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"Excusez-moi, mais c'est quel genre de restaurant ?

- Oh, je n'en sais trop rien. Ils changent leur carte tous les mois.

- Je comprends mieux. Ils n'ont rien de...mexicain ?

- Ha ha, je m'attendais à cette question. GARÇON !

- Ah, non, ce n'est pas grave s'ils...

- Oui, Monsieur ?

- Est-t-il possible de servir votre chili con carne, avec des mini-galettes au fromage, et du riz au curry, à ma femme ?

- Bien sûr, Monsieur."


Il m'a appelé "sa femme"...

"Mettez-le donc en supplément.

- Bien. Et pour vous, ça sera ?

- Eh bien..."


Leandro se tourne vers moi, puis réponds au serveur.

"Pareil. Servez-nous la même chose. Et, pour le dessert, des coupes américaines.

- Bien, Monsieur. Prendrez-vous du vin ?

- Un bon rouge à la cerise, vous en avez ?

- Oui, Monsieur.

- Alors ça sera parfait. Merci."


Lorsque le serveur est finalement loin de nous, Leandro me dit :

"Tu verras, leur cuisine est succulente ici. Et le vin à la cerise l'est encore plus. Tu en as déjà bu ?

- Non, jamais. Je n'ai jamais goûté à l'alcool, ça m'a toujours fait peur, puisque ça rendait fou mon père.

- Ton père est un abruti.

- Comment ?

- Le vin, ça se déguste. L'alcool, ça se modère. Et la vie, ça s'accepte.

- Je ne comprends pas où vous voulez en venir.

- Ton père est un con.

- Je l'ai compris ! Mais pourquoi est-ce que vous me dites cela ? Où est le rapport avec le vin ?!

- C'est un danger, comme ton père. Vois-tu, le vin, c'est de l'alcool, et c'est plus doux. Mais lorsque l'on en abuse, on finit dans le même état que si l'on avait bu une bouteille de whisky. Ton père, c'est pareil. On en a tellement abusé que sa douceur s'est transformé en violence. Ce n'est pas l'alcool qui l'a amené à la violence, mais la violence qui l'a amené à l'alcool. La violence des sentiments, des déceptions, des abus. Je ne l'aime pas, et ce pour une seule et même raison : il s'est laissé abattre trop rapidement. Et si je le sais, c'est parce que moi-même j'ai dû surpasser ce genre d'épreuves. J'ai sombré plusieurs fois à cause d'histoires acerbes. Et je l'ai regretté. Ton père a toujours été un homme formidable, mais con. Il s'est laissé avoir très facilement. Moi, je m'en suis sortis, mais lui, il est encore dans le noir, et il finira par sombrer plus profondément s'il ne se rend pas compte de tout ce qu'il perd petit à petit. Sa pudeur...ses biens...sa famille...ses amours.

- Que...qu'est-ce que vous en savez ?!

- Sandra, tu sais, ton père n'est pas inconnu des forces de l'ordre, et encore moins des habitants d'Hermosillo. Penses-tu que j'aurais accepté de t'épouser sans réellement te connaître, que ce soit toi ou un membre de ta famille ? C'est en voyant l'état de ton père et les risques que ta famille encourait que je lui ai proposé de nous arranger ce mariage.

- Attendez...vous voulez dire que...vous me connaissiez déjà ?

- Depuis tes 11 ans. Et tu as bien changé, depuis.

- Alors tout ça...c'est un jeu, pour vous ?

- Bien sûr que non ! Je n'épouse pas n'importe qui. Je me suis intéressé à toi avant tout. Je te voyais souvent, quand je venais faire affaire avec ton père. Il a toujours essayé d'arranger les choses, mais il voulait toujours trop, il n'a pas accepté la vie telle qu'elle lui a été donné. Et il a finit par échouer.

- Mais pourquoi vous ne m'en avez pas parlé plus tôt ?! On aurait pu faire connaissance et...se rapprocher, avant tout.

- La décision m'est venue sur le coup. Ta famille avait b...

- Voici vos galettes aux fromage, Monsieur, Madame. Le chili con carne vous sera servi dans 10 petites minutes.

- C'est parfait, merci.

- Vous disiez ?

- Je disais que ta famille avait besoin d'argent, et moi j'avais besoin d'une femme, une personne en qui je pouvait avoir confiance et qui m'obéirait au doigt et à l'œil. Mais aussi pour me débarrasser de ma mère.

- Vous m'avez donc utilisé ?

- Je comptais. Je voulais te blesser pour que tu me craint et ne tente pas de me tromper...

- Comme avec toutes les autres femmes ? Dont Esperanza ?

- Comment es-tu au...

- Mira. Elle m'a tout raconté. Je suis désolée pour vous, et pour votre frère. Mais ne croyez pas que je suis de leur race. Oui, votre argent m'intéresse, et oui, je feignais de vous aimer...mais...je ne sais plus. Ces temps-ci, j'ai du mal à vous en vouloir. Je vous aime de plus en plus, je m'inquiète pour vous, je veux vous avoir à mes côtés, et...je ne comprend pas comment toutes ces femmes ont pu vous infliger de tels sorts. Je ne suis pas comme elles...

- Je le sais. Et c'est justement parce que tu es encore jeune et que tu as connu la misère, que tu ne peux l'être. Tu ne connais pas encore la vie, tu ne sais pas encore ce qui t'attend, il t'est donc impossible de penser au genre de choses qu'elles ai pu penser. Et puis, tu sais ce que c'est que de souffrir...

- Je pense bien.

- C'est pour cette raison que je t'ai choisie, toi. Et tu as intérêt à ne pas me décevoir.

- Ha ha, si c'est pour perdre votre argent, je ne risque pas.

- Seulement mon argent ?

- Non...vous aussi...

- Tu vois, c'est dans ces moments-là que je te trouve adorable. Quand tu...

- Votre chili con carne, accompagnée de son riz au safran et de sa sauce au curry.

- Ah, merci bien."


Mais, zut alors !

Entre nous deux quelqu'un doit souffrir Où les histoires vivent. Découvrez maintenant