Chapitre 11.

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Le calme qui règne au château de Lusignan tranche avec l'agitation qui est maîtresse au dehors. Un petit livre reposant sur le velours verts de ma robe du jour, j'écoute le bruit qui secoue la ville. Rien de bien différent de ce que j'ai pu entendre dans ce petit hameau. Mais la rumeur enfle, enfle... Et je sais que l'orage est prêt à exploser.

Adossé à la cheminée du petit salon, Raymondin se masse les tempes. Il semble exténué. Voilà trois jours qu'il se bat pour trouver une solution. Et je dois avouer que je ne suis pas d'une grande aide. Pourtant, il me faut concéder que je suis inquiète pour mon protecteur. Sa propre inquiétude le ronge tant que je crains de le voir craquer d'un instant à l'autre. Et je ne suis pas la seule à l'avoir remarqué. Urien, lui aussi présent dans le petit salon, scrute son père, les sourcils froncés, ses yeux bicolores ressortant étrangement lorsque l'appréhension marque son visage large.

Je m'ennuie à mourir et l'atmosphère dans la pièce est lourde. Trop lourde. Tant, que je n'attends plus que le tonnerre résonne pour que les festivités puissent commencer. Et cela ne tarde pas. Un serviteur débarque dans la pièce, avec précipitation, oubliant toutes les règles de bienséance. La voix hachée, comme s'il venait de courir, il peine à s'exprimer :

« Ma Dame, mon Seigneur, mon jeune monsieur... Les révoltés... Ils se rassemblent sur la place du marché et investissent les rues.

— C'est donc une véritable révolte ?

Le malheureux acquiesce, fébrile.

— Je dois régler ça, grogne Raymondin, l'expression soudain sombre.

À l'entente de ces mots, Urien bondit de son siège et vient s'agenouiller auprès de son père.

— Laissez-moi vous accompagner !

C'est moi qui réponds, devançant mon époux, toisant l'adolescent :

— Et pourquoi cela ?

— Je veux me tenir à vos côtés en cas de danger, mère !

— Tu penses réellement être à la hauteur ?

Mon ton moqueur le pique. Le jeune homme s'exclame, outré :

— Mon épée est votre !

Je m'apprête à refuser quand Raymondin intervient :

— C'est d'accord. Mais tiens-toi à l'écart et ne fais aucune vague.

Interrogative, je me tourne vers mon époux, les sourcils froncés.

— Que faites-vous ?

— Il est temps qu'il apprenne, Melusine.

Une grimace tord mes traits. Le doute qui me gagne se mélange à un mauvais pressentiment qui se loge au creux de ma gorge. Mon instinct me souffle que quelque chose de mauvais se prépare et la présence de cet enfant ne me rassure guère. Je préfère prévenir son père qui me dévisage, attendant patiemment ma réponse.

— Je ne garantis pas sa sécurité.

— Je ne vous le demande pas.

— Soit. Qu'il nous suive alors.

— Merci mère ! s'exclame l'adolescent, s'empressant à baiser ma main.

— Remercie ton père. »

Mais celui-ci a déjà quitté la pièce, empoignant son épée.

*

La place du marché, celle se trouvant devant l'hôtel de ville de Lusignan est en effet pleine à craquer de paysans hargneux, brandissant des fourches et guidés par quelques hommes d'églises.

Mélusine - La légende De Lusignan (Mélusine HS.3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant