Chapitre 6.

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« Puis-je vous demander cette danse ?

Surprise, alors qu'une nouvelle musique, plus guillerette s'élève, je toise Hugues d'Aret qui s'est incliné devant moi me proposant son bras. J'échange un regard avec mon époux. S'il ressent quelque chose par rapport à cette invitation, il n'en montre rien. Avec un sourire provocateur, à son égard, j'accepte et déjà, me revoilà en train de danser au bras de ce jeune et beau chevalier. Je sens encore peser une fraction de seconde le regard de Raymondin sur moi avant de l'oublier totalement.

Mon cavalier est un habile danseur. Gracieux, il suit les pas, en rythme avec la musique et nous formons un charmant couple. Hugues entame la discussion avec une banalité ennuyeuse.

— C'est une belle soirée, ne trouvez-vous pas ?

— Fort belle en effet. Pâques est une fête que j'affectionne.

Il me sourit avant de souffler, de cette voix si grave :

— Je suis de votre avis, ma Dame. N'y-a-t-il pas jour plus symbolique que celui-ci...

Mon sourire se fige alors que ces quelques paroles résonnent en moi. Un froid glacial s'empare de mon être tout entier et j'ai l'impression que mon esprit se déconnecte de mon enveloppe charnelle. Je n'entends même plus la musique, obnubilée par sa voix. Cette voix... Basse, grave, chaude... Je l'ai déjà entendue prononcer ces mots.

« Il faut être plus subtile... Et en même temps, plus symbolique. »

Mon sang ne fait qu'un tour et je m'arrête soudain de danser, tant la surprise est grande. Je pensais que Claude était le dernier des conspirateurs, celui que je ne parvenais pas à reconnaître. J'avais tort.

Il se tient devant moi.

Et je suis en train de danser avec lui.

Huges d'Aret.

Stupéfaite, je le dévisage tandis qu'il fronce des sourcils, sans se départir de son air d'ange. À aucun moment, je ne l'aurais soupçonné. Rien chez lui n'aurait pu le trahir. Sinon cette voix que j'ai pris tant de temps à reconnaître. Je savais bien qu'elle me disait quelque chose !

— Vous sentez-vous bien, ma Dame ?

Face à ses yeux verts qui me scrutent attentivement, je reprends aussitôt mes esprits. À présent que je sais la vérité, je parviens plus facilement à déceler l'hypocrisie dans ses mots et ses gestes. Me composant un masque de façade, je fais aussitôt appel à mes dons pour avoir l'air le plus mal possible. Que le spectacle commence.

— Je crains que non... Il me faut de l'air.

— Je vous accompagne, c'est plus sûr.

Mais en disant cela, le noble effleure déjà du bout des doigts la dague à sa ceinture. Je dois me retenir d'esquisser un rictus et hoche de la tête, faiblement.

Nous quittons la piste de danse. Au loin, je surprends Raymondin qui s'est aperçu que quelque chose cloche, et qui commence à avancer vers nous. D'un regard sombre, je lui intime de ne pas bouger. Lui aussi a compris je crois.

Autour de moi, je devine que le piège s'est refermé. Si Hugues est à mon bras, je suis entourée de cette noble envieuse, du juge, du maréchal et de Philibert. Discrètement, ils referment leur toile sur moi, me bloquant toute issue, formant un rempart qui me dissimule au reste des personnes présentes.

C'est maintenant que tout va se jouer. Poussant mon jeu de comédienne jusqu'au bout, je m'enquiers avec toute la candeur dont je suis capable :

— Hugues, que se passe-t-il ?

Mélusine - La légende De Lusignan (Mélusine HS.3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant