Chapitre 18.

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« Orphée...

Allongée sur mon lit, encore vêtue de ma robe du jour, je fixe le plafond, songeuse. Assis à côté de moi, le héros s'enquiert doucement, jouant avec ma chevelure sombre :

— Oui, Mel ?

Ses yeux émeraude m'observent avec douceur lorsque je tourne mon visage vers lui. Puisque Raymondin joue au mari fantôme, désertant la chambre conjugale, le héros est resté en ma compagnie cette nuit. Nous n'avons guère dormis. Je suis restée allongée sur le dos, alors que le blond, assis sur le matelas me racontait la façon dont il avait passé le siècle passé.

À force de l'écouter, j'en suis venue à oublier mes problèmes actuels.

La rancœur est un poison que je connais fort bien. J'ai grandis en la ressentant. Douce-amère, elle motive suffisamment pour pousser au pire... Mais elle peut transformer en vipère même le plus doux des agneaux. Je suis cependant peu habituée à ce qu'on éprouve envers moi. Et la rancune des autres alimente la mienne.

Mais la présence du héros a beaucoup atténué la rancœur que j'éprouve en ce moment, nourrie par celle de mon époux.

Je crois que l'état serein dans lequel je me trouve est différent de celui dans lequel je baigne depuis mon mariage... La simple sensation d'avoir prêt de moi Orphée suffit à me faire oublier tous les autres torts du monde. J'ai si peu de considération pour les autres que j'en ai oublié ce que cela fait d'avoir un véritable ami...

Plongeant mon regard dans le sien, je murmure, d'une voix presque enfantine :

— Penses-tu que si j'avais été humaine, j'aurais pu t'aimer ?

Un instant, il me dévisage comme si j'étais devenue folle. Puis j'explose de rire. Et dieu ! Je n'avais pas ris ainsi depuis si longtemps !

— Tu n'aimes personne d'autre que toi, belle sirène.

— Certes... Mais je tiens à toi.

— Et à ton époux ?

J'esquisse un sourire mutin avant de répliquer :

— Plus encore !

— Tu m'en vois blessé...

— J'aime trop briser ton cœur, bel héros.

— Les Hommes doivent maudire le jour où tu es venue aux mondes... rétorque-t-il, alors qu'un rire grave lui échappe. Poséidon n'aurait pas pu créer plus insupportable sirène.

Je me fige un instant à l'entente de ce nom avant de grimacer de dégoût.

— Que la vie me préserve d'un jour rencontrer ce dieu...

Le héros esquisse un faible sourire reposant une mèche de ma chevelure qu'il vient de tresser. Un instant, sa main glisse jusqu'à mon menton alors qu'il effleure du bout de son pouce ma gorge. Ce contact me fait frissonner alors qu'il marmonne, d'une voix bien plus rauque :

— Je pense que si j'avais été humain, si tout avait été différent, j'aurais pu t'aimer... »

Saisissant sa paume, j'y dépose un bref baiser. Je ne saurais expliquer l'euphorie qui me gagne en sa présence. Car s'il y a bien une chose dont je suis certaine, c'est que jamais je ne pourrais l'aimer. Ni lui, ni Raymondin... C'est à croire qu'une sirène ne peut être amoureuse !

Un instant, je ferme les yeux.

Au lever du jour, tout – la paix, la sérénité, cette douce euphorie... – s'évanouit. Après tout, la nuit n'est qu'un repère éphémère, qui abrite les retrouvailles et les histoires le temps de quelques heures, le temps pour les étoiles de briller encore un peu avant que le soleil n'étande à nouveau ses rayons dorés sur le monde...

Mélusine - La légende De Lusignan (Mélusine HS.3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant