Je me réveille difficilement, vais-je m'apercevoir que tout cela n'est qu'un cauchemar ? Que mon compte bancaire n'est pas vide ? Que je ne suis pas ici à Chang mai ? Que je ne suis pas venu en Thaïlande ? Que je n'ai jamais rencontré ThongDaeng ? ThongDaeng... Thong...
Je me retourne et il est là, à l'autre bout du lit, sur le ventre. Je ne vois pas son visage.
Le voir ainsi allongé... il est resté. Attend-il que je le ramène à Bangkok ? Pourquoi m'avoir fait un coup pareil ? Me suis-je illusionné pendant tout ce temps ? Alors que je m'attachais à lui, lui ne pensait-il vraiment qu'à me plumer ? Mais dans ce cas... pourquoi m'avoir prévenu ? Pourquoi rester alors qu'il est libre d'aller où il veut avec l'argent, que je lui ai versé depuis le début de la semaine, et le billet d'avion qui l'attend dans mon sac ? Pourquoi cette panique sur son visage, dans sa voix, lorsqu'il m'a demandé de faire opposition ? Pourquoi ?
Aujourd'hui je me lève et part travailler, sans lui adresser un mot. Je suis encore bien trop en colère, bien trop perdu.
Au boulot je ne suis que l'ombre de moi-même, Steve a l'air de s'en apercevoir mais ne me pose pas de question. Il fuit les problèmes. Je l'ai toujours trouvé con. Avant je ne m'en rendais pas compte, il était un de mes rares contacts ici, en Thaïlande. Mais depuis quelques semaines... deux peut-être, je n'ai plus envie de le voir. Depuis Thong en fait... Qu'est-ce qui m'a pris ? Je suis tellement déçu.
Quand je rentre à la chambre il est là, assis sur un de ces confortables fauteuils, le genou remplié contre le torse, le visage tourné vers la fenêtre, le regard dans le vide.
Je ne peux pas encore lui parler. Va-t-on tout arrêter ? Je pense que ce serais mieux.
De toute façon, on part demain en fin d'après-midi.
Encore toute une soirée à ne pas se parler. Mais qu'est-ce qui m'a pris ? Qu'est-ce qui lui a pris ? C'était son objectif depuis le début ? Quelle arnaque ! Mais... Mais pourquoi avoir attendu si longtemps ? Pourquoi ici, à Chiang Mai, alors qu'il n'a aucune solution de repli ? Ou en tout cas, qu'il n'aurait pas pu prévoir à l'avance... Les questions tournent dans ma tête tandis que je m'endors.
Le lendemain matin je fais mes affaires rageusement. Il m'a tout prit, tout volé. Et lui de toute façon, qu'est-ce que ça va changer dans sa vie ? Il m'attend devant la porte, avec son sac-à-dos presque vide, flasque tandis que ma valise est gonflée de vêtements et produits cosmétiques pour homme...
« On ne part pas tout de suite Thong. Je te l'ai dit, l'avion est ce soir. Je lui fais, de mauvaise humeur.
- Ah oui...
- Tu n'as qu'à aller faire un tour dehors, tu as bien ta carte pass non ?
- Oui...
- Alors ? Mais oui on va libérer la chambre dès ce matin, tu pourras attendre dans le hall. Tu as bien l'habitude de ça non ? »
Je n'aurais pas dû lui répondre comme ça. C'est méchant et inutile... Mais je suis tellement agacé que, sans lui laisser le temps de répondre, je pars avec mon bagage prendre l'ascenseur.
Dans le hall je trace et confie ma petite valise à la réception. Puis je sors en trombe. J'ai hâte d'en finir avec tout ça, hâte d'être à ce soir.
En fin d'après-midi justement je reviens dans le hall de l'hôtel pour réclamer ma valise.
« Ah Mike ! Devine qui je tiens là ? Notre cher petit traducteur... »
Il tient Thong par le bras, l'agitant sans ménagement. Je lis, en un éclair, la crainte dans le regard, sur le visage de Thong...
Je me tourne vers Steve, il a l'œil brillant comme quand il a trop bu. Mais ce n'est pas son heure pourtant... Je le connais assez maintenant pour reconnaître les signes de son ivresse. Et il n'est pas ivre.
« Figure-toi que je me suis aperçu que notre petit ami n'était pas du tout traducteur. C'est un gigolo, une pute. Tu t'es fait rouler Mike... Me fait-il, son grand sourire goguenard sur le visage.
- Et qu'est-ce qui te fait dire ça ? Je demande, tentant de me montrer détaché même si je sens la panique m'envahir.
- Arrête Mike... ça se voit dans son attitude, ses coups d'œil, ses postures... c'est un habitué ! Tiens, j'te prend une passe mon petit, tu vas pas dire non ? »
Steve ne voulait pas le lâcher. Sans dire un mot, Thong tentait vainement de soustraire son bras gracile à l'emprise de fer de Steve, plus grand et baraqué que lui.
« Hein ? Poursuivit-il, obscène, tu veux pas me tailler une petite pipe ? Tu me suces pour combien ? »
Il rapproche son visage de celui de Thong. J'en ai la nausée. Pourquoi je ne dis rien ? Je suis comme paralysé, effrayé à l'idée que Steve soit à un cheveu de la vérité.
Mais à ce moment-là Thong, qui jusque-là n'avait manifesté que de la crainte et un désir d'échapper à Steve, se tourne vers moi et nos yeux se croisent. Ce regard... il voulait tout dire. En un éclair je vois sa détresse, sa situation absurde et tragique, la rue, la misère et la maltraitance. Que va-t-il devenir une fois de retour à Bangkok ? Une prostituée de plus dans les rues ? A trainer, de-ci de-là, son petit corps malmené comme j'ai vu ce chien agir dans les ordures ?
L'ordure... c'est Steve qui le tient, qui l'humilie, qui le rabaisse à sa condition. Il me répugne, me met hors de moi.
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Or rouge
General FictionJ'ai la gueule de bois. Je me retourne et vois la jolie créature à mes côtés. J'ai du goût pour les filles. Elle tourne la tête et se redresse. C'est un mec...