Chapitre 15

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     La semaine passe lentement, trop lentement. Je n'arrive pas à me sortir Dior de l'esprit. Il hante mes nuits, mes rêves, mes désirs les plus intimes. Pourquoi ? Est-ce qu'on peut tomber amoureux d'un gigolo en si peu de temps ? Je suis trop romantique : c'est pas de l'amour, c'est du cul, point. Il m'excite, c'est tout.

     Steve me demande si je veux aller manger avec lui au réfectoire. Je n'en n'ai pas envie. Il veut pas quelque chose d'autre ? Quelque chose de plus... Thaïlandais ? De plus local ? Tant pis pour lui, je sors et ose m'acheter, à une gargote, un bol de riz sauté et deux brochettes de bœuf. C'est bon. Comme les autres touristes et Thaïlandais je mange debout. Le bœuf est délicieux, est-ce que Dior aurait aimé ? Qu'aurait-il dit ? Aurait-il eu quelque chose de marrant à me sortir ?

     Pour la première fois je pense à lui pour autre chose que du sexe. Et ça me fait bizarre, un peu comme si je comprenais subitement qu'il avait un caractère, des goûts, des envies... ça me fait vraiment un drôle d'effet. Je suis con décidément. J'ai envie de le revoir...

     Je décide de me laisser du temps. A quoi bon se précipiter ? De toute façon je l'appel quand je veux et je prends « rendez-vous » comme il dit. Oui, facile. Je peux attendre.

     A la salle de sport je fais mon heure et je rentre illico sans même apercevoir la jolie blonde qui continue de me jeter des regards... Alors comment je peux savoir qu'elle aurait aimé me revoir et me parler ? Parce qu'elle vient de me passer un savon pour mon mépris. C'est pas ça, mais j'ai un tas de choses à penser en ce moment, et ça tient en 4 lettres : D, I, O, R.

     En rentrant à l'appart, le soir, je croise dans la rue une jeune femme qui se fait sévèrement réprimander par un gros mec qui lui serre le bras sans ménagement. Echange de mots, assez dur. La fille semble terrorisée, il la menace d'un geste de la main vers son visage. Vue sa réaction immédiate, elle en a l'habitude. Elle finit par accepter je ne sais quoi et il la laisse tranquille. Elle repart, visiblement ébranlée. C'est une pute. Je le vois à sa tenue, ses expressions, la misère qu'elle traine avec elle. Est-ce que toutes se font maltraiter de la sorte par leur proxénète ? Leur « boss » ?

     Je décide de faire un détour. Ici c'est assez facile d'avoir accès à des services sexuels. Dans certains endroits on s'en cache à peine. Tu rentres, tu demandes, tu payes. Facile. Est-ce que Dior travaille dans ces lieux ? Salons de massage, bars ? Bar plutôt, au service en salle, et plus si affinité. Apparemment il peut aussi aller directement chez le client. Oui... Le petit Dior sur mon lit, sur mon sofa, dans ma douche... Je repense à cette fille, si pathétique dans la rue... Et Dior, où est-il en ce moment ? Lui, qui était si excitant sous cette douche, est-il sur un trottoir sordide aussi ? Lui a-t-on tordu son joli bras ? A-t-on frappé son doux visage ? Je l'imagine dans une rue sale et malfamée, comme cette fille. Je commence à avoir la nausée. Je décide de rentrer.

     Sur mon chemin je croise un chien errant, petit, maigre, sale. Il s'approche de moi plein d'espoir et je tends la mains pour le caresser. Je sais que je ne devrais pas faire ça, qu'il a sûrement des maladies. Mais c'est lui qui a peur. Il prend sur lui pour m'approcher mais, voyant que je n'ai rien, se détourne rapidement. Son regard craintif m'espionne un temps, puis il s'en va, traînant son petit corps pouilleux dans les rues de Bangkok.

     J'arrive dans mon appartement qui pue le luxe. Mais j'en suis content, je peux enfin me réfugier dans ce cocon de réalité pour moi, de rêve pour d'autres. J'allume la télé. Série débile. Mais je la regarde quand même en imaginant Dior et son sourire vague. Dior... Je m'empare de mon téléphone, il me faut un rendez-vous ! Je cherche dans mon répertoire son numéro, enregistré en tant que « parfumerie ». Ai-je honte de lui ? Je sélectionne et attend la sonnerie. Messagerie. Je réessaie, une fois, deux fois, trois fois. Mais je le sais, il est en rendez-vous. Merde. Merde, merde, MERDE !

Or rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant