Le jour vient à peine de se lever. Les feux de l'aurore disparaissent au loin alors que l'azure grignote petit à petit le ciel. Au bas de la bute, le village de Lusignan prend vie, s'animant de sons, de couleurs... Aujourd'hui, en ce beau samedi de mars, s'annonce être une belle journée. Cependant, je ne me sens pas d'humeur à m'extasier.
Face à moi, dans la cour du château, Orphée s'attèle à sceller son cheval tandis que je ne parviens pas à me défaire de ma moue frustrée. Le bel héros n'est pas resté bien longtemps... Mais suffisamment pourtant pour que cela me rappelle ce que sa présence a de bénéfique. Avec lui, pas de faux semblants. Nous sommes aussi insupportables l'un que l'autre. Il est si loin de la droiture, parfois obstinée, de mon époux... Et pourtant, c'est un être bon lui aussi.
Une fois qu'il a fini de préparer sa monture, mon ami s'avance vers moi, dans l'optique de faire ses adieux. Un instant, le silence pèse entre nous. Je lève un sourcil interrogateur tandis qu'il semble réfléchir à ses mots, prudemment. À croire que je suis susceptible et que la moindre parole de travers pourrait m'agacer...
C'est le cas.
Certes... Me tirant soudain de mes tergiversations internes, Orphée finit par murmurer, d'un ton amusé :
« Lorsque nos routes se recroiserons, tu auras certainement une nouvelle vie.
Un léger sourire étire ses lèvres fines. Il n'a pas tort. Nous nous reverrons peut-être dans un autre siècle... D'ici là, j'aurais à nouveau mis les voiles. Penchant la tête sur le côté, je rétorque :
— Toi aussi.
La moue qu'il esquisse n'a plus grand-chose d'un sourire. Doucement, il décale une de mes mèches brunes derrière mon oreille de ses doigts de musicien avant de souffler :
— Nos chemins ne font que se rencontrer sans jamais vraiment s'entremêler...
C'est si poétiquement dit... Et si vrai. Je ne crois pas réellement en la destinée, mais si une chose est certaine c'est que nos destins, à Orphée et à moi, sont liés par notre serment. Et pourtant, nous continuons à nous quitter l'un l'autre.
N'y tenant plus, je le serre avec force contre moi. Sans hésiter, le héros répond à mon étreinte et enfouit son visage dans ma chevelure. Le parfum si délicat de son sang embaume mes narines. Je sens au creux de mon être la faim lutter contre le pacte que nous avons scellé il y a un demi-millénaire : lui promettait de me protéger si je ne le dévorais pas. Difficile de me tenir à cet accord quand ses veines pulsent à quelques centimètres de mes canines...
Soudain, je montre les crocs, feignant de le mordre. Orphée réagit au quart de tour. Sa main se glisse autour de ma gorge alors qu'il me repousse vivement. Me maintenant à distance. Un feulement m'échappe tandis qu'il rit, secouant la tête :
— Mel, Mel, Mel...
Je m'esclaffe, mon regard toujours fermement planté dans le sien et je souffle, malicieuse :
— La tentation est trop forte ! Parfois, je me dis que j'aurais mieux fait de te manger plutôt que de te proposer un tel pacte.
Il secoue la tête, pas le moins du monde inquiet par mon soudain accès de voracité. Le héros approche son visage du mien. Son souffle s'échoue sur mon front tandis qu'il gronde :
— Nous nous reverrons.
Son pouce dévale la courbe de ma nuque alors que sa prise se resserre légèrement. Je me mords la lèvre inférieure avant de rétorquer :
— Et à nouveau, tu me haïras.
— Parce que tu es une garce éternelle.
— Parce que tu m'aimes.
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Mélusine - La légende De Lusignan (Mélusine HS.3)
Paranormal- Avertissement : Ce livre est un hors-série de Mélusine et se déroule plusieurs siècle avant l'histoire centrale. Elle relate le passé de la sirène et peut être lue indépendamment (il est cependant conseillé d'avoir lu Mélusine puisqu'il y a quelq...