Magnus grattait inlassablement le mur de sa cellule. Le béton, entre les pierres, s'effritait petit à petit et, dernièrement, il avait réussi à apercevoir la lumière derrière l'une des fentes qu'il travaillait. Était-ce depuis des mois ou des années qu'il était réduit à servir de simples repas ? Il ne pouvait le dire précisément. Seul signe que le temps passait était le moment où les gardes venaient les chercher, lui ou l'un des autres prisonniers.
L'endroit était lugubre et ne laissait passer que très peu de lumière. D'ailleurs, les rayons du soleil se trouvaient totalement proscrits étant donné la nature des habitants des lieux. Parfois, l'un de ses compagnons disparaissait à l'autre bout du long corridor qu'ils avaient parsemé de petits flambeaux et ne revenait jamais. Camille, n'était jamais revenue.
Pour l'avoir expérimenté, plus qu'il était nécessaire, il pouvait s'imaginer aisément comment elle avait perdu la vie. Ce n'était pas bien difficile à comprendre puisque la sienne avait été sur le point d'être interrompue à plusieurs reprises. Heureusement, ses geôliers savaient jusqu'où ils pouvaient se sustenter avant de mettre la vie de leurs repas en danger. Peut-être que, à l'occasion, l'un d'entre eux dépassait la limite et que le prisonnier mourait au bout de son sang. Camille n'avait certainement pas survécu. Pauvre petit ange, elle qui était si terrifiée à chaque fois. Son supplice était maintenant terminé.
La vie de Magnus avait basculé le jour où il avait retrouvé ses parents, décédés dans leur lit, avec des marques étranges dans le cou. Il avait immédiatement appelé les secours, mais dès que la personne avait décroché, au bout du fil, on l'avait frappé à la tête. Le moment d'après, il gisait, pieds nus, dans cette cellule froide et humide. Seul son pyjama de soie noire lui servait de vêtements depuis son enlèvement.
Au début, il avait cru qu'une rançon serait demandée puisqu'il était le fils d'un homme d'affaires connu dans le monde entier.
Rien.
Rien pendant des jours. Par contre, il savait qu'il n'était pas le seul puisque d'autres captifs subissaient le même sort que lui. Étant donné l'endroit dépourvu de clarté, ils s'étaient tous surnommés «Le monde obscur ». Certains d'entre eux développèrent même des liens d'amitié avec Magnus.
Un jour, ce fut le tour du jeune homme d'être traîné de force vers les ténèbres. Il savait à quoi s'attendre puisque ses compagnons avaient déjà vécu l'expérience. Selon ses amis, des vampires les retenaient en otage afin de s'abreuver à même les humains, ne laissant aux prisonniers qu'assez de liquide vital pour qu'ils survivent et les nourrissent, à nouveau, quand ils seraient rétablis.
Sa première fois avait été extrêmement douloureuse. Plus son corps se crispait, plus il produisait de l'adrénaline, plus la chimie entre celle-ci et le venin le brûlait de l'intérieur.
Il avait combattu ses assaillants avec toute la volonté d'un condamné à mort, mais leur force vampirique l'avait réduit, en quelques secondes, à titre de simple poupée de chiffon. Les premiers crocs vinrent directement à sa gorge d'où il émit le cri le plus désespéré de sa vie.
Peine perdue.
Un deuxième vampire lui déchira la fine peau du poignet alors qu'il tentait vainement de repousser le premier. La brûlure à son cou s'intensifia, provoquant un embrasement à l'intérieur de tout son corps. Ses amis l'avaient pourtant averti, mais c'était plus fort que lui, l'adrénaline avait pris le dessus.
La douleur atroce du feu qui coulait dans ses veines eut finalement raison de Magnus qui s'était senti perdre conscience, jusqu'à s'écrouler au sol. À son réveil, il était de retour dans sa cellule, tout comme les autres qui l'avaient précédé depuis son arrivée en enfer.
Cela lui prit deux jours avant de ne plus ressentir l'effet de bouillonnemen présent sous son épiderme. Chaque fois qu'il repensait aux crocs qui se plantaient dans sa chair, son taux d'adrénaline remontait pour alimenter son sang encore plein de venin. Il fut tout de même l'un des prisonniers les plus rapides à recouvrer un corps normal. Le jeune homme semblait éliminer le venin beaucoup plus rapidement que ses compagnons. Son voisin de cellule avait une théorie qui fascina Magnus.
— Moi, je dis que tu ne dois pas être le genre de personne qui se recroqueville au moindre petit danger, avait-il mentionné.
Il était, en effet, plus téméraire que tous les hommes qu'il avait rencontrés jusqu'ici. Le saut en parachute, le bungee, les courses de voitures, tout cela n'était que quelques uns de ses loisirs quotidiens.
Évidemment, la torture qu'il avait subie n'était aucunement comparable, en frais de sensation, mais il s'appliqua à gérer son stress, comme il le faisait avec ses hobbys.
Il ne remercierait jamais assez Ragnor, son voisin de cellule, de lui avoir fourni cette hypothèse. La seconde fois avait été horrible, mais rien, en comparaison de la première. Son corps s'adapta, semaines après semaines, jusqu'à ne plus rien ressentir du tout. Il était devenu un objet pendant leur repas, mais dès qu'il recouvrait un peu de force vitale, il passait le reste de son temps à gratter le béton et gratter encore, sans jamais s'arrêter.
Quand, pour la première fois, la lumière avait surgi entre deux énormes pierres, il avait redoublé d'ardeur, poussant sur l'une d'entre elles, chaque fois qu'il le pouvait.
Ce jour-là ne fit pas exception. Il n'était pas complètement rétabli de sa perte de sang, mais il sentait que ses efforts seraient récompensés très bientôt. Après quelques minutes, il poussa à nouveau sur l'une des pierres et elle bougea enfin.
— Qu'est-ce que c'était Magnus, demanda Catarina, son autre voisine de cellule.
— Je...
Il baissa la voix pour n'être qu'un simple murmure, ne voulant pas être repéré par les gardes qui pouvaient se présenter à tout moment pour chercher l'un d'entre eux. Le jeune homme savait que ce ne serait pas son tour puisqu'il était bien trop faible pour nourrir un seul de ces monstres sans pitié, mais ils pourraient l'entendre.
— La pierre a bougé, souffla-t-il.
— Évade-toi dès que tu le peux et ne prends pas de chance; cours aussi loin que possible, répondit Ragnor.
Et c'est ce qu'il fit, quand les gardiens repartirent avec le trop jeune Raphaël. Il poussa aussi fort qu'il le put. L'une des pierres glissa, laissant plus d'espace à Magnus pour déloger la seconde. Dès qu'elles furent déplacées, il se retourna une dernière fois vers la porte pour s'assurer de ne pas être repéré. N'écoutant que son angoisse grandissante, le prisonnier se glissa ensuite dans l'ouverture, ne portant aucune attention à son pantalon qui se déchira à la hanche. Au prix d'un effort surhumain, il réussit à se faufiler jusqu'à l'extérieur inhospitalier qui le fouetta en plein visage.
Le vent hivernal plaqua ses vêtements légers sur sa peau, laissant pénétrer une brise glaciale par le pantalon en lambeaux. Ses pieds nus n'avaient pas encore atterri qu'il regretta sa témérité. La neige recouvrait le sol et le glaçait davantage à chaque pas qu'il exécutait à une vitesse moins rapide que ce qu'il aurait voulu.
Il était affaibli et l'adrénaline qui le submergea, lors de sa course vers la liberté, se mit à le brûler, malgré le froid intense. Le venin ne semblait pas encore l'avoir quitté.
Peu importait la douleur; il suffisait de rester calme. S'arrêtant quelques secondes, il inspira profondément tout en fermant les yeux. Il n'était pas de tout repos de visualiser un bord de mer avec une plage paradisiaque, mais sa détermination, face à sa seule chance de survie, le remit sur le droit chemin. Reprenant son aplomb alors que la brûlure s'estompa, il repartit aussitôt, sachant qu'il n'aurait qu'une seule occasion.
Malheureusement, leurs bourreaux savaient très bien où se cacher. Il n'y avait aucune âme qui vive et le froid, qui le pénétrait jusqu'aux os, commençait à l'affaiblir terriblement.
Débouchant enfin de la forêt, le pauvre fugitif prit le temps d'analyser l'endroit. Il n'y avait que des collines enneigées à perte de vue. Voyant qu'il n'avait plus aucune chance, le jeune homme se laissa tomber sur les genoux. Il était fichu, lui qui sentait son corps le lâcher à chaque seconde supplémentaire. Le froid, son métabolisme affaibli par la perte de sang et le manque de nourriture eurent finalement raison de sa force. Magnus s'effondra, croyant qu'il s'endormait pour la toute dernière fois.
Il aurait au moins essayé.

VOUS LISEZ
Sang espoir (Malec AU)
FanficAlexander dit Alec, adopté par les Morgenstern, est malade depuis sa naissance. Cette maladie du sang, inconnue de tous, l'oblige à recevoir des transfusions sanguines tous les jours. Ses goûts culinaires plutôt incongrus ne plaisent pas à ses paren...