Ce soir, un frère d'humanité est mort.
Ce soir, parce qu'il a voulu porter la lumière envers et contre les ténèbres de la haine, il est mort.
Assassiné.
Égorgé.
Décapité.
Par un fou.
Par un fou qui ne le connaissait pas et qui l'a jugé, condamné, exécuté.
Parce que cet enseignant rêvait d'un monde de fraternité éclairé par la raison, un guerrier de l'ignorance et du fanatisme l'a abattu.
En plein vol.
Ce professeur quittait le collège avec le sentiment du devoir accompli, d'une journée bien remplie, d'un repos mérité.
Il marchait insouciant sur le parking qu'il arpentait soir et matin pour tirer vers le haut les humains de demain.
Et un fou armé a attaqué par-derrière et lâchement cet innocent désarmé.
Un bourreau plein de haine contre un dévoué serviteur de notre société.
Et, satisfait de son crime sans honneur, ce justicier de dix-huit ans a proclamé sa fierté absurde sur Twitter. Quelques caractères sur la toile adressés à un Dieu qui ne répondra jamais.
L'assassin est mort quelques minutes après, persuadé d'avoir agi en héros, d'être mort en martyr.
Il est mort en imbécile, mort trop jeune d'une vie pas vécue, mal menée, mal comprise.
Il est mort en vain.
Il est mort en entraînant avec lui dans le gouffre horrible de cette abomination sa propre famille, celle de sa victime, tous leurs proches.
Il a nourri ce monstre de haine qui broie notre société.
Parce que ce terroriste à la petite semaine et à la cervelle farcie de versets mal digérés n'a rien compris.
Il n'a pas compris que les groupes sectaires sont dirigés par l'appât du gain et de pouvoir de quelques-uns, qui exploitent la crédulité et la souffrance des esprits les plus faibles pour les utiliser comme outils, comme armes. Et ces criminels, bien au chaud dans leurs villas payées avec le sang des sacrifiés à leur avidité, payées avec le trafic d'armes et de drogues, le trafic de vies, ces criminels encouragent partout la haine et la violence. Parce que la misère est désespérée, enragée, qu'elle n'a plus rien à perdre et toutes les promesses à étreindre.
La France n'est pas une mère aimante pour ses enfants. Elle foule, elle écrase, et, quand ses victimes pleines de colères explosent, elle les achève.
Partout en France, la misère se répand. L'ignorance, la rancœur et la douleur se tiennent la main pour fermer les cœurs et les esprits à tous ceux qui ne nous ressemblent pas. Et la haine prolifère.
Alors, tandis que le blanc hait le noir et le gris, le noir et le gris redressent la tête sous le fouet des anciens esclavagistes, des anciens colons, des éternels patrons. Et, au lieu d'une trêve pour faire société ensemble, les racistes excitent la haine, les terroristes excitent les racistes, et la boucle de mort est lancée, implacable.
Pourtant, il suffirait de réduire les inégalités pour rétablir la légitimité des règles. Il suffirait de lutter contre les injustices socioéconomiques et politico-judiciaires pour restaurer la confiance.
Mais les médias nous montrent la violence qu'ils pensent devoir nous montrer, et nous ne voyons plus que cette violence est l'arbre malade qui cache une forêt de promesses d'avenir heureux.
Ce professeur travaillait avec des enfants. Il tentait de leur offrir la beauté de la liberté d'expression, de leur faire comprendre comment une caricature peut faire réfléchir en quelques traits plus efficacement qu'un long discours.
Mais l'argent et la tyrannie craignent l'intelligence, la culture et la raison. Toute dictature brûle les livres et condamne ceux qui enseignent la dignité et l'insoumission face à l'obscurantisme et à la haine.
Le plus souvent, les tueurs aveugles envoyés par ces tyrans ne sont rien d'autre que les laissés pour compte du système. Rejetés par lui, ils meurent à petit feu. La mort vengeresse n'est plus alors qu'un ultime moyen de se sentir un pouvoir sur le monde.
Triste et terrible époque où l'on sacrifie les enfants et l'avenir sur l'autel de l'argent, et où l'on exploite la souffrance des plus précaires sacrifiés dès l'enfance pour diviser un peu plus un monde qui a besoin de solidarité.
Notre société est hypocrite.
Sous prétexte d'égalité, elle légitime l'iniquité des faits.
Chacun pour soi, et la République choisit les méritants. Parmi ceux qui connaissent les règles du jeu ou qui ont les moyens de les adapter à leurs intérêts. Les autres n'ont qu'à naître blancs, riches, hommes. Les autres n'ont qu'à crever ou vivre en sourdine sans se faire remarquer, la gratitude servile au cœur pour avoir le droit de fouler le bitume éclaté des friches industrielles.
Aujourd'hui, un enseignant est mort, et c'est l'avenir qui tremble. Parce que les défenseurs de la civilisation et les ennemis de la barbarie n'auront que des mots de haine dans la bouche, n'auront que des rêves de sang dans le cœur, n'auront que des armes à la main.
Les survivants voudront s'entretuer.
Ce gosse manipulé par des criminels, ce gosse en qui on a remplacé la foi en l'avenir et en lui-même par une foi de pacotille dirigée par des pachas égocentriques et vaniteux, ce gosse était un enfant abandonné par la France. Son ennemi, c'était cette élite qui piétine le pacte social, pas cet enseignant qui s'efforce d'aider ses élèves à traverser les plafonds de verre. Ce gosse a tué un de ses derniers alliés. Puis il est mort.
Ne nous trompons pas d'ennemis.
Arrêtons ces criminels qui enrôlent nos enfants.
Protégeons nos enfants et notre avenir.
Ne les laissons pas gagner en nous imposant leur haine.
Ne laissons pas les musulmans se faire rejeter.
Ne laissons pas les racistes jouer avec nos peurs.
Ne laissons pas la mort nous gâcher la vie.
Redressons-nous, et comportons-nous de façon à ne pas rougir sous le regard accusateur de nos enfants.
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L'actu croquée par les vers !
PoésieLes médias noient l'info, les politiques cachent les faits : moi je les ronge comme un ver jusqu'à laisser apparaître le squelette net et précis du sens et de nos responsabilités. Du moins j'essaie. Critiques bienvenues, débats vitaux !