Il meurt

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Clary profitait du calme de la maison pour lire un roman qu'elle avait acheté avant le départ de Simon. Elle avait trimé dur toute la journée pour que les animaux soient bien nourris et elle méritait une petite soirée auprès du feu, dans sa confortable jeté, accompagnée d'un bon chocolat chaud. Elle arrivait dans un passage plutôt captivant quand elle entendit gémir son frère.

Quand Alec s'était effondré devant elle, il y a une semaine et demi, son cœur s'était fendu, accablé par la peine de le voir si démuni face à la perte de Magnus. Ce dernier lui avait semblé vraiment apprécier Alec et tout était resté un véritable mystère. La seule chose connue était que Magnus était parti et qu'il ne reviendrait pas.

Dès cet instant, Alec avait repoussé systématiquement toutes les tentatives que Simon et elle avaient pu faire pour l'obliger à prendre son repas. Rien n'y fit et son état s'était dégradé à la suite de la dernière intervention de Simon, hier midi. En quelques heures, sa respiration devint sifflante, de grosses cernes noires s'étaient formées sous les yeux du rancher et, pire que tout, il avait des accès de colères incontrôlables dont il n'avait aucun souvenir.

Entendant à nouveau gémir Alec, Clary se releva du canapé et monta jusqu'à la chambre de son frère. Elle ouvrit doucement et s'avança dans la pièce. Il y faisait sombre et Alec semblait dormir. C'était probablement un de ses cauchemars qui l'accablaient depuis la dernière semaine. Il disait se voir mordre des inconnus qui étaient retenus prisonniers dans des cellules. Les femmes hurlaient alors que les hommes se débattaient jusqu'à ce qu'ils perdent conscience.

Pour l'instant, Alec semblait paisible.  Elle voulut refermer la porte, mais cette dernière grinça fortement et elle releva les yeux pour s'assurer de ne pas l'avoir réveillé.

Clary rencontra alors les yeux d'Alec. Ce qu'elle vit la hanterait jusqu'à la fin de ses jours. L'homme qui la regardait maintenant n'avait plus rien d'humain. Ses yeux avaient pris une couleur qui était, inexplicablement, d'un rouge flamboyant. Ils luisaient dans la noirceur de la pièce, comme un feu de braise. La jeune femme respira profondément, tentant de reprendre son calme, puis chercha rapidement à refermer derrière elle.

À peine eut-elle commencé que son frère se retrouva à quelques centimètres de son visage. Il la dévisageait, sans la voir vraiment. Il pencha la tête et respira près de son cou.

Oh mon Dieu! Il n'était réellement pas dans son état normal. Il l'attrapa par les épaules et la plaqua durement contre le mur du corridor séparant leurs deux chambres. Un son guttural s'extirpa sauvagement de la gorge d'Alec. Clary put voir une expression d'horreur s'afficher sur le visage de son frère, comme si pendant une seconde Alec essayait de combattre son démon intérieur, mais, malheureusement pour elle, il ne gagna pas son combat. Il releva le bras de sa sœur et se pencha, prêt à la mordre.

ARRÊTE! ALEC!

C'était son dernier recours. Il n'y avait rien de plus qu'elle pouvait faire. Sa force s'était décuplée et celle de Clary n'était rien en comparaison.

*****

Le carillon retentit pour la troisième fois aujourd'hui et Will, à bout de nerf, ne donna pas le choix à Magnus d'affronter l'homme derrière la porte. Il en allait de la vie de Magnus.

— Très bien! Très bien!

Il ouvrit la porte à la volée et fusilla son interlocuteur du regard!

— Lewis! Crache le morceau que je retourne à des choses plus importantes. Est-ce que tu coules le parfait bonheur, maintenant que je ne suis plus entre Alexander et toi?

— Bane! Je ne suis pas amoureux d'Alec! Combien de fois nous allons devoir te le répéter.

— Nous, nous, nous... Tu n'es même pas capables de parler de toi au singulier.

JE ne suis pas venu pour m'engueuler avec toi, rouspéta Simon.

— Alors quoi? Tu veux me dire combien Alexander est heureux depuis que JE l'ai quitté?

— Mais t'es borné ou quoi? Alec ne va pas bien du tout, Magnus... parce que TU l'as quitté. Il dépérit, comme si on lui avait enlevé toute raison de vivre.

— Ben voyons! Comme si j'étais responsable. Il dépérit parce que tu le rejettes sans arrêt. Il n'arrête pas de te mettre sur un piédestal.

— Réveille, Magnus! Mon AMI a la plus grosse peine d'amour que je n'ai jamais vu de ma vie. Tu es la cause de sa descente aux enfers! Et le pire, c'est qu'il n'a jamais voulu dire pourquoi tu étais parti. Il ne veut plus s'alimenter, ni prendre son traitement. IL MEURT, MAGNUS! Et je ne peux rien faire parce qu'il me déteste, pour je ne sais quelle raison. Comme si c'était moi qui vous avait séparés.

— Oooohhh! Pour ça, tu as réussi très cher.

I L   M E U R T !

Magnus replaça son haut de pyjama et remonta la tête fièrement, ne voulant pas montrer à Lewis que ces deux derniers mots l'avaient touché plus que nécessaire. Sentant que Magnus commençait à flancher, Simon continua.

I L  T ' A-I-M-E !

Une larme coula sur la joue de Magnus. Il voulait tellement que ce soit vrai.

— Tu me détestes depuis le début. Pourquoi je te croirais, toi qui a essayé de nous séparer je ne sais plus combien de fois?

— Parce qu'il va mal, Magnus. Crois-moi! J'ai tout essayé, avant. Tu es son seul espoir.

Magnus faiblit un peu plus. Il essaya de détecter toute trace de mensonge ou de cruauté, mais ne découvrit qu'un homme au désespoir qui tentait par tous les moyens de sauver son ami. Son visage se décomposa en comprenant que son Alexander était en danger.

— Ce n'est pas des conneries? Il ne vas pas bien? Oh mon Dieu, Simon, je suis désolé! Je pars avec toi immédiatement.

Izzy se présenta à la porte et détailla Simon de la tête aux pieds.

— Tu es encore plus mignon en vrai. La télévision ne te rend pas justice.

— Hem... Merci, répondit Simon plutôt stupéfait par le compliment inattendu.

— Bon, vous vouliez retrouver votre frère, s'exclama Magnus en s'adressant aux deux Lightwood. Alors suivez-nous! Nous avons une longue route avant d'arriver à destination.

La voyage était interminable. Il lui semblait que Simon faisait tout pour suivre la voiture la plus lente. Mécontent au possible, il se rembrunit davantage quand il comprit qu'il serait coincé pendant des heures, à l'arrière du véhicule, entre Will et Jace. Les deux hommes avaient chacun appuyé leur tête sur la fenêtre, aucunement préoccupés par les doutes de Magnus.

Son Alexander n'allait pas bien et, selon Simon, c'était de sa propre faute. Il n'était qu'un lâche d'être parti sans lui avoir donné une dernière chance de faire valoir son point de vue. Il avait vu noir ce soir là. Il comprenait trop tard que Alec, qui avait été rejeté si souvent par ses amants, n'avait rien trouvé d'autre à dire contre cette colère incandescente qui l'avait consumée en entendant le nom de Simon. Il ne méritait pas ses représailles. Au contraire, il était doux comme un agneau et méritait qu'on l'aime éperdument. C'est là qu'il comprit que la jalousie était une sale traîtresse. C'était un sentiment qu'il n'avait jamais eu à ressentir jusqu'à ce qu'il rencontre l'amour de sa vie. Comment Alec pourrait lui pardonner? Il doutait fortement qu'il réussirait, mais au moins il serait là pour tenter de le forcer à s'alimenter.

Oui, il doutait sérieusement, mais juste pour le revoir une dernière fois, cela en valait la peine. Il désespérait de plonger ses yeux, à nouveau, dans ceux si magnifiques d'Alexander. Il rêvait de s'endormir, bercer par ses bras protecteurs, à l'abri des cauchemars incessants qui l'assaillaient.

Tentant de retenir un sanglot, Magnus plongea le regard vers l'avant. Selon le système de navigation, ils en avaient encore pour des heures avant d'atteindre le ranch, mais au contraire des deux hommes à côté de lui, il était bien trop préoccupé pour être capable de sombrer dans le sommeil. Un sommeil qui, d'ailleurs, n'aurait absolument pas pu être réparateur.

Sang espoir (Malec AU)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant