Chapitre 25.

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Quatre jours.

C'est le nombre de jours qui se sont écoulés avant que ce chasseur de sirène de malheur ne tente de se confronter à moi. D'une curieuse façon cela-dit. Alors que je me promenais dans les jardins du château, seule, entre les différentes haies et les grands arbres, je ne m'attendais pas à tomber sur cet imbécile, adossé contre un chêne suffisamment éloigné de la grande demeure. Nullement armé, il semble simplement vouloir discuter. Peut-être en a-t-il eu marre de tenter d'avertir Raymondin du danger que je peux représenter à force de sous-entendus qui tombent dans l'oreille d'un sourd. Mon époux est un acteur formidable lorsqu'il s'agir d'ignorer des remarques médisantes à mon encontre. Mais il est également un peu aveugle s'il n'a pas remarqué notre curieux conflit à Renaud et moi.

Le chasseur de sirène me toise, un rictus menaçant aux lèvres avant de m'apostropher, amer :

« Votre manège ne durera pas éternellement, sirène.

Qu'il continue ainsi à s'exprimer avec un faux respect et une bienséance hypocrite nourrit réellement mon hilarité. L'Homme est un curieux animal qui accorde bien trop d'importances à certaines valeurs qui n'en sont même pas. C'est se raccrocher à des principes pour faire persister une humanité dans leur cœur qu'ils étouffent de leurs propres mains sans même s'en rendre compte. Un jour, l'humain causera sa propre destruction à ce rythme-là. Haussant des épaules, je rétorque :

— De quel manège parlez-vous ?

— Ne jouez pas les idiotes et les innocentes. Vous êtes loin d'en être une.

Un ricanement méprisant m'échappe. Renaud ne semble cependant pas bien impressionné.

— Vous allez éloigner vos écailles dégoûtantes de poisson du diable de Lusignan et de son seigneur.

— Raymondin n'a pas besoin de la protection de son petit frère jaloux, je lâche, hautaine.

— Raymondin est un idiot s'il s'est laissé envoûter par vous. S'il n'agit pas, je saurais me débarrasser du problème que vous représentez.

Cette fois, un vrai fou rire m'anime. Ce qui ne semble pas être au goût du comte de Forez. Je retrouve mon sérieux avant de lâcher, levant les yeux au ciel.

— Votre frère m'aime, Renaud. Si j'allais le voir pour lui dire que vous avez... disons... tentez de me séduire et d'avoir mes faveurs, croyez-vous qu'il vous croira vous plutôt que moi ?

— Je suis son frère ! proteste-t-il, un éclat colérique embrasant son regard.

J'avance d'un pas vers lui avant de rétorquer, effrontément :

— Et je suis celle grâce à qui il est devenu ce qu'il est, la mère de ses garçons – je manque m'étouffer en prononcer ces mots – et sa femme depuis plus de vingt ans. Êtes-vous prêt à prendre le risque ?

— Vous êtes bien une sirène... Manipulatrice et maléfique.

Un sourire étire le coin de mes lèvres, tandis que mon orgueil gonfle dans ma poitrine.

— Merci du compliment monseigneur. »

Je plonge dans une profonde révérence qui ne manque pas de mettre en avant mon sublime décolleté sous son regard empli de dégoût avant de me redresser et de m'éloigner d'un pas assuré, fière de ma manœuvre, en direction de mon merveilleux château.

*

Le dîner familial en présence de mon époux, de ses enfants et de son frère doit certainement un de mes moments de la journée préféré depuis l'arrivée du chasseur de sirènes, rien que pour me pavaner sous son regard, lui montrant à quel point je suis maîtresse des lieux et que s'en prendre à moi pourrait lui coûter beaucoup.

Mélusine - La légende De Lusignan (Mélusine HS.3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant