Chapitre 22 : Une vie sans souvenir, sans saveur

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Le rythme de mes nuits est presque redevenu normal. Elles sont très reposantes même si j'ai, à presque toutes, entendu des voix. Elles semblent familières et masculines, mais au réveil, elles se dissipent. C'est comme si mon cerveau veut me faire passer un message. Est-ce que c'est seulement possible ? Cela fait plusieurs jours que c'est comme ça sans que je ne comprenne. Je n'y prête donc plus attention maintenant qu'une semaine est passée.

Je me rends dans la partie entreprise de mon domicile mais j'évite la boutique. Je n'ai pas développé l'ochlophobie mais je ne peux pas saluer correctement. Je passe vite fais voir mon père entrain d'aplatir le beurre pour le feuilletage des futurs croissants. Je lui fais la bise et salue le boulanger et l'apprentie pâtissière. J'ai le droit à une bonne baguette avec du beurre et un peu de confiture au petit-déjeuner, le bonheur. Après quelques minutes, ma mère vient dans la cuisine. Elle m'embrasse et nous discutons un peu même si je lui réponds avec des mouvements de tête.

Les jours passent, mes forces reviennent et tout devient une routine ancrée. J'aide mon père quand il a besoin, surtout lors du nettoyage. Je m'occupe des repas, des courses personnelles comme professionnelles. Le mercredi est la journée shopping avec ma mère et ma sœur, le temps de ma convalescence, maintenant elle doit retourner en cours. Le reste de la semaine, je reste avec ma mère le temps qu'elle se repose. Pourtant très vite quelque chose me manque, même plusieurs et je ne sais pas ce que c'est. Il serait peut-être temps de reprendre ce que j'ai laissé.

- Tu es sûre Emeline ? cela fait à peine deux semaines. On en a parlé avec ton père. Si tu veux prendre plusieurs mois et récupéré avec nous, tu peux.

Je secoue la tête, mon père s'occupe de couper les croissants

- En plus ta voix n'est toujours pas revenue.

Mes épaules s'affaissent. Ils ont raison. Le mercredi suivant, nous avons décider d'aller rendre visite à mes grands-parents. Pendant le trajet, j'écoute de la musique dont plusieurs que je sifflote. Au bout d'un moment, je tousse durement à tel point que mes poumons pourraient se détacher. Comme une personne devenue asthmatique, j'inspire et expire rapidement. Ma mère paniquée, demande à mon père de s'arrêter mais ma toux s'estompe. La douleur est telle que mes yeux pleurent. La voiture roule toujours.

- On devrait peut-être rentrer, suggère maman.

- Non, dis-je doucement. Je veux les voir.

- Elle a raison. Ça lui fera du bien.

Après un moment d'hésitation, maman donne son accord. Elle me conseille de dormir un peu. J'approuve et ferme les yeux. Ma respiration est plus lente et le mouvement de la voiture rend les choses plus faciles. Finalement, je sombre.

- Mademoiselle Emeline, est-ce que vous m'entendez ?

- Mademoiselle prenez sa température s'il vous plait.

- Oui monsieur.

Des mains fraiches se posent sur mon front. Ça soulage pendant un moment puis un appareil se positionne sur l'une de mes oreilles. Le reste est flou puis j'ouvre les yeux. J'ai encore la sensation de cette main fraiche sur mon front.

- Ma puce. Nous sommes bientôt arrivés.

En effet nous sommes sur la rue adjacente de la maison de mes grands-parents. En peu de temps, nous nous garons dans l'allée et sortons de la voiture. Ils nous attendent à la porte avec un grand sourire. Je suis contente aussi de les voir.

L'après midi se passe à merveille, les deux précédentes générations prennent l'apéritif pendant que je marche sur la pelouse légèrement jaunis par le manque de soleil de ce mois d'automne. Ils parlent un peu de tout : de la boulangerie, en somme de ces problèmes quotidiens et de mon état de santé. Mes grands parents me trouvent relativement en forme malgré le manque de voix. L'heure du diner est annoncée. La cuisine de ma grand-mère est simple mais bonne d'après mes souvenirs mais cette fois-ci étrangement elle parait fade. C'est avec difficulté que j'avale. Pourquoi cette sensation me semble si familière et pourtant si lointaine ? Mes yeux me piquent ainsi que mon nez. Une énorme nostalgie me prend la joie de cette après-midi agréable avec ma famille. J'essaie de le cacher comme je peux.

Une vie gourmande (En Pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant