'ouvre la porte côté conducteur.
- Merci d'avoir accepté de faire le transport, je ne sais pas quand est-ce que j'aurais trouvé le temps de faire l'aller-retour.
- Y'a pas de soucis, j'ai pu voir mon père au passage.
- Il va bien?
Je baisse la tête me retenant de l'envoyer balader. Depuis son départ et notre séparation, il n'a jamais pris de ses nouvelles; pourtant ils sont restés en bon terme. Je sais que mon père en a pas mal souffert et que même s'il a du mal à l'admettre son ancien apprenti lui manque un peu.
- Il fatigue un peu par moment mais autrement ça va. Il faudrait que je vienne plus souvent le voir, admettais-je.
Un blanc s'installe et je monte sur la première manche du camion avant de m'assoir. J'allais fermer la porte mais il monte à son tours sur cette marche et sans que j'ai le temps de réagir m'embrasse mais joue gauche.
- Fais attention à toi, ajoute-t-il avant de descendre et de fermer la porte.
Je démarre et pars comme si de rien n'était. Je roule une bonne demi-heure avant de m'arrêter manger. Bordel, pourquoi il fait ça? Pourquoi je me sens comme ça? Je ne sais pas ce qu'il tente de faire, mais je ne suis pas sure que ce soit raisonnable. J'avais enfin trouvé un équilibre dans ma vie et le fait qu'il revienne doucement dans ma vie chamboule tout.
Comme depuis toujours, quand je suis perdue je téléphone à Sacha. Il ne semble pas super confiant lui aussi; ce qui me rassure encore moins.
- Je vais être franc avec toi, ça pue cette histoire. Je ne sais pas ce qu'il cherche mais peu importe l'issus quelqu'un finira blessé. Pour moi vous n'êtes jamais vraiment passé à autre chose donc là bah il te teste.
- Il sait que je suis avec Valentin.
- Tu crois vraiment qu'il en a quelque chose à faire? Je pense que tu ne t'en ai jamais rendu compte, mais quand il s'agit de toi, il est prêt à tout tellement il est attaché à toi.
- C'est à dire?
- J'avais promis de fermer ma gueule mais par exemple à Lamotte y'a quatre ans, ils ont eu une violente dispute. Lubin a peté un câble et heureusement qu'avec Enzo on était pas loin sinon un des deux auraient fini à l'hôpital. Si Valentin paraissait si calme le soir où Lubin et toi vous êtes mis ensembles, c'est juste parce que une heure plus tôt il s'est pris une soufflante. Je ne te dis pas qu'il est dangereux et qu'il ne faut pas le fréquenter, mais je pense que là dessus vous êtes pareil.
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- Les envies de meurtres que tu as toujours eu quand il est avec Lola ou même Daphnée.
- Mais bien sûr, soufflais-je.
angelicalabresse
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