One Piece - New World

Prologue

Le ciel était dégagé. Le soleil brillait de mille feux. Le cri des mouettes retentissaient au loin, près du port que nous venions de quitter. Je suivais des yeux le remous des vagues qui frappaient contre la coque du bateau à moteur. Mon image se reflétait dans l'eau comme dans un miroir ; mes cheveux châtains, lisses, m'arrivant aux épaules, volaient devant mes yeux noisette. J'étais assez menue pour mon âge (je venais d'avoir 17 ans). J'avais un teint blême, sûrement parce que ma peau prenait rarement le soleil ; je ne sortais quasiment jamais, je préférais lire ou jouer à l'ordinateur dans ma chambre. De toutes les manières, je n'avais personne avec qui sortir dehors. Malgré les supplications de mes parents pour que je prenne l'air, le "monde extérieur" comme je l'appelais, m'effrayait trop. Je me contentais du trajet entre la maison et le lycée. Cela me suffisait amplement.

Néanmoins, je faisais une exception lorsqu'il s'agissait de sortir avec mon frère, Yuta. Ses cheveux étaient coupés courts et son gabarit était beaucoup plus imposant que le mien. Contrairement à moi, il était toujours très souriant et survolté. J'admirais sa façon d'attirer les gens autour de lui, comme une lumière qui envoûte les papillons nocturnes. Moi, à l'inverse, les gens me fuyaient. Ou peut-être était-ce moi qui les fuyait ? En tout cas, nous étions inséparables lorsque nous étions gamins, Yuta et moi. Il existait entre nous un lien très puissant. Avec lui, je me sentais à l'aise.

– Yuni ! cria mon frère depuis le poste de pilotage. Tu veux essayer ? C'est super !

– Non non, je te laisse faire... T'as l'air de t'éclater.

Yuta esquissa un large sourire. Je savais qu'il aimait beaucoup piloter le bateau de papa. Il devait se sentir... libre. Et puis, il était fan de pirates. Il adorait ce manga... Comment s'appelait-il déjà ? Ah oui, One Piece. Il me radotait sans cesse les histoires de ses personnages préférés. Je l'écoutais seulement d'une oreille distraite, et même s'il m'avait maintes fois demandé de le regarder, je n'étais pas intéressée. Je m'accoudai au rebord du bateau et poussai un profond soupir.

– Tu ne penses pas que papa va être en colère ? demandai-je un peu inquiète. On a pris son bateau sans sa permission, et il pourrait arriver n'importe quoi...

– Mais non ! T'inquiète ! Je l'ai conduis pleins de fois avec papa, ça risque rien, il le saura même pas !

J'inspirai profondément. L'air marin s'engouffra dans mes poumons. Soudain, une foule de souvenirs me revint subitement. Je ne pus réprimer un sourire mélancolique.

– Tu te souviens ? fit Yuta en riant, comme si nous étions exactement sur la même longueur d'onde. Lorsqu'on était petits, on partait souvent à l'aventure ! On allait sur la plage, et on jouait au pirate et au marine. Moi j'étais Ace ! J'avais le pouvoir de contrôler le feu ! On se battait avec tout ce qu'on trouvait. Et je gagnais toujours !

J'éclatai de rire.

– Ce n'est pas vrai ! Je me souviens avoir gagné plusieurs fois !

– Arrête d'inventer !

Mon frère lâcha les commandes et fit mine de m'attaquer. Je parais son coup et attrapai son poignet pour l'immobiliser. Il se dégagea en riant et sauta en arrière, faisant tanguer le bateau. Yuta pratiquait le karaté depuis deux ans et se croyait invincible grâce à ça. Moi, je faisais du kendo. J'avais commencé à l'âge de dix ans, lorsque j'avais vu un film de samouraï pour la première fois. J'avais été fascinée. Yuta disait que le Kendo ne m'apprendrait pas à me défendre, à moins que je me balade partout avec un shinai. Il avait peut-être raison.

Nous nous chamaillâmes encore quelques instants, avant de tomber d'épuisement. Des larmes apparurent au coin de mes yeux ; cela faisait longtemps que je n'avais pas passé du temps comme ça avec mon frère. En grandissant, nous nous étions éloignés. Le bon vieux temps me manquait. Après tout, Yuta était mon seul ami.

Nous nous assîmes sur les bancs installés de part et d'autres du bateau. La conversation dériva naturellement sur le sujet favori de mon frère : One piece.

– Et donc, Ace, c'est le frère de Luffy. Mais pas un frère de sang tu vois... Ils ont pas les mêmes parents. Quand ils étaient petits ils ont échangés une coupe de saké, et ensuite ils sont devenus frères. Un jour, j'aimerais bien en boire, tu trinqueras avec moi !

 –  On est déjà frère et sœur, tu sais ?

–  Mais c'est pas pour ça ! Au fait, comment elle est ta nouvelle classe ? T'as des anciens amis avec toi ? Peut-être que y aura des fans de one piece parmi tes camarades, faudra que tu me les présentes, ok ? Moi je tombe toujours avec des gens qui ne s'y connaissent pas en manga. Regarde, déjà avec toi...

Je tressaillis.

– Oui, j'ai quelques amis de seconde dans ma classe, mentis-je.

Ma tête bourdonna. Des "amis"... Ce mot n'existait plus pour moi depuis longtemps. Depuis ce fameux jour. Je n'avais besoin de personne. Le seul en qui je pouvais avoir confiance était mon frère.

Soudain, Yuta poussa un cri strident.

– Quoi ? demandai-je inquiète.

– L-Là ! s'écria-t-il en pointant le ciel du doigt.

Mon sang se glaça. Un nuage noir recouvrait le ciel. D'où venait-il ? Un instant plus tôt le soleil brillait, radieux. Le vent se mit à souffler. Une fine pluie commença à tomber. Yuta attrapa les commandes du bateau et amorça une manœuvre pour faire demi tour. Le port n'était qu'un petit point à l'horizon ; nous ne pourrions pas l'atteindre avant que la tempête se lève. Le moteur démarra en trombe.

– Mais c'est quoi ce temps ! Y avait pas de tempête prévue, bordel !

J'observai le ciel tandis que mon frère rouspétait. L'atmosphère devint pesante. La pluie se mit à tomber de plus en plus violemment. Le temps tournait à l'orage. C'était surnaturel. Soudain, un éclair jaillit du ciel et vint s'abattre sur l'eau. Le bateau eut comme un sursaut, et les vagues le firent tanguer dangereusement. Je fus secouée, me rattrapant à la rambarde. Yuta s'agrippa aux commandes de toutes ses forces.

– Que... Qu'est-ce que c'est que ça ! hurla-t-il pétrifié.

Je regardai par dessus bord. Ma mâchoire tomba de stupeur. Mes yeux s'arrondirent comme deux billes devant le spectacle incroyable qui se déroulait sur l'océan. Un immense tourbillon s'était formé à l'impact de l'éclair. Son courant commençait à attirer notre bateau vers lui.

– Yuta ! criai-je affolée. Tu peux nous tirer de là ?

Mon frère ne sut pas quoi répondre. Il était trop tard. Notre embarcation n'était pas assez puissante, elle faisait déjà des cercles dans l'eau, entraînée par le courant du tourbillon. Tout se passa si vite, comme dans un rêve. L'océan nous aspira et le bateau chavira. Je m'élançai vers Yuta, qui était paralysé par la peur, et lui attrapai la main. Je ne voulais surtout pas le lâcher. Je le serrai comme si ma vie en dépendait. Ironique, puisque nous allions tous les deux mourir, engloutis par les profondeurs de la mer.

Je sentis une morsure glaciale lorsque je plongeai dans l'eau. Mes cris étaient discontinus. Les vagues me projetaient de tous côtés. Je serrai toujours la main de mon frère, je ne savais même pas s'il était encore conscient. Je cherchai désespérément quelque chose à laquelle m'accrocher de l'autre main, en vain. Peu à peu, j'étais drainée vers le bas. Puis, à bout de force, je fus complètement entraînée vers les fonds marins. Je me sentis étouffer. L'air me manquait. Je vis la surface de l'eau disparaître sous mes yeux. Ma conscience commença à se dissiper. J'allais mourir. Soudain, ce fut le noir complet.