Chapitre 42

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Il y a dix-sept ans... Le laboratoire du docteur Vegapunk, Marijoa.

Les trois enfants aux sourcils n'étaient pas des adversaires faciles à vaincre. Rapidité, force, endurance, ils excellaient dans l'art du combat. Durant plusieurs jours, nous nous affrontâmes sans relâche pour savoir qui était le meilleur. Parfois, nous nous battions en un contre un, des fois, ils se lançaient tous contre moi, mais jamais le vainqueur n'était décidé. Le premier combat s'était conclu par un K.O collectif. Ils enrageaient de ne pas pouvoir me dominer, sûrement avaient-ils l'habitude de gagner sans effort. Au contraire, je n'étais pas frustrée ni en colère. Un sentiment que je n'avais jamais connu m'envahissait chaque fois que je me levais pour me rendre à la salle d'entraînement, sachant qu'ils m'y attendraient. Un sentiment... léger et enivrant. J'ignorais ce que c'était... Je ne me sentais pas malade pourtant. Le jour où Vinsmoke Judge décida que le test avait suffisamment duré, je compris quel était ce sentiment. Du jour au lendemain, la flotte du Germa 66 quitta le laboratoire pour reprendre la mer. Les garçons avaient disparu. J'étais de nouveau... seule. Le sentiment léger disparut pour ne laisser qu'une pierre énorme pesant sur mon cœur. Seule. Je vois... C'était donc ce que j'avais toujours ressenti jusqu'à présent. La solitude.

Parfois, quand je fermais les yeux, des images me venaient. Je voyais le monde en dehors du laboratoire. Pourtant, je n'y avais jamais mis les pieds. Tout ce que je connaissais, c'était ma petite fenêtre. Malgré cela, les images de l'extérieur que je voyais étaient extrêmement précises et paraissaient plus que réelles. Un palais encerclé de nuages, un jardin fleuri, un petit garçon aux cheveux blonds. C'étaient... des souvenirs. Mais, ils ne pouvaient pas m'appartenir. C'est comme si je volais les souvenirs d'une autre personne. Quelqu'un qui aurait vécu dans ce palais, rencontré ce garçon, sentit les fleurs du jardin et qui partageait mon sentiment de solitude. Après un an passé dans le laboratoire, j'avais appris une chose importante sur moi : je n'étais rien d'autre qu'une copie. La copie de cette personne dont j'avais les souvenirs. J'étais son clone. Rien d'autre. Je n'avais pas à être autre chose, m'avait expliqué le docteur. Je n'avais pas à penser à ces choses là, avait-il assuré. Tout ce que je devais faire, c'était obéir. Le docteur était intelligent alors il devait avoir raison. J'étais satisfaite de mon destin. Au moins, contrairement aux cents autres "moi" qui avaient été créés en même temps, j'étais en vie. Cependant, un jour, je fis une rencontre qui bouleversa cette vie qui me satisfaisait tant.

Cela faisait trois ans que je vivais dans le laboratoire du docteur Vegapunk, quand il décida enfin que j'étais prête. Je savais ce que cela signifiait et mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Il n'avait jamais fait ça, mon cœur. Je me demandais s'il allait bien, mais je n'osai pas en parler au docteur de peur qu'il annule la sortie. J'allais finalement pouvoir quitter le laboratoire pour découvrir le monde extérieur. Quand je mis le premier pas dehors, j'eus l'impression que les souvenirs de cette personne me submergeaient. L'herbe... Le vent... Le ciel... Je découvrais ces choses pour la première fois.

- Sena, déclara Vegapunk avec sérieux, on va voir des personnes très importantes : mes supérieurs. On ne doit surtout pas les décevoir. Je compte sur toi pour faire absolument tout ce qu'ils diront, et pour le faire comme toujours, de manière parfaite.

- Bien sûr, maître !

Le docteur me regarda un instant, stupéfait, tandis que j'humais le parfum des fleurs qui me parvenait.

- Tu sais sourire, finalement, murmura-t-il d'un air sombre.

Il m'emmena ensuite dans un village magnifique aux maisons luxueuses, bien alignées, qui me paraissait très familier. Cette personne avait vécu ici. Je le savais, parce que je partageais ses souvenirs de cet endroit. Pourquoi ne l'aimait-elle pas ? C'était tellement plus lumineux que le laboratoire, pourtant... Enfin, nous arrivâmes devant un château immense. Des gardes nous conduisirent jusqu'à une salle circulaire où cinq hommes aussi âgés que le docteur Vegapunk nous attendaient. Ils me dévisagèrent longuement en silence, avec sévérité, leur yeux luisant m'examinant sous toutes les coutures.

One Piece - New WorldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant