Mélusine - La légende De Lusignan (Mélusine HS.3)

Chapitre 24.

« J'ai reçu une lettre du duc du Luxembourg !

La voix de Raymondin m'interpelle à travers le grand hall d'entrée. Je me fige tandis qu'il grimpe l'escalier en bois, sautant les marches, pour me rejoindre sur le balcon qui domine la pièce. Je penche la tête sur le côté, attendant qu'il soit enfin face à moi pour m'enquérir :

— Et que dit-il ?

— Qu'il est réellement fier des services d'Antoine. Redites-moi pourquoi l'avez-vous envoyé si loin ?

Un petit rire m'échappe tandis que le goût sucré de la satisfaction chatouille mes papilles. Je claque des talons avant de rétorquer :

— Entre Urien qui se trouve à Chypre et Guy qui ne tardera pas à partir en Arménie, Antoine n'est pas celui qui se trouve le plus au loin.

Je marque une pause avant de soudain baisser le ton et de reprendre, bien plus malicieusement :

— Et le duc est vieux et sans héritiers, pas même un lointain cousin.

Mon protecteur fronce des sourcils avant qu'un éclat de surprise s'allume dans ses prunelles dorées. Sans s'embrayer de précaution, il interroge abruptement, l'air moyennement convaincu de mes allégations :

— Vous souhaitez que notre fils devienne duc de Luxembourg ?

— Votre fils.

Il tique lorsque je le reprends mais ne dit rien, me laissant poursuivre.

— Et oui. Avec Renaud en Bohême, quatre de vos fils se trouveront à la tête d'État. Et même si Fromont a décidé d'entrer dans les ordres, chose tout à fait stupide mais bon, je n'allais pas le forcer à se marier après tout... tout n'est pas perdu pour les deux derniers.

Raymondin secoue la tête, l'air de peiner à assimiler tout ce que je lui raconte. Mais le sourire qu'il esquisse, taquin, accompagne à merveille sa voix rauque lorsqu'il me susurre, presque accusateur :

— Vous êtes une instigatrice à l'ambition redoutable...

— Venant de vous, laissez-moi prendre cela pour un compliment.

Il s'esclaffe, amusé par ma réplique, et saisit ma main pour y déposer un léger baiser. C'est un geste doux mais bien trop maîtrisé, trop serein. Désuet. En somme, un geste qui ne correspond en rien à notre relation. Cela aurait été du pareil au même si je l'avais embrassé sur la joue. Lorsqu'il se redresse, son regard étincelle lorsqu'il vrille le mien. Ma paume est toujours prisonnière de ses mains et bien que j'aurais pu me libérer d'un simple geste je n'en fait rien.

— Merci, belle Melusine... murmure mon protecteur.

— Ne vous l'avais-je pas promis ?

Un petit rire lui échappe et il chasse mes rebuffades taquines.

— Merci d'avoir respecté votre promesse dans ce cas.

J'entre-ouvre la bouche, prête à répondre, gagnée par un élan d'extase et de confiance. Mais je suis interrompue par le héraut dont la voix tonitruante résonne dans tout le majestueux hall d'entrée.

— Renaud de Forez, comte de Forez et chevalier du roi !

Si cette déclaration me frustre pour m'avoir coupée, je me tends lorsque je comprends qu'il s'agit du fameux frère dont mon époux m'a communiqué l'arrivée. Raymondin se fige avant de faire volte-face. Le pommeau de son épée me heurte au passage mais il ne s'en rend même pas compte alors que son expression s'illumine violemment. J'assiste à la naissance d'une étoile alors même qu'il semble transporté de joie à l'annonce de son frère.